Tout sauf la Vérité
Au Bénin, société où l’imitation est une valeur ambigüe, une habitude veut qu’ au mépris de la vérité prévale le culte de la part de vérité. Un crime est commis, les suspects potentiels sont connus mais pince sans rire les uns à la suite des autres, chacun tient à se confectionner la blanche tenue de l’innocence, vient devant l’opinion pour se laver de tout soupçon, aussi grave que soit l’évidence des implications. Chacun met un point d’honneur à dire “sa part de vérité”. De Censad à ICC services, en passant par le scandale des machines agricoles et autres Sonapra, affaires de corruption d’État qui infestent cette fin de règne au relent nauséabond, nous avons devant nos yeux éberlués un monceau de crimes, une horde de suspects, mais aucun criminel. Car chaque suspect brandit sa part de vérité. Dans un contexte socioculturel où dire sa part de vérité est devenu un jeu, une habitude érigée en rituel de dénégation de l’évidence. La présomption d’innocence, principe de droit, est détourné vers la justification implicite du syndrome de la part de vérité. Un syndrome où l’égoisme antisocial le plus débridé copule sans états d’âme avec l’irresponsabilité. Et tout se passe comme si le principe de la part de vérité, c’est-à-dire le caractère partiel et partial des versions personnelles primait sur la totalité objective de la vérité, son unicité, renvoyée dans les ténèbres de l’irresponsabilité généralisée.
Ce syndrome de “la part de vérité” qui sévit au Bénin actuellement est à n’en pas douter un bel hommage à l’impunité. Car, il consacre la régression du droit et de l’éthique de responsabilité qui sont autant d’alliés de la vérité. Avec le syndrome de la part de vérité, chaque personne dit sa vérité mais la vérité ne dit rien à personne
Éloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2010,© Bienvenu sur Babilown
Toute reprise de cet article sur un autre site doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’infraction
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.