Il y a eu hold-up électoral au Bénin, une énorme violence symbolique administrée à tout un peuple avec effet persistant sur plusieurs générations. Mais il n'y a pas eu de guerre de refus. Pas même de violence réactive, comme au Nigéria voisin où, pourtant, de mémoire d'organisation électorale, jamais élection ne fut plus juste et équilibrée. Pas eu de guerre et on ne voit nulle part pointer à l'horizon l'ombre de l'expression d'une position de refus ou de résistance contre l'usurpation. Comme si ce qui s'est passé était normal ; comme si le peuple en avait pris son parti. Et tout se passe dans une curieuse atmosphère de «busines as usual ». Et on appelle cela pacifisme du peuple Béninois ! Le peuple n'avouera donc pas sa complicité dans la parodie dont il est victime, dans la mascarade pour laquelle il a été mis en branle. De la Lépi au diktat de la cour constitutionnelle, en passant par l'oukase de la CENA ; des sensibleries roublardes d'un Tévoédjrè, des gesticulations rondouillardes et passablement mercenaires d'un Zinsou, aux larmes de crocodile d'un Yayi Boni sur les erreurs de la Lépi en passant par les scandaleuses rodomontades de je ne sais quel beau-frère. Comme un bourgeois, le peuple va donc au théâtre ! Il prend sa place dans cette vaste représentation destinée à le duper, à le tourner en bourrique ; et il accepte avec une désespérante alacrité le rôle de l'âne sans broncher et sans demander son reste. Des dizaines de milliards gaspillés pour une cynique représentation théâtrale sous les tropiques pendant que la majorité du peuple a faim ; pendant que la grande majorité du peuple est analphabète ; pendant que nos hôpitaux sont des mouroirs ; pendant que nos routes en raison de leur état dégradé sont sources d'accidents mortels ; pendant que chaque année l'inondation entraîne des calamités ; pendant que l'insécurité devient préoccupante au quotidien ; pendant que fuyant la misère les meilleurs de nos fils et filles vont vendre leurs talents loin de chez nous dans la souffrance de l'exil et pour des miettes dans les pays de ceux qui nous exploitent et nous imposent nos dirigeants ici chez nous : Tragi-comédie de l’absurde et paradoxe infernal ! Flagrant délit de collusion avec les forces du mal, pour autant que la complicité qui se dessine se confirme, qu'on ne vienne plus nous bassiner de discours manichéens sur des peuples innocents, abusés par des chevaliers d'industrie déguisés en politiciens ; qu'on ne vienne plus vous parler de pauvres noirs en permanence violés par de méchants blancs, capitalistes ou néo-colonialistes. Qu'on ne vienne plus nous peindre le tableau d'un monde en noir et blanc !
En cette époque et dans ce monde où règnent tant de sources de lumière, il ne tient qu'à chaque peuple de s’en saisir pour s'éclairer et faire régner la lumière de la liberté et de la conscience. Faute de quoi, il faut qu'on cesse de nous bassiner sur le malheur des noirs ; sur le malheur d'un peuple béninois qui est responsable de ce qui lui arrive ou arrivera. Car la liberté c'est maintenant ou jamais !
Éloi Goutchili
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