Ces temps-ci par la voix de ses fondés de pouvoirs institutionnels, politiques et médiatiques, on a entendu Yayi Boni faire la Morale aux victimes du scandale ICC Services. Pas seulement la Morale mais aussi le Droit, au travers duquel, certains praticiens autoproclamés se sont permis de faire une interprétation étendue de la notion de complicité. D’où il ressort que la pauvre femme de Dantopa qui – après avoir vu le chef de l’état accorder une audience à ses dirigeants – a confié toutes ses économies de bas de laine à la Structure de collecte de fonds ICC Services est complice de toute cette
entreprise. Cette interprétation, il faut le dire, ne manque pas d’audace, surtout de la part d’un pouvoir qui, porté sur le populisme, n’a jamais eu jusqu’ici le courage de dire la vérité au peuple et a toujours choisi en toute circonstance les voies euphoriques de la facilité. S’agit-il d’un revirement moral dans la communication avec le peuple ? D’où vient ce courage si fort qu’il n’a pas craint de frôler celui dans l’intérêt duquel l’interprétation est faite ? Dans la mesure où, in fine, une telle interprétation ne laisse pas indemne la responsabilité du chef de l'État. Force est d'en déduire que si les porte-voix, thuriféraires et autres sbires du pouvoir se permettent de faire une telle interprétation, il y a bien une raison. À première vue, on peut penser que cette façon de voir les choses, cette audace interprétative est dirigée contre la grande masse des victimes de l’escroquerie ICC Services. Une façon comme la psychologie permet de le supposer d’attaquer pour mieux se défendre. Mais aussi audacieuse qu’elle paraisse en fait les raisons de cette interprétation sont plus concrètes et logiques que psychologiques. L’interprétation, trop spécieuse pour être pigée par la vendeuse de Dantokpa, s’adresse en réalité dans une certaine mesure aux épargnants moyens et surtout aux gros bonnets des épargnants d’ICC Services, ceux dont les avoirs se chiffrent en centaines de millions voire en milliards ! Le raisonnement basé sur l’interprétation étendue de la notion de complicité, qui en vient à faire des victimes les complices du système qui les a escroqués est un raisonnement-épouvantail. Il vise à faire peur à ces gros épargnants, dont, malgré le petit nombre, la masse totale des dépôts pourrait avoisiner le tiers de la cagnotte détournée : 30 milliards. Si effrayés par la menace d’être poursuivi pour complicité et surtout de devoir justifier les sources de leurs avoirs, ces épargnants honteux et peureux s'abstiennent de se faire recenser, alors c’est pain béni pour Yayi Boni et son équipe de re-distributeurs. Ils vont pouvoir jouer les Robin des Bois, et s’en tirer à bon compte. Car, il suffit d’une part de pouvoir récupérer le tiers des avoirs déposés par la grande masse des gens, et d'écarter de toute réclamation les quelques dizaines de gros épargnants ayant contribué au second tiers pour être en mesure de rembourser les petits épargnants au moins à hauteur de la moitié de ce qui leur est dû !
Voilà l’explication plausible de cette entorse au parti-pris populiste et démagogique d’un Yayi Boni qui, pour rien au monde, n’aurait jamais pris le risque de déplaire aux victimes de ICC Services, sous le regard du peuple électeur dont ils sont…
Aminou Balogoun
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