Il y a quelque chose d’alarmant au niveau de l’information au Bénin, surtout vu de l’extérieur, mais sûrement aussi de l’intérieur. C’est le mépris de l’objectivité, et la distance fantaisiste prise souvent avec la réalité, sans parler de la vérité. Et l’idéologie populiste du régime de Yayi Boni n’y est pas étrangère, même si le phénomène est plus ancien. Le Changement de Yayi Boni a amplifié le mal. La culture de propagande instaurée par le système n’a-t-elle pas crée une noria de titres dont le but avoué est de refaire l’information à convenance ? Presse papier ou en ligne dont la fonction quotidienne est d’encenser le gouvernement, son chef, leur tresser des lauriers, présenter leurs actes sous de beaux jours, les caresser dans le sens du poil, lâcher dans les airs et la mare des gros titres de l’actualité, des titres élogieux ou fantaisistes. À coups de dithyrambes, de louanges et de dénégation, on aboutit à une approche de l’information-propagande à caractère autistique, autoritaire et imaginaire. La philosophie de l’information est sous-tendue par une perception clivée de l’auditoire selon la dichotomie étanche du “eux et nous”. Quel que soit le fait donné, ils ont leur version et nous aussi nous avons la nôtre. Et, à partir du moment où nous sommes le pouvoir nous avons pour nous et ses moyens et sa légitimation qui nous permettent de naturaliser notre version, aussi masturbatoire et complaisante soit-elle. Le mot d’ordre de cette philosophie est : “l'info est dans l’effet et non pas dans les faits”. À ce train, sur quelque sujet de la vie sociopolitique que ce soit, on croit pouvoir dire ce que l’on veut, et l’on applique cette croyance sans état d’âme avec un mélange de cynisme et d’ironie. Dans cette logique, le débat est mis hors jeu et l’idée de la liberté d’expression est celle que met en jeu le parallélisme des versions, dans le mépris de l’échange, de la concertation, de la confirmation et du partage, valeurs fondatrice de la cohésion sociale et de la connaissance. C’est qu’en réalité la posture épistémologique d’une telle conception de l’information est celle du degré zéro de la connaissance. Une posture qui joue à fond sur le relativisme cognitif, érigé en valeur. Ce relativisme touche en premier lieu les sujets politiques, où il paraît aller de soi, voire de bonne guerre, sur un même fait, de donner en toute circonstance une version contraire du point de vue de l’adversaire.
L’UN a-t-il fait une tournée dans le Nord ? Les uns disent : “ Tournée dans le Nord : les Ténors de l’UN accueillis en triomphe” ; tandis que les autres disent : “ Tournée de l’UN dans le Nord : Échec cuisant”. Sous prétexte que c’est un sujet à caractère politique et même électoral, on se permet de dire ce que l’on veut en évacuant la dimension factuelle de l’information au profit de sa dimension passionnelle. L’esprit d’objectivité, le citoyen ordinaire qui ne demande qu’à s’édifier s’y perdent. Et avec eux le fondement du lien social.
Hélas, les sujets politiques ne sont pas les seuls touchés par cette approche mesquine de l’information. Au train où vont les choses, après une éclipse, il ne serait pas étonnant que les uns parlent d’éclipse de la lune et les autres d’éclipse du soleil, selon qu’ils sont adeptes du temple solaire ou adorateur de la lune. Et pourtant la paix, on ne le dira jamais assez, en cette approche des élections où tout le monde a le mot à la bouche, l’unité et la cohésion nationale, sont d’abord et avant tout celles de l’information partagée dans le respect premier des faits.
Binason Avèkes
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