Mesdames et messieurs les journalistes,
Depuis quelques mois, l'affaire dite « ICC Services » secoue notre pays. Il ne s'agit pas d'un évènement ponctuel et sans signification mais d'une des plus éclatantes manifestations de la politique de laxisme, de clientélisme et de mobilisation permanente des structures de l'Etat au service de la réélection du Président Boni YAYI. Pour tous ceux qui se refusaient à voir la réalité en face, il s'agit d'un puissant révélateur aveuglant des graves dérives qui jalonnent l'actuel mandat présidentiel, détruisent la cohésion sociale et l'unité nationale, liquident les valeurs d'intégrité et d'honnêteté auxquelles notre peuple est toujours resté attaché.
C'est parce que l'Union fait la Nation (UN) a perçu très tôt l'ampleur et la profondeur de ce qui est un violent tremblement de terre, qu'elle n'a pas voulu faire des déclarations ni exprimer des prises de position précipitées que le gouvernement et ses complices gloutons ne manqueraient pas de vite classer dans la rubrique de la récupération politique. Durant plus d'un mois et avec responsabilité, patriotisme et professionnalisme, des militants et cadres de l'UN ont mené des enquêtes et amassé une somme d'informations et de documents qui démasquent les vrais acteurs et expliquent les gesticulations actuelles du gouvernement. L'UN saisit cette occasion pour remercier ces militants et ces cadres ainsi que ses sympathisants qui, dans la discrétion et avec dévouement, ont aidé à reconstituer cet immense scandale politico-financier qui conduit à la ruine des épargnants abusés.
Le vendredi 16 juillet, le Président Adrien Houngbédji a présenté, dans une Déclaration à la presse, les grandes lignes de nos premières conclusions en sa qualité de vice-président de l'UN et porte-parole en la circonstance. La pertinence des analyses et des propositions ont jeté l'émoi dans les rangs de tous ceux qui se camouflaient sous des costumes de sauveurs pour échapper à la colère de leurs victimes. Enregistrée, la Déclaration a fait l'objet d'un examen attentif des autorités gouvernementales qui interdirent aux médias publics et à certains medias privés d'assurer sa couverture et sa diffusion. Mais la pression populaire, celle des médias internationaux et des pays amis ont obligé les adversaires du pluralisme politique et de la liberté d'expression à organiser une mise en scène sur l'une des chaînes privées de télévision avec trois conseillers du Président de la République jouant le rôle d'amuseurs publics. Bien que limitée à un extrait, cette diffusion partielle et partiale de la Déclaration permit aux populations d'identifier les vrais auteurs de leur malheur.
Ce n'est certes pas la première fois que ce système d'arnaque à grande échelle est pratiqué. Le Bénin n'est pas non plus le premier pays où de telles manipulations ont permis à des escrocs de dépouiller leurs crédules victimes de leurs ressources. Mais c'est la première fois qu'un Chef d'Etat, élu parce qu'il était reconnu entre autres comme un spécialiste des questions financières, et son gouvernement par leur complaisance, leur négligence et leur caution de toute nature, ont permis à ce système de ruiner leurs concitoyens. C'est également la première fois qu'il a été mis en œuvre par des organisations illégales, à une si grande échelle, aussi longtemps dans un pays. C'est enfin la première fois qu'il a été utilisé pour soutenir une vaste campagne électorale en faveur d'un Chef d'Etat qui veut se succéder à lui-même lors de prochaines élections présidentielles. C'est cela qui est particulier au Bénin. C'est cela qui explique les vaines tentatives désespérées du Chef de l'Etat et de son gouvernement de se laver d'une boue puante indélébile.
Lés faits sont malheureusement là et accablants. Ni l'intimidation de la presse, sommée de ne plus en parler, ni les arrestations spectacles ne parviendront à cacher ou à faire oublier l'implication active et intéressée d'actuels dirigeants dans ce scandale. Aucun vacarme médiatique, pas plus que les marches de jeunes manipulés ou les vociférations de mercenaires politiques, ne peut les effacer de la mémoire des populations béninoises. L'audience du Chef de l'Etat, qui s'acheva par des déclarations rassurantes des escrocs à l'endroit de leurs victimes, figurait parmi les meilleures armes de propagande des animateurs d'ICC-Services. La promotion de l'image des dirigeants d'ICC-Services par le gouvernement constitue un acte suffisant d'accusation pour qu'il soit nécessaire d'en rajouter.
Bien des victimes affirment n'avoir succombé à la tentation qu'à cause de l'attitude des plus hautes autorités de notre pays. Beaucoup avouent avoir franchi le dernier pas juste au lendemain de l'audience présidentielle avec les animateurs de «ICC Services ». D'autres encore ont été impressionnés par la présence constante de membres du gouvernement aux séances de «générosités» des escrocs, manifestations au cours desquelles les ministres vantent les «qualités » de leurs hôtes. Ils les présentent comme des citoyens modèles, à suivre, et comme des personnalités de confiance et leur tressent des couronnes de louanges.
Ce sont ces faits qui confèrent un caractère spécial à ce qui s'est passé chez nous. Il n'est donc pas surprenant que le Chef de l'Etat qui, de par sa profession, connaît les méfaits du système et son gouvernement éprouvent des difficultés à traiter ce dossier comme il se doit. Voulant orchestrer de quoi distraire le peuple et entretenir de faux espoirs chez les victimes, ils empruntent des voies illégales pour agir, espérant se réfugier ultérieurement derrière des décisions de justice pour justifier leur inaction. Sinon, comment comprendre l'arrestation du ministre de l'intérieur en violation flagrante de la Constitution si ce n'est la volonté de déléguer au Procureur sa mise en liberté que l'on souhaite? Comment comprendre qu'on inflige aux présumés complices des traitements plus sévères qu'aux auteurs si ce n'est la difficulté à sévir contre des amis? Comment comprendre le grand tapage en cours Sur un recensement des victimes pendant que les auteurs brûlent des documents laissés curieusement à leur disposition pour fausser la véritable liste des victimes et faire disparaître les écrits compromettants? Comment comprendre que la société civile et les organes qui pourraient assurer l'indépendance des « commissions administratives» soient écartés au profit des seuls agents aux ordres? Comment comprendre la saisine tapageuse de l'Assemblée nationale pour des faits reprochés à un seul ministre dans ce vaste scandale si ce n'est le désir d'offrir un dérivatif à la colère populaire, amuser et occuper les députés et soustraire l'immense majorité des collaborateurs compromis au châtiment de la justice grâce aux chicanes érigées sur le chemin de la commission judiciaire ?
Pour enterrer une affaire, dit-on souvent, il faut la confier à une commission. Le gouvernement en a créé plusieurs pour le « dossier ICC Services » afin de rendre la tombe de cette affaire assez profonde pour éviter sa résurrection dans l'avenir. Il espère ainsi anesthésier les victimes et l'opinion publique jusqu'aux échéances électorales, seuls objectifs qui comptent pour lui. Il pourra alors revêtir un habit immaculé de sauveur en saupoudrant les petits épargnants avec les miettes récupérées. Nul ne sait l'exploitation réelle prévue des listes de victimes que le gouvernement est en train d'établir sous sa seule responsabilité. Elles ne peuvent en aucun cas servir, seules, à évaluer le montant effectif des préjudices car les conditions même de leur confection indiquent que l'on ne souhaite pas connaître la vérité.
Pour l'heure, l'Union fait la Nation reste particulièrement préoccupée par la récupération de leur mise par tous les déposants. Aussi approuve-t-elle la saisie conservatoire des biens et des avoirs des auteurs de l'escroquerie par voie judiciaire. Elle demande en outre à tous ceux qui ont bénéficié des faveurs d'ICC Services de rembourser les dons qu'ils ont reçus. Le Chef de l'Etat doit donner l'exemple en remboursant la valeur des objets de propagande et de campagne électorale confectionnés à son effigie et distribués gratuitement. Comme tout candidat à des élections, il ne peut utiliser des objets sans s'assurer de leur provenance et de leur financement. Sur son budget personnel de campagne, il devra rembourser le montant des pagnes imprimés à son effigie, le montant des cargaisons de vins étiquetées à son effigie, le montant des calendriers imprimés à son effigie, le montant des financements éventuels de marches de soutien ou d'organisation de meetings de partis politiques qui soutiennent son action, le montant des dons remis sous le patronage de membres de son gouvernement, autant d'initiatives des propriétaires et animateurs d'ICC-Services au détriment de leurs clients. Tout ceci en attendant que justice soit rendue.
Il nous est également revenu que d’importantes sommes, appartenant à ICC-Services, seraient stockées pour servir durant la campagne électorale présidentielle et législative. Les escrocs ne manquaient d'ailleurs aucune occasion pour rappeler à leurs victimes «clients» qu'ils devront voter, le moment venu, pour les candidats recommandés par leurs «bienfaiteurs ». A présent que le système ne fonctionne plus et s'est effondré, il est du devoir des receleurs et de leurs mandants haut placés, de reverser les butins pour permettre le dédommagement intégral des victimes. Le drame humain qu'a provoqué ce pompage honteux des ressources financières de nos populations s'atténuerait si tout l'argent caché revenait dans le circuit.
L'Union fait la Nation insiste sur la nécessité d'éviter la politique des boucs émissaires qui protège les vrais coupables et livre à la vindicte populaire quelques seconds couteaux. Elle propose que la commission judiciaire soit dotée de tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Elle insiste sur une garantie effective de l'indépendance des membres de cette commission judiciaire afin de leur permettre de traquer tous les acteurs de ce séisme politico-financier. Ils pourront ainsi agir en toute sérénité et récupérer tous les biens mal acquis et les ressources financières dissimulées. A eux et à eux seuls doit revenir la responsabilité de prendre les mesures nécessaires à la manifestation de la vérité. L'Union fait la Nation dénonce par conséquent les arrestations tapageuses et toutes les mesures qui ne respectent pas la légalité dans notre pays et qui ne sont en réalité que des tentatives d'intimidation ou des émissions de fumée destinées à faciliter la fuite des amis coupables, la destruction de documents compromettants, l'arrangement de reportages télévisuels et radiophoniques gênants, les mouvements d'argent et de comptes bancaires, autant de manipulations qui ne permettront pas le remboursement total des victimes.
Il reste que le véritable préjudice causé à notre pays est la honte que tout un chacun éprouve en tant que Béninoise et Béninois, citoyen d'un pays où les scandales se succèdent dans l'impunité totale, gouverné par un groupe qui ne le protège pas des méfaits des escrocs, trahi par ceux-là mêmes qui devraient le servir. L'Union fait la Nation sait que sous le couvert de la préparation d'une conférence de la CEN-SAD, le Chef de l'Etat et son gouvernement avaient vendu à leurs amis des terrains au prix de huit cent mille francs (800.000) la parcelle de 400 mètres carrés en bordure de mer à Cotonou. Ceux-ci les ont revendus à plus de trente millions
(30.0OO.OOO) de francs et gardent ou partagent les énormes bénéfices ainsi réalisés. Le
gouvernement a autorisé les mêmes bénéficiaires à ne pas payer la douane sur les matériaux importés et leur a fait livrer du ciment subventionné pour quatre cent villas alors qu'on n’avait besoin que d'une dizaine pour la conférence. C'est pourquoi il refuse de remettre à l'Assemblée nationale les plans d'attribution et d'occupation des terrains bradés. Il refuse également de livrer les documents concernant la surfacturation de l'achat gré à gré de matériels agricoles évaluée par un député à plus de cinq milliards. Pour y parvenir, il a donné des marchés publics de plusieurs milliards à des sociétés qui n'ont que quatre mois d'existence et dont les propriétaires, de très proches parents et des amis, n'ont aucune expérience dans le domaine, en violation par conséquent du code des marchés publics.
Ainsi va la gestion chaotique, désastreuse et calamiteuse de notre pays à laquelle il urge de mettre fin. Ainsi galope la corruption dans notre pays. Malgré cela, il nous faut faire preuve à la fois de patience, de vigilance, de responsabilité et de détermination dans la gestion des quelques mois restants du mandat présidentiel en cours quand bien même nous aurions des raisons de nous inquiéter en ce qui concerne l'amélioration souhaitée de notre système électoral, le bon fonctionnement de l'Assemblée nationale et des hautes juridictions que sont la Cour Constitutionnelle et la Cour Suprême, l'indépendance de la Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication, l'exercice des libertés publiques notamment la liberté d'association et de réunion, les libertés d'opinion et de presse. Qu'il vous souvienne que le Préfet du Zou vient d'emboîter le pas à celui du Borgou en interdisant la tenue de nos rencontres avec la population pendant que les partisans du régime marchaient dans les rues de Cotonou. Ne perdons jamais de vue nos principaux objectifs que sont la sauvegarde des acquis démocratiques de notre peuple et l'enracinement de l'Etat de droit, des éléments essentiels pour garantir un développement équilibré, juste et durable dans notre pays.
Il nous faut de la détermination pour restaurer l'image de notre pays et lui permettre de retrouver sa place au plan international. Nous voulons nous préparer, dès à présent, à réunir les conditions de mettre en place, après la victoire électorale, un gouvernement digne et compétent, respectueux des valeurs qui fondent notre identité et qui nous élèvent au rang des peuples épris de justice et de paix. Il nous faut un climat politique serein qui favorise l'activité économique, la création de richesses et d'emplois pour les jeunes en particulier, la protection de l'enfant et de la mère, la promotion des femmes dans tous les domaines et la quiétude 1sociale. Il nous faut remettre le fait religieux dans le domaine privé et chasser les faux pasteurs qui font honte à la foi qu'ils professent. Il nous faut engager, d'un pas assuré, une marche raisonnée et résolue vers le progrès. C'est à préparer cet indispensable sursaut que l'Union fait la Nation invite tous ceux qui aiment le Bénin, y vivent ou voudraient l'aider à s'en sortir. C'est la raison de notre initiative d'union et c'est aussi l'aspiration profonde de notre peuple.
Tous pour l'Union!
Tous pour une alternance salutaire et vivifiant en 2011 !
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