À l’approche des élections, le gouvernement et l’opposition à travers ses représentants les plus attitrés rivalisent d’ardeur pour être dans les bonnes grâces des expatriés, hommes d’affaires, capitalistes, sociétés, organisations internationales, diplomates etc. Tout cela sous le patronage perfide de la France et de son réseau françafricain. Tel a été à l’Elysée, tel n’y a pas encore été ; tel y a rencontré le chef du cabinet d’un sous-secrétaire etc. ! Et nos hommes politiques, toute couleur confondue, s’en donnent à cœur joie de se bousculer au portillon de ce théâtre honteux de reptation, comme s’ils eussent subi l’ablation de la glande de la dignité, ou perdu la mémoire de ce qu’on été et demeurent dans notre histoire, entre 400 ans d’esclavage et 100 ans de colonialisme, ces Blancs de triste mémoire.
Le harcèlement politique à des fins économique et d’exploitation ne date certes pas d’aujourd’hui. Jadis avant la colonisation, les actions diplomatiques étaient directement indexées sur les besoins économiques et les visées d'exploitation de ces nations européennes détentrices de comptoirs ou de sinistres factoreries le long de nos côtes convoitées. Leurs appétits et prétentions étaient souvent aussi impudiques qu’insatiables. C’est contre ces excès impudiques que Glèlè s’est inscrit en faux, lorsqu’il a dit haut et fort qu’il ne vendait pas une cuillerée du sol de ses ancêtres à un étranger. Mal lui en prendra, puisque, de fil en aiguille les dissensions qui allaient conduire à la guerre de colonisation avec les Français naquirent de là. Béhanzin son fils et héritier du trône avait aussi mis en garde les Blancs :
« Je suis le roi des Noirs et les Blancs n'ont rien à voir à ce que je fais (…) Combien de fois les Noirs sont venus chez les Blancs pour leur dicter la manière de gouverner leur pays ? Est-ce que j'ai été quelques fois en France faire la guerre contre vous ? Moi je reste dans mon pays, et toutes les fois qu'une nation africaine me fait mal, je suis bien en droit de la punir. Cela ne vous regarde pas du tout. (…) »
Cette mise en garde, malgré sa clarté et sa franchise, n’a pas suffi à arrêter les Français dans leur volonté planifiée d’accaparer la terre de nos ancêtres. La guerre a été déclarée au Danhomè sous des prétextes crapuleux qui n’avaient rien à voir avec le projet des Blancs de faire main basse sur l’Afrique ; deuxième volet de sa mise en coupes réglées après la longue nuit de l’esclavage. C’est dans ces circonstances que Béhanzin, le Roi Requin a décidé de lutter. Il a alors mené jusqu’au bout la guerre de la liberté de son peuple. Une fois vaincu en raison de la disproportion des forces en jeu, Béhanzin est entré en résistance. Il a continué la lutte dans le maquis et a donné du fil à retordre aux Français pendant deux ans. C’est alors seulement que, pour soulager la souffrance de son peuple, et taire les querelles intestines attisées par l’étranger, Béhanzin décida de se rendre. Il connut alors la déportation et surtout l’exil à Fort de France. Persuadé que « la plus belle victoire ne se remporte pas sur une armée ennemie ou des adversaires condamnés au silence du cachot », Béhanzin savait que seul est vraiment victorieux, « l'homme resté seul et qui continue de lutter dans son cœur. » L’exil est impie, a dit Victoire Hugo. Celui de Béhanzin était à la fois impie, cruel et par certains côtés absurdes. Face à cette cruauté et cette absurdité, Béhanzin, fidèle à lui-même, mena un long combat épistolaire jusqu’à ses derniers jours à Blida en Algérie, où il mourut sans avoir pu fouler à nouveau la terre de ses ancêtres dont l'éloignement eut raison de sa santé.
Tel était en gros le sacrifice de Béhanzin, consenti pour la dignité et pour la liberté de son peuple. Aujourd’hui, le Bénin n’est certes pas le Danhomè, mais il lui doit beaucoup, et quoi qu’on dise, c’est le royaume le plus considérable qui en fait l’ossature. Et que constatons-nous au niveau de ceux qui le gouvernent ou de ceux qui aspirent à le gouverner ? Restent-ils fidèles à l’esprit du sacrifice de Béhanzin ? A l’esprit de sa dignité, de sa lucidité et de sa bravoure ? La foire au lèche-bottes et à la reptation qui tient lieu d’éthique politique parmi ces dirigeants est à cet égard désobligeante. Rares sont ceux qui sont amendables sous ce rapport, et les vrais reptiles ne sont pas ceux que l’on croit. Par exemple fomentateur et porte-nom d’une Révolution d'opérette qui après 18 ans d’autocratie, de corruption et d’anarchie économique se termina en eau de boudin dans la banqueroute et la misère généralisée, Kérékou avait commencé dans son discours inaugural à déclarer que « la caractéristique et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère » Mais ces accents que n’aurait pas renié le roi Béhanzin sont en vérité un exercice hypocrite de pure démagogie. Aujourd’hui, après qu'il a été ramené au pouvoir par les suppôts des intérêts des Blancs parce que perçu comme celui qui pouvait le mieux les défendre sans rechigner, c’est ce même pseudo-nationaliste qui est de nos Présidents celui qui est le plus fourré avec le système françafricain. Certes on ne demande pas de provoquer les Blancs, car ils sont puissants et utiles. Mais entre la provocation et la reptation il y a une marge de dignité !
De tous les Présidents du Bénin, depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui, seul Nicéphore Soglo ne porta pas l’art servile de la reptation devant les Blancs, les Français à un sommet vertigineux. Et tout le monde sait ce qu’il lui en coûta ! Mais un tel prix mérite-t-il le zèle dans le reniement généralisé de la dignité et de la liberté du peuple ?
Ahokponou Basile
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Voilà un cri de coeur légitime à quelques mois de la commémoration du demi-siècle des..."indépendances"
Rédigé par : Thomas coffi | 03 mai 2010 à 21:56