Ce n’est pas parce que nous avons des yeux que nous voyons mais c’est parce que nous voyons que nous avons des yeux. Appliquant cette idée de Heidegger au fléau de la corruption on pourrait dire : Ce n’est pas la corruption qui est cause du non-développement, mais c’est le non-développement qui est cause de la corruption
Alao Bissiriou
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En Afrique et dans les proportions où elle sévit, ce n’est pas la corruption qui est cause du non-développement, mais c’est le non-développement qui est cause de la corruption. De ce point de vue, la question shakespearienne qui se pose au dirigeant Africain n’est pas : dois-je voler ou développer mon pays, mais : dois-je voler sachant que je suis incapable de développer mon pays ou dois-je ne pas voler sachant que je suis incapable de développer mon pays ? La question se pose donc en terme purement moral. Loin de nous l’idée que la corruption n’est pas un mal : la corruption est bel et bien un mal qui mine le développement mais un mal plus moral qu’économique. En effet, la corruption existe dans tous les pays, y compris dans les pays développés, même si dans ces pays, ce n’est pas souvent le chef de l’Etat et son entourage politique qui se livrent frénétiquement à la corruption en toute impunité. Par ailleurs, on peut imaginer un peuple travailleur avec des dirigeants probes et propres, rigoureux et intègres, qui canalisent toutes les ressources disponibles vers une action de développement intelligemment planifiée ; un peuple qui de ce fait progressivement émergerait du sous-développement. Toutefois, ce cas est idéal non seulement parce que l’émergence est un processus systémique dans l’espace et le temps et non une affinité élective, mais aussi il s’agit d’une idéalité morale difficilement concevable dans une société humaine. Car la corruption zéro n’existe dans aucune société. Si on fait l’hypothèse que ce n’est pas la corruption qui freine le développement mais le degré et les formes de la corruption alors on est obligé de consentir que ce degré et ces formes sont une conséquence caractéristique du sous-développement. Ce qui montre que ce n’est pas la corruption qui est cause du non-développement. Exemple simple : l’Italie est un pays où règne la corruption, une société infestée de maffia, pour autant et jusqu'à preuve du contraire, l’Italie est un pays développé.
La conclusion de tout ceci c’est que les hommes politiques de l’opposition – de quelque pays d’Afrique que ce soit – peuvent et doivent dénoncer et combattre la corruption, surtout sur le terrain moral ; mais ceux qui font fonds sur le sujet en laissant croire que la corruption est la cause du non-développement trompent leur monde doublement. Ils trompent le monde d’une part parce que loin de contribuer à les désigner, ils dénient et cachent les causes endogènes ou intrinsèques du non-développement et stigmatisent ses catalyseurs comme des causes essentielles ; d’autre part, ils trompent le monde lorsqu'ils exploitent le thème de la corruption moralement et économiquement afin de prendre le pouvoir, c’est-à-dire le pouvoir de corrompre et d’être corrompus à leur tour !
EG
Rédigé par : AB | 22 mai 2010 à 18:15