La générosité quinquennale
Avec le malheur qui frappe les sinistrés de l’inondation, leur nombre, et celui très élevé des victimes – 43 morts au moins – et des dizaines de milliers de déplacés, qui ont pour la plupart tout perdu, il est clair que la solidarité nationale est précieuse. Mais le prix d’une solidarité ponctuelle, intervenant de façon exceptionnelle en temps de crise, compte tenu du nombre des sinistrés, est d’abord moral avant d’être matériel. Il montre aux sinistrés qu’ils ne sont pas seuls dans le malheur. Et sa part matérielle apporte de quoi parer aux nécessités du moment pour quelque temps, hélas !
Seulement dans sa forme politique, on constate que ces âmes ne font pas qu’exprimer leur générosité, mais elles font parler d’elles, elle communiquent autour de leur générosité. L’année électorale dans laquelle nous sommes et l’imminence critique des présidentielles ne doivent pas être tout à fait étrangères à cette “communication”, cette vocifération redoublée de la générosité. L’UN, l’ensemble de partis soutenant le candidat unique Me Adrien Houngbédji, a, le premier fait parler de lui en terme chiffré. Il a fait savoir un don de 10 Millions aux sinistrés ; don fait en toute modestie et dignité, dont la nation tout entière a sans aucun doute apprécié le principe, l’inspiration, l’initiative et la valeur éthique, avant la valeur pécuniaire. Maintenant, la nouvelle vient de tomber qu’un groupe politique concurrent dans le challenge électoral qui se précise, celui portant la candidature de l’actuel Président de la BOAD, Bio Tchané Abdoulaye, aurait offert 20 millions aux sinistrés ! Et de deux, 20 millions, qui dit mieux ? Bravo !
Dans l’esprit des ventes de charité, la saine émulation dans la générosité est une bonne chose. Mais ici une question vient à l’esprit, et malgré la joie qu’on éprouve pour les sinistrés, on ne peut manquer de la poser : l’émulation est-elle saine ? 10 millions, 20 millions, 40..., ce n’est sans doute pas là que se situe la question. Car la dimension symbolique de ces gestes l’emporte sur leur valeur pécuniaire. En fait, il est à craindre qu’on ne passe de la saine concurrence des générosités à la surenchère spéculative des générosités. C’est-à-dire à un acte de bien qui n’est pas un souverain bien, dans la mesure où il renferme quelque chose d’inducteur.
Les gens qui aspirent à diriger le pays se montrent généreux envers le peuple. Bien ! Mais le problème du peuple n’est pas vraiment une question de générosité mais de justice, d’équité, d’éthique et de droit. Si la justice, l’équité et le droit du peuple étaient strictement observés, la question de la générosité ne se poserait pas, du moins pas en termes aussi critiques. Celui qui est généreux avant les élections le sera-t-il après ? La réponse à cette question existe en grandeur nature : il suffit d’observer la différence éthique entre la générosité ostentatoire du Banquier Yayi Boni, Président de la BOAD avant 2006 et son mépris actuel du Peuple. Le meilleur Président de 2011 sera-t-il celui qui aura donné la plus forte somme aux sinistrés, à tous les sinistrés de toutes les catastrophes présentes et à venir d’ici avril 2011 ? Aujourd’hui l’inondation, demain un incendie à Dantokpa, après demain peut-être un accident de train, etc?
La surenchère de générosité ne devrait-elle pas susciter notre méfiance méthodique surtout si l’argument de référence est l’argent et que l’un des enchérisseurs est un banquier en chef ? Cette bancarisation des esprits que la culture cauris amenée par Yayi Boni a parachevée de façon désastreuse est une plaie à l’esprit de la nation tout entière. Une plaie dans laquelle il ne faut pas tourner le couteau électoral. Car le vrai changement est possible. On en connaît maintenant les contours ; en cela Yayi Boni aura eu au moins une utilité. Le vrai changement c’est de faire le contraire de Yayi, c’est-à-dire rejeter complètement la culture cauris et la vison du monde bancarisée qui est celle du Président-banquier. Refuser qu'un Haut-lieu de la magouille et de comptes frelatés comme la BOAD devienne l'antichambre de la Présidence d'un pays épris de sa dignité. Le vrai changement réside dans la promotion des valeurs de justice, de travail, de l’effort, de la probité, du mérite et encore de justice, de travail, de l’effort, de la probité, du mérite.
Certes, il y a des choses sur lesquelles il est délicat de trouver à redire, surtout lorsqu’on a les pieds au sec, et qu’il s’agit de la vie de dizaines de milliers de nos compatriotes sinistrés de l’inondation que des âmes généreuses essaient de secourir, tant bien que mal. Nous voudrions seulement croire que dans ce concours des générosités, on ne veut pas nous laisser croire que le meilleur gouvernement de demain viendra de celui qui aura été le plus généreux aujourd’hui. Et si on devrait ouvrir la voie à ce type de suggestion implicite, nous préférons de loin celui qui le premier, en son âme et conscience, a spontanément ouvert la voie sans se caler sur personne.
ALIDOTE Béatrice.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Toute reprise de cet article sur un autre site doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’infraction
Quel dommage ! l'UN aurait dû donner 50 Millions aux sinistrés, comme ça l'ABT donnerait 100 milions, et ainsi l'élection présidentielle lui coûterait deux fois le prix d'une seule ! Pour un banquier, rien qu'un petit pet... mais un pet de taille
Rédigé par : Asseglokan | 20 octobre 2010 à 08:32