De quoi s’agit-il ; un planteur demande à un voisin un col de canari cassé (kɔla) pour servir de tuteur à un plant de cola qu’il voulait faire pousser. Ce qui fut fait, et voilà qu’au bout d’un certain temps l’arbre poussa et devint imposant. Ce que voyant, et jaloux du succès de son voisin, le propriétaire du kɔla demanda qu’on lui restituât son col de canari. Ce qui voulait dire de couper l’arbre. Après moult contestations, supplications et disputes, le propriétaire jaloux se fit raison lui-même et coupa l’arbre de son voisin pour reprendre possession de son bout de canari. Quelque temps après, le voilà qui pour parer sa fille élue au couvent d’un dieu, vint demander au planteur de lui prêter un collier pour quelque temps. Le planteur trouvant là l’occasion de prendre sa revanche qu’il ruminait depuis la dernière cruauté de son voisin que celui-ci avait déjà oubliée, lui prêta le collier sachant qu’il ne se défait pas une fois mis au cou d’une adepte du vodou ; un peu comme dans le cas du collier d’argile qui servit de tuteur. Le propriétaire du kɔla tout à sa joie, oubliant sa cruauté passée, prit le collier et s’en fut le mettre au cou de sa fille qui put entrer au couvent du vodou. Or voilà que quelque temps après, le planteur vint demander son collier, et comme il s’avéra que la chose était impossible suivant les principes du vodou, une dispute s’ensuivit qui les conduisit chez le Roi Gbégnon. Mais le Roi Gbégnon fit savoir sans détour que selon les principes de la royauté héritée d’Allada, il n’avait pas le droit de se mêler de jugement touchant à la religion, parce que c’était l’affaire du chef des cultes, Aplogan. L’Aplogan fut donc appelé et présida au tribunal qui allait juger de ce contentieux éthico-religieux pour le moins délicat. Et l’Aplogan, jugea que puisqu’il a fallu couper l’arbre pour restituer le collier en argile servant de tuteur, eh bien, il n’y avait pas autre chose à faire que de décapiter la fille (vodounci) ; vu que selon la loi sacrée, on ne doit jamais enlever un collier du cou d’une femme consacrée au vodou, tant qu’elle était vivante !
Le jugement d’Aplogan était sans appel. La jeune vodounci fut décapitée et le planteur récupéra son collier… Qui est sorti grandi de cette histoire ? Difficile à dire, on est dans la logique du règlement de compte sur fond de jalousie. Et le jugement d’Aplogan, malgré sa cruelle logique, qui pourrait faire penser au jugement de Salomon, n’a pas la sagesse du jugement de Salomon. Parce que la proposition du jugement de Salomon n’était pas confondue avec sa fin mais était un moyen sage pour atteindre ce jugement ; alors que dans le cas du jugement d’Aplogan sa proposition – décapiter le jeune vodounci – se confond avec le jugement lui-même. Et cette confusion lui aliène toute sagesse
selon un conte chanté par Yédénou Ajahoui et repris ici par son fils Tcheffon
Binason Avèkes
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