Pourquoi existe-t-il un lien entre Moralité et Lien social.
La corruption est un fait de moralité ; dans tous les pays du monde, elle entretient un lien fort avec la mentalité collective. Au Bénin, au-delà de ce lien général, la corruption entretient un rapport direct avec le lien social. En soi, le lien social n'est pas un fait de mentalité spécifique puisque dans toutes les sociétés le lien social existe. Là où on peut faire découler le lien social de la mentalité, c'est éventuellement dans sa plus ou moins grande force. Il y a des sociétés dont les mentalités les inclinent à générer et jouir d'un lien social fort et il y a des sociétés où le lien social a tendance à être à son plus bas niveau. Ces différences ont des causes diverses dont certains aspects sont hérités de l'histoire. En Afrique de l'Ouest par exemple, deux pays comme le Mali et le Bénin sont à placer sous des enseignes différentes en ce qui concerne le lien social. La société malienne génère un lien social fort tandis qu'au Bénin plus le lien social est faible mieux ça vaut. Le Béninois aime s'épanouir dans l'individualisme, dans les groupuscules rivaux, dans l'élitisme. Mais personne ne cherche à contribuer à la vigueur du lien social et l'on pense qu'il n'y a pas meilleure réussite, meilleur bonheur que celui qu'on a créé sans dépendre de la société. Il y a donc le culte d'un héroïsme de l'accomplissement de soi. Cet héroïsme anime les individus, les groupes fermés sur eux-mêmes et qui sont en sourde rivalité les uns avec les autres. Au Bénin, réussir c'est réussir tout seul, c'est réussir par soi et pour soi.
Cette conception individualiste de la réussite pousse non seulement à rejeter le recours à l'apport social, mais bien souvent à le dénier ou à le renier. Et cette dénégation du lien social donc aussi de l'État qui en est la forme rationnelle est déjà la source première de la corruption, sa forme première. Plus on dénie ce qui est public dans ce dont nous nous approprions, plus nous nous en faisons propriétaires. C'est ainsi qu'on en arrive à détourner les biens publics en les confondant naturellement avec les biens personnels.
L'autre source et forme de la corruption est la corruption d'État qui est la plus décriée. Parce qu'elle est commise par ceux-là mêmes qui devraient être les gardiens du bien public et des modèles de référence en matière de son respect. La corruption d'État est celle que perpètrent les hommes politiques. En vérité dans le climat d'individualisme existentiel qui règne au Bénin, où chacun est mû par l'éthique du chacun pour soi, et où on s'efforce de vivre sans chercher à faire vivre l'ensemble, qui, croit-on qui se dévouerait à faire de la politique ? Evidemment, seuls ceux dont le but est d'en faire une source de profit. C'est ainsi qu'au Bénin en raison de la mentalité d'individualisme, de chacun pour soi et de la faiblesse viscérale du lien social, les seules personnes qui s'orientent vers la sphère politique sont ceux qui escomptent en tirer un bénéfice matériel pour eux-mêmes, à l'exclusion des autres, à quelques rares exceptions près. De ce point de vue, bien qu'il en existe plus d'une centaine, en réalité il n’y a qu’un parti politique au Bénin : c’est l’infime partie de ceux qui, parce qu'ils dénient le lien social, et bien qu'ils le dénient, se donnent paradoxalement pour but de s'occuper des affaires collectives, c'est-à-dire d'eux-mêmes, d'eux seuls. Comment saurait-il en être autrement dans une collectivité perçue et vécue comme une somme d’individus ?
Prof. Cossi Bio Ossè
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