Autrement dit, pourquoi tous les gens que Yayi Boni a emprisonnés pour une raison ou une autre sont-ils du Sud ? En effet, ils s’appellent Fagbohoun, Adihou, Amègnissè, Gnonlonfoun, Adovèlandé etc…et sont tous, comme le montrent leurs patronymes, originaires du sud ! Qu’il n’y eût pas de sudiste au nombre de ces victimes carcérales de Yayi Boni eût été étonnant, vu que les sudistes sont plus nombreux que les Nordistes dans le pays. Mais le fait qu’il n’y ait pas de Nordiste au nombre de ces emprisonnés dans un pays où les Nordistes sont plus que légion en politique, et plus nombreux qu’à leur tour pour être Ministres, Députés, Directeurs de Société, Candidat national à des postes de fonctionnaire International, etc…laisse tout de même pantois. À en juger par cette ligne de démarcation régionaliste mais aussi éthique on pourrait être tenté de penser que les Nordistes sont plus vertueux, plus honnêtes, plus respectueux des lois et moins corrompus, et ne volent pas un œuf ; et qu’au contraire le dol, le vol, le faux , le non-respect des lois, la prévarication et la corruption ont élu domicile au sud et colonisé les mœurs et le cœur des Sudistes qui volent des bœufs.
Mais à y voir de près le principe de la démarcation éthique entre nordistes honnêtes et Sudistes corrompus ne tient pas la route ; du moins pas dans la proportion que la répression carcérale de Yayi Boni le révèle crument. La vérité est que Yayi Boni utilise la prison comme arme et outil de purification politique et que cette purification est ethnique. L’arme de purification est tournée vers le sud contre tout ce qui n’est pas de son bord. Pour Yayi Boni, il n’y a que deux sortes de sudistes : ceux qui jouent les chacals en sa faveur et ceux qui restent droit dans leurs bottes, résistent à son arbitraire et au chant de sirène de son régime de corruption. Là où la démarcation ethnique prévaut, ( dans ce que l’ethnicité implique de culture, de religion, de valeurs spécifiques, etc.) c’est la différence de la culture du lien social entre le Nord et le Sud du Bénin. En dehors de la différence des valeurs ancestrales traditionnelles consacrées par l”histoire, il y a aussi l’imprégnation des religions du Livre qui sont différentes de part et d’autres. Le Nord étant généralement plus musulman que le Sud plus chrétien que le Nord. Les gens du sud ont aussi tiré fierté très tôt d’être plus proches du colonisateur que les gens du Nord, avec tous les effets d’aliénation induits par rapport à l’assomption d’une conscience de soi collective harmonieuse. Tous ces faits et données font que les Nordistes sont plus solidaires entre eux, s’”aiment” dans une certaine mesure et ont un lien social fort, là où les sudistes ont la culture de la haine de soi chevillée au corps et à l’âme. Cette culture de la haine de soi, qui affaiblit le lien social plonge ses racines dans l’histoire d’une région où les divisions, les heurts de royaumes ont constitué le ferment de l’économie politique marquée par une violente réification de l’autre durant des siècles. Dans ces conditions, il ne faut pas beaucoup de prétexte à un sudiste pour en haïr un autre, là où il faut beaucoup de raisons et des plus objectives à un Nordiste pour haïr son prochain. Cette haine de soi des sudistes va de pair avec la propension à la rationaliser et à vouloir noyer le poisson de la solidarité spécifique, régionale, de l’exigence de l’estime de soi dans l’océan d’une égalité nationale douteuse, fondée souvent sur les profits mesquins, les rétributions d’un mercenariat de la haine de soi.
C’est ce qui justifie que les Sudistes ne voient pas et ne se révoltent pas du fait que dans sa manie d’emprisonner des gens à tort et à travers depuis son avènement au pouvoir en 2006, Yayi Boni ne choisit ses victimes que parmi les gens du Sud. Le fait d’emprisonner un, deux, trois, quatre, voire plus de sudistes n’empêche pas Yayi Boni d’avoir des soutiens politiques parmi les sudistes éminents puisque en dehors de la compassion que ceux-ci n’éprouvent pas pour leurs semblables abandonnés à sa répression carcérale aveugle, ces mercenaires de l’identité régionale sont rétribués pour le service rendu : la haine de soi. Alors qu’il suffit que Yayi Boni touche à un seul cheveu d’un homme politique en vue du Nord, pour perdre son sommeil politique, et tout espoir de cette réélection qui est l’idée fixe qui anime ses agissements impairs, arbitraires et liberticides
Ahokponou Basile
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