Contemporaine de l’impérialisme colonial la raison historique qui sous-tend les thèses évolutionnistes offre des justifications scientifiques à la colonisation et sa mission civilisatrice à peine identifiée la culture différente est niée. Simple survivance, elle exprime une rationalité morte et inférieure. La science sociale permet d’affirmer scientifiquement la supériorité des colonisateurs. Certes l’évolutionnisme sera progressivement remise en cause ; et au tournant de la seconde guerre mondiale un émient anthropologue comme André Leroi-Gourhan s’adressant à des étudiants en ethnologie pouvait déclarer :
« Et un jour vous partirez remplir votre mission. Que vous soyez fonctionnaire colonial, prêtre, médecin, ingénieur, commerçant ou simplement ethnologue, vous avez un rôle à jouer. Vous avez non seulement à servir la science, mais à accomplir une tâche d'importance capitale pour l'avenir de la colonisation ; vous avez à comprendre et à aimer l'indigène, vous avez à le faire comprendre et aimer des Français de la colonie et vous saurez sur place ce que ces mots représentent ; vous avez enfin à faire comprendre à tous les Français que l'Indochine, l'Afrique, la Nouvelle-Calédonie, les Antilles, Madagascar, c'est la France : qu'à l'heure actuelle c'est même la partie la plus importante de notre pays que nous ne pouvons pas vivre sans elle que nous serions encore sous à la botte si l'Afrique n'était pas restée française. Vous avez à faire comprendre aux Français que des : hommes de toutes couleurs vivent qui son d'autres Français et qui ont souvent plus de force patriotique et plus de respect national que nous-mêmes; J'ai connu la résistance indochinoise en France, j'ai vécu en maquis avec des Sénégalais et j ai eu à rougir parfois de la comparaison que mes hommes pouvaient faire entre l'image de la France et da réalité qui leur était administrée. Vous avez a travailler non pas sur des atomes ou sur des animaux domestiques mais sur cette matière infiniment respectable qu'est l'Homme et jamais vous ne devez oublier la mission d'interprète que vous avez à remplir. Vous l’accomplirez avec simplicité et avec foi en poursuivant votre idéal de vérité scientifique. »
Il est vrai que l’approche de la décolonisation puis sa réalisation entraîneront un bouleversement fatal. L’anthropologie entrera en crise. Elle verra sa bonne conscience bousculée par les assauts des nationalistes comme Césaire et Fanon. Les indigènes, comme le dit Gérard Leclerc¹, se transformeront en indigents, ce qui subsiste de diversité apparaîtra de plus en plus comme inégalité. Mais avant cette crise épistémologiquement et politiquement décisive, que d’approximations délirantes, que d’ethnocentrisme et de manichéisme dans le regard des premiers ethnologues autoproclamés qui auscultaient l’Afrique à travers le prisme de leurs fantasmes, de leurs préjugés tenaces et de l’intérêt bien compris de leurs nations. Par l’étude des péri-textes, ( Préface, Avertissements, Avant-propos, et Postface) nous présentons ici le cas de E. Foâ, l’un de ces pionniers de la bonne conscience occidentale, pseudo-savants de la légitimation de la domination coloniale.
I
Au lendemain de la campagne du Dahomey, au moment où la civilisation et l'influence européenne vont modifier les mœurs et les usages primitifs(1) de ce pays, il m'a semblé utile de réunir dans cette étude les observations curieuses(2) que j'y ai faite avant la conquête. |
Commentaire et critiques
L’auteur a fait le choix d’un avertissement à la sobriété remarquable. Mais cette sobriété cache des indices, des pistes et des leurres herméneutiques de son parti-pris raciste et de son antinégrisme délirant.
- « Les usages et mœurs primitifs » doit être compris ici non pas comme antérieurs, précédant les usages que l’ordre colonial va imposer, mais plutôt au sens d’inférieur, de rudimentaire, de sauvage, de barbare, de pervers, etc…
- « Les observations curieuses », euphémisme de barbarie et monstruosités, vont aussi dans le même sens
- Idem pour le « Dahoméen barbare » qui méprise l’Européen
- supra
- Et le fait qu’il est oppresseur ne fait qu’ajouter à sa barbarie
- Race particulière : nous sommes dans la vision essentialiste de l’autre, source de et motif d’une diabolisation fonctionnelle
- « Mœurs curieuses » ; la curiosité stigmatisée à mainte reprise réfère essentiellement la thématique du sacrifice humain et les rituels associés ; l’auteur entretient l’idée d’une spécification, comme s’il s’agissait d’un apanage exclusif du royaume du Danhomè, alors qu’à l’Est comme à l’ouest du Danhomè deux royaumes puissants – Ashanti et Oyo – le pratiquent aussi. A l’instar des hérauts bien pensante de l’entreprise de colonisation, l’auteur ne s’interroge pas sur le sens de ces mœurs curieuses ni sur leur équivalent dans sa propre culture érigée en référent et norme absolus
- Ethnologue : entendre par ce mot plutôt Zoologue. Il n’y a qu’à voir le luxe de détail et le parti-pris réifiant de la description physique des êtres humains comme s’ils étaient des animaux. On n’a pas idée qu’il décrirait des Grecs ou des Polonais avec cette fureur réductrice sous le masque de bien pensant d’une science faussement objectivante
- Chronique d’une victoire annoncée, qui n’a pas attendu, les « fautes de Béhanzin » pour se mettre en branle ; car quelle que seraient la position du Danhomè, sa conquête faisait partie d’une volonté de domination programmée et inéluctable
- L’objectif pédagogique, la fourniture du mode d’emploi du butin
- Idem
- Recherche d’une légitimation scientifique, qui s’articule in fine avec la sobriété calculée du pré-texte. Comme on le verra l’Avertissement et la Préface traduisent la division du travail du leurre herméneutique
II.
Le royaume du Dahomey n'est plus; mais la contrée et sa population demeurent, placées sous l'autorité de la France, et le nom même subsiste officiellement en vertu du décret du 22 juin 1894, rendu sur la proposition du ministre des colonies, qui donne la dénomination de « l'ensemble des possessions françaises de la côte occidentale d'Afrique situées sur la Côte des Esclaves, entre la colonie anglaise de Lagos à l'est et le Togo allemand à l'ouest ». |
Commentaire et critique
(1) Lorsque l’ethnologue jette le masque et devient chasseur
(2) la langue nago qui donna lieu même à un petit lexique est la seule qui connut grâce aux yeux de notre ethnologue, un peu comme si allant étudier les Français on méprisa le français pour leur préférer le basque. Mais la raison en est simple. Foâ ne s’est intéressé au nago dont il connaît quelques dizaines de mots, que parce qu’il était la langue de ses porteurs et aides ; ceux qui s’étaient par intérêt abaissés à lui servir de chiens de garde de son exploration de chasseur pompeusement baptisée de « recherches ethnologiques » Dire que le nago était la langue générale comprise à peu près de tous au Danhomè est une contrevérité qui montre très bien le caractère subjectif limité et limitative et pour tout dire fantasque de la recherche de Foa
(3) Le thème de la singularité tératologique repris de façon explicite
(4) Stigmatisation éthique que l’on retrouvera dans l’histoire des Origines du Danhomè sous la plume fertile de Foâ lui-même
(5) Diabolisation fonctionnelle
(6) Idem
(7) Idem
(8) Idem
(9) Esclavage et sacrifices humains les deux monstruosités éthiques, sociales et culturelles qui justifient l’entreprise coloniale de civilisation des barbares. De fait, on assiste ici à une peinture sombre de l’Etat du Danhomè ; un pays en ruine du fait du tarissement de ses ressources. Et c’est à se demander quelle est la motivation concrète de l’entreprise coloniale, pourquoi elle s’intéresse à un endroit sans intérêt, sinon le pur altruisme humaniste qui pousse la civilisation supérieure française à apporter la lumière humaine et chrétienne à des peuplades de l’ombre
(10) Critique de la traite des Noirs ; au moment même où après avoir été l’une des dernières nations européennes à résister à son abolition, la France, à travers ses hérauts se fait fort d’emboucher la critique de la traite sans complexe, afin de montrer son option humaniste. La critique de la traite fait figure ici de concession dans le discours et de justification a posteriori du bien fondé de la démarche coloniale. Nous reconnaissons l’erreur, la bêtise et l’inhumanité de l’esclavage et de la traite, raison de plus pour éclairer ses sauvages et les arracher à leurs mœurs barbares
(11) Eloge du colonialisme
(12) Compte rendu par trop partiale et unilatérale des motifs de la guerre
(13) Eloge de l’action coloniale et perspective optimiste
(14) Le fantasme du commerce, et comparaisons culturelles et éthiques réductrices
III
Les Fons. L'histoire des Fons est, d'un bout à l'autre, celle d'une nation guerrière et disciplinée. Ceux qui ont voulu s'opposer a l'accroissement de leur puissance ont été anéantis; les rois dont ils étaient les tributaires sont devenus leurs esclaves, et les peuples qu'ils ont combattus sont tombés pour ne plus se relever. L'histoire des Fons antérieure au dix-septième siècle est inconnue il faut croire qu'ils n'existaient pas encore, car les premiers voyageurs en parlent comme d'un peuple dangereux mais faible et peu nombreux en 1698. D'après l'histoire indigène, on ne peut guère remonter que vers 1625. Mais laissons parler la tradition. Au commencement du dix-septième siècle, les Fons avaient un roi nommé Dan Successeur de plusieurs princes qui avaient fait de la petite tribu des Fons un peuple déjà craint malgré sa faiblesse, Dan était respecté par ses sujets. Quand il prenait son arc de combat, les Fons étaient sûrs d'avoir au retour de nombreux prisonniers et un riche butin. Toujours vainqueur à la guerre, toujours le premier dans l'action, il électrisait ses hommes les Fons triomphaient, même quand ils avaient l'infériorité du nombre. Le pays devint rapidement riche et florissant sous son règne et, par conséquent, excita la convoitise de plus d'un voisin. Vers cette époque, un nommé Aho, aventurier d'après les uns, prince d'Allada selon les autres, dévastait avec sa bande tous les pays environnants; il attaquait par surprise, pillait à la hâte et se retirait de même. Aho vint un jour chez les Fons demander à Dan un morceau de territoire pour s'établir, disait-il, loin de son pays et des siens. Il faut croire qu'il n'avait, en réalité, aucune patrie. Dan, craignant pour son pays le pillage et l'incendie, acheta sa tranquillité au prix de cette concession, et Aho s'établit chez les Fons, avec lesquels il vécut d'abord en très bonne intelligence. Le prince d'Allada ou plutôt l'aventurier, comme nous l'appellerons, prit peu à peu, sur le roi Dan, un ascendant considérable. Des cadeaux nombreux, des portions de territoire s'ajoutèrent à ce qu'il avait obtenu en premier lieu du monarque, et celui-ci finit par ne plus rien lui refuser. D'un autre côté, Aho se rendait populaire parmi les sujets du roi Dan, et il eut bientôt un grand nombre de partisans chez les Fons. Le monarque ne mettant plus de bornes à sa bonté, l'aventurier se fit de jour en jour plus exigeant. Le pseudo-prince d'Allada, venu on ne sait d'où, voulait aussi avoir des ancêtres illustres à citer, des conquêtes et des victoires à raconter d'accord avec quelques courtisans qui lui étaient tout dévoués, il mit sur le compte des anciens princes d'Allada des aventures extraordinaires, où, toujours victorieux et chargés de butin, ses pères revenaient dans le pays, acclames et bénis par le peuple entier. Le roi Dan laissait faire son favori il savait que les récits d'exploits du prince d'Allada étaient imaginaires, mais il ne prévoyait pas qu'un jour on y ajouterait foi, au détriment de son prestige. A force de répéter un mensonge, on finit par y croire, et Aho lui-même s'imagina peut être qu'il était réellement le descendant d'une grande dynastie. II y a parmi les objets sacrés des rois fons, même aujourd'hui, une cloche en fer', en forme de cornet, qui sert à proclamer, aux grands jours, les gloires de la monarchie. Cette cloche ne peut quitter le souverain; elle fait partie du trésor de la couronne ; personne autre que le roi ne peut s'en servir il l'emporte dans ses déplacements. C'est eu quelque sorte l'attribut du pouvoir. Un jour où, devant le peuple assemblé, Dan faisait raconter, selon la coutume, l'histoire de ses ancêtres~ la fantaisie prit à l'aventurier d'entendre aussi proclamer les gloires fabuleuses des princes d'Allada, dont il avait forgé l'histoire. Se penchant vers le roi auprès duquel il était assis, il lui demanda effrontément la cloche en fer dont nous venons de parler. Accorder au prince d'Allada ce qu'il demandait, c'était d'abord aller contre la coutume en prêtant un objet sacré que le roi seul peut utiliser; c'était aussi sanctionner devant tout un peuple une histoire qu'il savait fausse. Cette fois, Aho avait dépassé les bornes; il blessait non seulement les usages, mais aussi l'amour-propre du roi, car il était déplacé de proclamer chez les Fons les exploits de princes étrangers et inconnus. Aussi, perdant patience, Dan lui répondit-il devant t'assemblée « J'ai derrière moi tout un passé de droiture et de gloire, tandis que l'on ne sait pas d'où vous venez j'ai combattu loyalement pour l'indépendance de mon pays, tandis que vous avez semé partout le meurtre, le pillage et l'incendie. Je vous ai accueillis chez moi, vous et les vôtres, et ne vous ai refusé aucune des nombreuses faveurs que vous demandez à chaque instant, espérant vous voir ainsi suivre l'exemple du peuple fon, qui combat au grand jour mais n'assassine jamais dans l'ombre les femmes et les vieillards. Je vous ai donné un territoire, à vous qui n'en aviez pas; enfin j'ai fait de vous mon frère et mon ami. Aujourd'hui, vous me demandez un objet sacré que personne ne peut obtenir que mon successeur; demain vous voudrez régner à ma place, et bientôt vous {me demanderez mon ventre pour bâtir dessus votre maison » Aho ne répondit rien, mais il se souvint, comme on le verra plus tard, de la réponse du roi des Fons. En attendant, il refoula les rancunes au fond de son cœur, songeant qu'il n'était pas encore assez fort pour accomplir ses projets, et il retira la demande qui avait failli lui enlever l'amitié de Dan. Ce dernier oublia vite cet incident et les bons rapports continuèrent entre les deux hommes comme par le passé, l'aventurier poursuivant l'exécution des projets qu'il avait formés depuis longtemps et pour la réalisation desquels il n'attendait qu'un certain nombre de partisans. Il s'était allié secrètement avec tous ceux qui, chez les Fons, avaient à se plaindre du roi, et il se fit peu à peu le chef de ce parti qui allait en augmentant de jour en jour et qui devait bientôt avoir le dessus sur l'autre. Aho rêvait un grand royaume, des conquêtes sans nombre; il voulait une capitale qui fût digne de le recevoir avec ses richesses, car l'ambition n'avait pas de bornes chez lui. Le petit territoire du roi fon lui semblait mesquin, misérable; il ne comprenait pas que Dan pût vivre ainsi sans convoiter le bien des voisins, sans vouloir se l'approprier, sans au moins en tenter la conquête. Le jour où il fut assez fort, il se sépara de Dan et son parti le suivit. Une scission s'opéra ainsi chez les Fons; ceux qui avaient été frères devinrent ennemis, ceux qui avaient combattu ensemble pour la même cause allèrent porter les armes les uns contre les autres. Aho, dès qu'il eut quitté le roi Dan, lui déclara la guerre; il s'était retiré sur le territoire qui lui avait été concédé et, ses dispositions prises, il joua la partie qu'il avait préparée depuis si longtemps la conquête du pays des Fons et de son trône. Dan rassembla ceux qui lui étaient restés fidèles et marcha contre son ennemi. Malgré des prodiges de valeur, la victoire lui fut contraire favorisé par le nombre, Aho lui infligea sa première défaite. Aho poursuivit sa campagne, lui toujours vainqueur, Dan toujours vaincu de désastre en désastre, Dan se retira dans sa capitale' où il perdit le peu qui lui restait de ses troupes et fut fait prisonnier par son ennemi. Aho devint roi des Fons. Alors commencèrent les conquêtes qu'il avait rêvées et que lui et ses successeurs devaient réaliser. En peu de temps il annexa plusieurs petits territoires au sien et songea à choisir l'emplacement de sa capitale. L'ayant trouvé, il commença à bâtir les murailles d'enceinte. Le moment où il voulait se venger des Fons était venu. Un jour, devant le peuple entier qui travaillait aux fondations, il fit amener Dan et lui dit « Vous m'avez donné un territoire, j'en ferai un immense royaume vous m'avez refusé votre cloche en fer, je l'ai prise et elle m'appartient de droit je règne à votre place. Aujourd'hui, comme vous le prévoyiez, je vous demande votre ventre, pour y bâtir, non ma maison, mais les murs de ma capitale. Nous l'appellerons Dan homê. » Et, sur un signe du roi, le prisonnier fut décapité et son corps jeté dans les fondations. La capitale, seule, d'abord s'appela Danhomê, mais plus tard tout le royaume prit ce nom, et la ville, ayant été construite sur l'emplacement d'un village appelé Agbomé, fut le plus souvent désignée par cette dernière appellation. Plus tard, également, l'usage modifia la prononciation des noms primitifs, on fit Dahomey et Abomey |
Commentaire et critiques
Dans cette version bien brodée de l’origine du nom Danhomè, Edouard Foâ raconte une histoire de conflit politique, plus que de dissension personnelle entre deux personnes, deux personnalités et deux partis d’un peuple, le parti de Dan le originel, et le parti de Aho l’usurpateur. Et les actes de violence qui s’ensuivront, fussent-ils criminels, ne seront pas ceux d’un individu isolé prit dans l’enchaînement irréfléchi de la passion ; mais d’acte longuement mûris et bien réfléchis d’un parti et de ses tenants, exécutés à froid avec malice et ruse. On est passé du prisme du crime passionnel sous lequel était donnée à voir la passion de Dan à la froide violence d’un coup d’État politique et militaire. Le caractère manichéen du conflit n’est plus spontané mais très structuré politiquement et éthiquement. D’un côté Dan est le parti de la stabilité, de la justice, de la morale, de l’humanité, de l’ouverture à l’autre, de la fraternité ; et de l’autre Aho est donné à voir comme l’aventurier, le flibustier, l’usurpateur, le cruel, celui qui rumine sa ruse et agit à froid, le sadique, l’inhumain, le partisan de la primauté de la force sur le droit.
Pourquoi une telle représentation de l’histoire originelle du Danhomè à la veille de sa conquête par la France, par un soi–disant ethnologue ? Eh bien, le but de la manœuvre est simple. Il s’agit d’une représentation fonctionnelle dont le but ou la fonction, comme l’œuvre de maintes ethnologues coloniaux est de justifier la conquête coloniale. L’air de dire, les gens que nous allons combattre sont des usurpateurs, et des ingrats, qui à leur origine se sont montrés sans foi ni loi, et du reste la cruauté inhumaine de leur mœurs actuelles en porte foi. Ces gens-là méritent d’être conquis, car ce n’est qu’un juste retour de leur faute originelle. De la part d’une civilisation d’essence chrétienne on est dans la thématique prégnante du péché originel. Cette représentation manichéenne fonctionnelle de l’histoire des origines du Danhomè va de pair avec le délire raciste et antinégrite qui imprègne et traverse cet ouvrage d’un bout à l’autre
IV Texte sans commentaire
Le passage ci-dessous qui traite soi-disant de l’Intelligence du Nègre et plus précisément du dahoméen, se passe de commentaire sous l’angle du délire manichéen du racisme et de l’antinégrisme. On pourra s’étonner que sous cet angle l’auteur accorde volontiers la capacité d’intelligence aux Nègres alors que par ailleurs il dit qu’il est le dernier échelon entre l’homme et le singe. L’auteur cite à l’appui de cette certitude des exemples de Noirs instruits dans le système colonial anglais, sans remarquer que ce pragmatisme humaniste anglais, ajouté à la longueur d’avance que l’Angleterre détient sur une nation engagée en Afrique comme la France sur la question de l’abolition de l’esclavage sont autant d’éléments de démarcation du style et de la philosophie de l’homme qui sont à mille lieues des beaux discours, domaine où excelle la France. Mais le paradoxe qui consiste à accorder aux Noirs une capacité d’intelligence égale à celle du Blanc, alors qu’on dit par ailleurs de ceux-là qu’il sont congénitalement inférieurs à ceux-ci, est simple à expliquer. En fait, il s’agit de justifier l’œuvre coloniale dans sa mission de modification de l’esprit du Noir. La justification du bien fondé de l’entreprise de Civilisation qui serait au principe de l’entreprise coloniale
CHAPITRE II Caractère du Noir en général, – l’intelligence chez lui, son développement, ses dispositions. L'exemple fut suivi dans les colonies anglaises de la Côte d'Or, de Lagos. Grâce à cette utile institution, beaucoup de noirs ont pu sortir des limites étroites de l'instruction donnée habituellement dans les pensionnats locaux dirigés par les missions. On compte aujourd'hui à Lagos, à Sierra-Leone, sur la Côte d'Or, de nombreux lauréats des universités anglaises. Il y a des avocats, des juges de paix, des fonctionnaires du gouvernement, dont les parents pensaient faire, il y a quelque vingt ans, des soldats dahoméens ou de simples laboureurs. |
Binason Avèkes
¹Anthropologie et colonialisme, Éditions Fayard, 1972
Edouard Foâ, Le Dahomey : histoire, géographie, mœurs... expéditions françaises 1891-1894
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
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