Se diffuse dans l'opinion, et de plus en plus dans les médias, les journaux, sous la plume experte même d'analystes politiques, l'idée que l'opposition aurait fait des erreurs dans l'élection présidentielle qui vient de se dérouler ; et que ce sont ces erreurs qui rendraient raison de la victoire ou plus exactement de la confiscation du pouvoir par M. Yayi Boni. Il s'agit là à n'en pas douter d'une idée insidieuse qui n'a pas grand-chose à voir avec la vérité et dont les semeurs ou les inspirateurs sont tapis dans les rangs des comploteurs eux-mêmes. Pourquoi cette idée est-elle fausse et insidieuse ? Parce qu'à terme volontairement ou non, par auto-culpabilisation ou par volonté délibérée de semer la confusion, on n'en arrive à l'idée que la confiscation du pouvoir opérée par la junte au pouvoir correspondrait à une victoire électorale au sens politique classique. Car quoi, quelle aurait été l'attitude impeccable de l'opposition face à un pouvoir rageusement décidé à passer en force, et qui a infligé à ses adversaires ainsi qu'à toute la nation une violence symbolique inouïe ? Le fait de ne pas avoir pu imaginer la portée de cette violence symbolique ; le fait qu'elle soit synthétique peut-il être considéré comme une erreur de l'opposition ? Tout le monde sait que la politique et la morale ne font pas bon ménage. Mais ce qui s'est produit depuis quelques années au Bénin avec l'avènement de M. Yayi Boni en 2006, et qui a atteint son point d'orgue avec la parodie d'élection où, pour la première fois dans notre histoire démocratique, une élection présidentielle est sans second tour ; ce qu'il s'est passé, il faut le dire clairement, est de l'ordre d'une violence symbolique qui ruine les fondements psychologiques, sémiologiques, éthiques et existentielles d'une communauté humaine quelle qu'elle soit, et par conséquent de toute humanité. Qu'est-ce à dire ? Eh bien dans tout rapport d'échange entre des êtres humains-fût-ce entre le bourreau et la victime - il y a, implicitement engagé, un ensemble de garanties morales et existentielles qui donnent sens à l'échange en tant que production humaine partagée. À plus forte raison lorsque cet échange se produit à l'intérieur d'une même société, d'une même nation, son évidence et sa garantie vont de soi. La socialité et l'humanité engagée dans la société sont synonymes de cette évidence. Ce sont ces indicateurs sémantiques de l'intersubjectivité qui fondent la collectivité. Ainsi par exemple, la notion de crime contre l'humanité qui est étayée sur l'idée de la morale en temps de guerre, implique la nécessité d'un minimum de codes échangés qui suppose aussi entre belligérants un minimum de sens partagé.
Or ce qui a connu son apogée avec l'élection du 13 mars dans notre beau pays le Bénin, eh bien c'est le refus synthétique inimaginable d'entrer en rapport avec l'autre - adversaire politique- sur la base d'un minimum de sens humain partagé. Il y a une rupture sémantique totale de tout embryon d'intersubjectivité en tant qu'elle est éthiquement marquée, et donc le mépris de la socialité politique et humaine des interlocuteurs légaux que sont l'opposition et même le peuple qu'elle est censée représenter. Il s'agit d'une rupture d'humanité férocement imposée et dont nul, à moins d'avoir parti liée avec le diable, ne pouvait imaginer ni la portée, ni la possibilité. C'est essentiellement cette violence dont seule l'histoire rendra raison de l'inhumanité qui justifie la confiscation grotesque du pouvoir par Yayi Boni et ses salopards associés. Et non d'hypothétiques erreurs ! Erreur ? -Bien sûr qu'il y a eu des erreurs ! Et pour tout observateur de la vie politique, ces erreurs étaient plus monstrueuses et plus nombreuses du côté de la mouvance au pouvoir que de l'opposition. Et le caractère grotesque de la mise en scène du holdup électoral infligé au peuple béninois dans ses modalités est l'expression de la récurrence de ces erreurs, et de leur nombre qui n'a échappé à personne. Car en matière d'erreur que pouvait faire l'opposition lorsque nous avions une Cour constitutionnelle qui se confond cyniquement avec son chef qui s'est résolu d'une manière crapuleuse à ne pas laisser passer la justice dès lors qu'elle semble favoriser l'opposition ? Et pourtant, telle a été l'attitude constante du triste M. Dossou, depuis plusieurs mois, à tel point qu'on peut sans se tromper en conclure que son arrivée à la tête de cette institution clé était le signal et l'origine du coup d'état qui s'ensuivrait plusieurs années plus tard. Que pouvait faire l'opposition ? Est-ce que c'est l'opposition qui a rendu aveugles les embassadeurs de France et des États-Unis ? Est-ce que c'est l'opposition qui a rendu sourds les représentants de l'ONU, du PNUD et autres organisations soi-disant humanitaires sur ce qui se tramait au grand jour dans notre pays depuis des mois et des mois ? Non, bien sûr que non ! Puisque ce beau monde, effrayé à l'idée que l'exemplarité de l'expérience démocratique du Bénin pouvait faire tache d'huile dans une Afrique que l'on cherche délibérément à maintenir dans l'obscurité du sous-développement, et cela en vertu d'une collusion abjecte entre ses pilleurs et ses soi-disant secouristes, ce beau monde disons-nous, n'a eu de cesse de la mettre sous éteignoir.
L'alternative qui a échu à l'opposition est unique : ou bien elle jouait le jeu des élections en y présentant son candidat, ou bien elle ne le jouait pas. Dans ce dernier cas, comme cela s'est déjà produit dans l'histoire de notre pays, avec Kérékou par le passé, on se plairait à jouer ce qu'on appellerait de façon perfide un « match amical » qui aurait d'ailleurs pour conséquence de banaliser la violence symbolique des tenants du pouvoir. Et l'opposition serait dans de beaux draps. Ceux qui parlent aujourd'hui d'erreur consciemment ou inconsciemment, n'auraient plus à forcer leur imagination : ils auraient du grain à moudre et matière à fomenter de la confusion.
En allant aux élections, dans un pays où la capacité et la combattivité réactive de l'opposition sont fort limitées, l'opposition n'est que dans son rôle et dans son identité malheureuse. Et ses limites et cette identité malheureuse ont été prises en compte par le pouvoir dans l'administration cynique de la violence symbolique. Nous sommes un petit pays plein de mythes et de mystifications dont la moindre n'est pas le consensus frauduleux qui consiste à appeler « pacifisme » la peur de mettre en jeu sa vie pour sa liberté ; l'inclination au chacun pour soi, et le peu de cas qui est fait de la valeur de la vérité et de la justice en politique. Depuis Béhanzin, toutes ces valeurs ont été foulées aux pieds, elles ont déserté le forum, et la conscience collective. Et le colonisateur n'a eu de cesse de nous encourager à aller dans ce sens. Nous avons sans doute l'excuse que ce qu'on appelle le Bénin aujourd'hui, même s'il à l'ancien royaume du Dahomey comme sa partie essentielle, ne s'y résume pas. Et, dans l'intérêt du colon comme dans l'intérêt de tous ceux que ces valeurs, cette identité, et cette expérience singulière dérangent, la politique au Bénin est devenue synonyme de la négation des idéaux et de l'identité défendus par Béhanzin au prix de sa liberté et de sa vie, il y a plus d'un siècle de cela. La seule erreur qu'a commise l'opposition est seulement de ne s'être pas déterminée assez tôt et de n'avoir pas assez de libido dominandi parmi ceux qui l'incarnent pour imposer le front du refus dès l'aurore des manigances de Yayi Boni et de sa clique. Car une fois que la tolérance à ces manigances a été comprise et acquise, les comploteurs n'ont eu qu'à en abuser de proche en proche dans une série croissante d'agressions symboliques qui ont culminé au hold-up électoral du 13 mars 2011. En vérité l'opposition n'avait pas commis d'erreurs irréparables mais elle avait un défaut qui ne pardonne pas en politique : être incarnée par des hommes qui avaient plus de sagesse que de libido dominandi
Cossi Bio Ossè
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Yako, mon frère Cossi Bio Ossè.
Ils ne l'emporteront pas AU PARADIS.
Dans pas longtemps, car le Piège s'est refermé sur EUX
COURAGE
Rédigé par : CHRISTIAN de SOUZA (Philosis) | 13 avril 2011 à 23:40
Vous ne sembler pas aborder la question sous l'angle de ceux qui parlent d'erreur. Eh bien, que vous l'acceptiez ou non: c'est une erreur colossale que l'opposition a commise pour avoir accepté de participer à cette élection dans les questions qu'elle n'ignorait pas. Seul le Parti communiste a vu juste en s'abstenant.
Rédigé par : Del ADEG | 13 avril 2011 à 23:33