Sommaire |
1. Léhady Soglo, un Homme d'Avenir |
2. Image du Jour : Léhady, un Geste Énorme |
3. Lettre à Pancrace sur la Psychologie Politique de la Réélection dans son Rapport avec le Choix du Bon Président |
4. Lettre à Pancrace sur la Nécessité de Placer un Homme Comme Me Adrien Houngbédji au Cœur Sinon à la Tête du Processus de Salut National et de Relance de l'Espérance au Bénin |
1. Léhady Soglo, un Homme d'Avenir
Ce qui se joue à travers la symbolique réconciliation entre Houngbédji et Soglo ce n’est pas seulement un positionnement stratégique préélectoral à court terme. Mais c’est aussi la traduction d’une prise de conscience historique de l’unité de sang, de l’identité commune d’une race, d’un peuple celui des Adja/Tado/Fon/Goun et descendants d’Adhahouto. Identité longtemps mise à mal par la haine de soi à courte vue, les passions fratricides et autodestructrices, la logique de division et les jalousies tenaces. Faiblesse exploitée sans vergogne par les hommes politiques, notamment Kérékou, qui s’est illustré au cours de ses trente ans de règne à la tête du pays dans l’art subtil d’agréger autour du Nordique dont il concentrait la personnification politique, tous ceux qui, comme les Yorouba/Nago qu’il a fait prospérer à cet effet, auraient des raisons historiques d’en découdre avec les Fons et assimlés. Et le flambeau de cette idéologie tribaliste, inspirée par la politique de "diviser pour régner", a été repris par Yayi Boni ; un homme
Le geste symbolique de la réconciliation entre Soglo et Houngbédji, qui renvoie au rêve d’une réconciliation rétrospective entre Toffa et Glèle/Béhanzin, ou même entre les Trois fils d’Adjahouto dont la discorde à tissé la corde de toutes les discordes, cette réconciliation est une preuve de prise de conscience sur le chemin de l’unité de conscience. Conscience que la division et ses séquelles funestes ont trop duré ; conscience que divisés nous sommes faibles et unis nous sommes forts ; conscience que dans un monde globalisé le fait que les membres d’un même groupe historique comme les Adja/Tado et descendants d’Adjahouto ne puissent pas s’unir est une aberration condamnée par l’histoire. Conscience que nous ne pouvons pas continuer à noyer le poisson de nos divisions dans l'océan d'une hypothétique unité nationale avec les autres ; et que la meilleure façon de consolider le tout est de consolider ses parties. C’est ainsi et ainsi seulement que nous pourrions relever les défis auxquels le Bénin – du Nord au sud, de l’Est à l’Ouest – est confronté, dans une Afrique en marche, dans un monde qui bouge.
Plus qu’un geste de vigilance ou de stratégie, la réconciliation entre Soglo et Houngbédji est un geste d’avenir, et ce n’est pas pour rien qu’il a été inspiré par Léhady, un homme d’avenir…
Atanko Bertin
2. Image du Jour : Léhady, un Geste Énorme
Le maire de la capitale utilise le zemidjan pour se rendre à une étape de la marche des UN. L’image est censée faire sensation, parce que le geste est considéré comme convivial, original, empreint d’humilité, et – oui, Yayi Boni n’en a pas le monopole ! – populiste, parce que plaisant au Peuple… Mais à y voir de près, deux éléments militent en faveur de son déclassement en tant qu’image hors norme, lui conférant au mieux le statut d’image énorme, c’est-à-dire un geste gros comme le nez au milieu de la figure. Le premier élément est d'ordre pratique ; vu le grand nombre de gens qui ont pris d’assaut les rues de la ville, les grandes limousines climatisées dont raffolent nos hommes politiques n’auraient pas fait l’affaire, si le Maire Adjoint voulait se faufiler dans la foule pour se retrouver parmi ses pairs. L’autre fait est d’ordre éthique et hypothétique. En fait si l’Afrique ne marchait pas sur la tête et compte tenu des impératifs de développement qui s’imposent à elle, ses dirigeants devraient proportionner leur mode de vie et surtout leur train de vie au niveau de la grande masse des populations. Or dans le cas d’espèce le moyen de déplacement emprunté par le maire et dont le choix est censé faire sensation est le moyen qu’utilise 60 à 80 % des citadins de sa ville… Alors, où est le hors-norme ? Où est l’originalité a priori dans ce geste qui dans le fond aurait dû être normal ? Peut-être dans son énormité… Enorme, comme le train de vie des hommes politiques Africains, par rapport à la misère endémique de l’immense majorité de leurs concitoyens…
Brigitte Adétonan
3. Lettre à Pancrace sur la Psychologie Politique de la Réélection dans son Rapport avec le Choix du Bon Président
Mon cher Pancrace,
Dans ta dernière lettre, citant quatre candidats potentiels à l’élection, tu me demandes lequel d’entre eux serait un bon Président. Par bon Président, je suppose que tu veux dire celui dont l’action ferait enfin avancer notre pays et bénéficierait au Peuple béninois qui, depuis son indépendance attend le berger d’une conduite raisonnée et responsable vers le vert pâturage du progrès et de la prospérité pour tous. Je crois que le Bon Président est celui-là qui peut améliorer la performance de l’actuel. Tu me dis que pour ta part, tu ne serais pas loin de pencher pour Bio Tchané. Oui, je comprends ton inclination à penser ainsi. En raison de leur parcours similaires, on est en droit de penser que celui-ci fera bien moins mal que celui-là. Mais si Bio Tchané veut être Président de la République, outre l’ambition personnelle, c’est sans doute qu’en tant que Béninois et observateur de la vie politique du pays, il est comme bien d’autres ulcéré par la gouvernance calamiteuse, l’obsession populiste et le style autoritaire de l’actuel locataire de la Marina. Un autre facteur peut expliquer l’apparente opportunité de la candidature de Bio Tchané. C’est l’effet de la psychologie sur les performances et réalisations du Président de la République en exercice.
A observer le fonctionnement de Yayi Boni, il apparaît que le timonier du changement a produit le meilleur de lui-même exclusivement avec l’ombre portée de l’épée de Damoclès de la réélection sur sa tête ; surtout dans le contexte dramatique du précédent de Soglo, et aux prises avec les démonstrations de force de la cohorte bigarrée de ses opposants qui, bien – et parce – que étiquetés anciens se refusent à mourir de leur belle mort. Donc force est de retenir que les choses positives annoncées, initiées, ou réalisées par Yayi Boni le furent sous la piqûre ardente de l’aiguillon populiste du challenge de la réélection ; challenge érigé en obsession. A contrario, si Yayi Boni avait la garantie qu’offrent les systèmes dictatoriaux d’une réélection sans faille, il n’est pas sûr qu’on aurait eu ou vu grand-chose de positif sous son règne. Même s’il faut reconnaître aussi que les travers, les choses négatives ou mauvaises sous Yayi Boni le furent aussi dans cet état d’esprit. Puisque la peur de déplaire au Peuple ou aux alliés politiques pléthoriques en prenant des décisions impopulaires quoique nécessaires pour le pays a pu conduire bien souvent à les mettre sous le boisseau.
Suivant ce raisonnement, un Président avec lequel le Peuple n’a plus de réélection à négocier durant sa législature peut s’avérer d’une médiocrité sinon d’un cynisme navrant. Et, non content d’être médiocre, il pourrait aussi laisser libre cours à ses fantasmes et ses démons, sans craindre ce qu’il faut bien appeler l’effet de surmoi de la réélection.
Donc si on considère la brochette des quatre grands candidats potentiels à l’élection présidentielle, que tu as cités soit en raison de leur notoriété, de leur parti, de leur expérience ou du fait qu’ils ressortissent d’une filière devenue de façon insidieuse une marque déposée au Bénin, – j’ai nommé : Yayi Boni, Adrien Houngbédji, Bio Tchané et Léhady Soglo ; on constate qu’on peut les répartir dans deux catégories distinctes en rapport avec le critère du surmoi de la réélection. D’un côté, il y a Yayi Boni et Adrien Houngbédji, et de l’autre Bio Tchané et Léhady Soglo.
La première catégorie, comme cela tombe sous le sens, est celle des Présidents qui, pour une raison ou une autre, n’auront pas à se poser la question de la réélection. Yayi Boni en fait logiquement partie parce que, à moins de traficoter la Constitution pour se maintenir – éventualité qui n’est hélas pas entièrement farfelue, compte tenue des tendances despotiques du personnage – il ne peut briguer un troisième mandat. Et Maître Adrien Hougbédji, le Président du PRD, parce qu’alors frappé par la limite d’âge des 70 ans impartie par la Constitution – clause que soi dit en passant, je trouve parfaitement imbécile, même si elle a montré ponctuellement son utilité dans les circonstances inaugurales du Renouveau Démocratique.
Dans l’autre catégorie, viennent les deux candidats qui tombent sous le jour favorable du critère du surmoi de la réélection. En effet, dans l’hypothèse où l’un et l’autre estélu, son légitime désir et son droit d’être réélu peuvent être mis à prix, exploités, et servir d’aiguillon pour développer le pays. Le peuple pourra faire un « chantage à la réélection » pour obtenir qu’il fasse coïncider autant que faire se peut ses promesses et son action.
La division en catégories ne signifie ni que les membres d’une même catégorie partagent le même sort sous le rapport de l’effet de surmoi ni que les catégories soient absolument disjointes. En fait, une observation attentive quoique peut-être subjective conduit à considérer les deux membres de la première catégorie comme les extrêmes d’une proportion ou d’un syllogisme, là où les deux autres membres en seraient les moyens.
Et, Yayi Boni, de part sa trajectoire, son histoire et sa situation actuelle est le pôle négatif de cet extrême ; en effet, il est le plus mal loti, dans la mesure où rien ne le forcera à faire un second mandat plus positif pour le peuple, plus effectif que le premier. Au contraire, ayant passé tout le premier mandat dans la tension permanente d’obtenir le second, grand sera son désir de relâchement une fois son but atteint – juste retour psychologique des choses. Dans la même catégorie, mais sous l’angle qu’on pourra considérer comme positif, Adrien Hougbédji n’ayant pas d’autres occasions d’exercer le pouvoir présidentiel que celle-ci, cherchera en toute logique à mettre un point d’honneur à faire rimer l’historicité de son élection tant espérée avec l’historicité du changement tant attendu et dont le peuple reste frustré, après l’expérience pour le moins étrange de Yayi Boni à la tête du pays. Par ailleurs, comme tout l’oppose à Monsieur Yayi Boni – en termes d’expérience cumulées, de sagesse, de maturité politique, d’éthique, de culture – il est fort à parier que Maître Adrien Houngbédji n’aura de cesse de faire la preuve du visage du vrai changement. Occasion aussi pour lui de démentir les préjugés, lieux communs, consensus frauduleux et malentendus pour la plupart sciemment accumulés comme un lourd nuage sur sa tête par ses détracteurs avec, il faut le reconnaître, une désastreuse habileté qui n’a pas fait de concession à l’honnêteté morale ou à la justice.
C’est dire finalement, cher ami, que le plus fort potentiel de l’effet de surmoi se trouve paradoxalement concentré sur celui-là même qui n’a plus rien à prouver que ce dont il est capable, celui-là qui ne peut faire l’objet du chantage à la réélection, ni de la part du peuple ni de la part – et cela est plus important – de ceux-là même qui selon tes propres termes sont la tourbe infecte des politiciens de métier, et dont c’est la culture et la spécialité.
La deuxième catégorie des candidats susceptibles d’être sous l’emprise du surmoi de la réélection est composée de membres qui réunissent à la perfection les critères qui définissent leur appartenance. Mais – et c’est le lieu de rebondir en exprimant mon scepticisme quant à ton penchant supposé – d’un côté avec Bio Tchané l’effet de miroir est si fort ( il ne manque d’ailleurs que le Y pour confondre les initiales des deux hommes) avec Yayi Boni que le peuple Béninois, au demeurant si prompt à se défier des illusions, peut craindre à juste titre de tomber de Charybde en Scylla. Et il n’est pas jusqu’à l’insidieuse institutionnalisation de ce qui se donne à comprendre sinon comme la voie royale du moins le modèle déposé de l’accès à la présidence au Bénin : fonctionnariat international de préférence dans le secteur financier, Présidence de la BOAD érigée en antichambre de la Marina, bref toutes choses dont je crains qu’elles ne fassent l’objet de la part de l’électeur, d’un phénomène de rejet massif.
Enfin, Léhady Soglo quant à lui, bien qu’étant en réalité politiquement plus expérimenté que Yayi Boni, a encore bien des choses à apprendre avant d’avoir l’étoffe d’un Président. Ce manque d’expérience, comme on a pu le voir avec Yayi Boni, a été la source de ce qu’il faut bien appeler la cruelle déception de son exercice du pouvoir, eu égard à l’espérance qui a nourri le rêve de son élection et que celui-ci, une fois réalisé a à son tour suscitée. En vain...
Donc, cher ami, même si je respecte ton penchant de départ, j’espère avoir contribué à le faire évoluer, en déconstruisant, ce qu’il pouvait y avoir de naïf, quoique fort compréhensible. Je crois sincèrement que le meilleur Président pour le Bénin est celui des quatre Mousquetaires qui, au-delà du complexe de la réélection qui a marqué l’actuelle législature, n’aura plus rien à prouver que ce dont il est capable. N’oublions pas que même battu en 2011, Yayi Boni peut toujours rester à l’affût pour 2016 comme le sont actuellement ses opposants. Et cette situation est aussi une dynamique de progrès politique et économique pour notre pays, car, en l’occurrence ce n’est pas l’obsession de réélection qui fera agir celui qui lui aura succédé, mais la volonté agissante de ne pas faire regretter au Peuple son prédécesseur.
Avec l’expression sincère de ma profonde gratitude pour ton amitié sans faille et l’honneur que tu me fais d’y répondre, je te prie de croire, cher ami à la vigueur de mes sentiments.
Binason Avèkes
4. Lettre à Pancrace sur la Nécessité de Placer un Homme Comme Me Adrien Houngbédji au Cœur Sinon à la Tête du Processus de Salut National et de Relance de l'Espérance au Bénin
Critique de la Rhétorique de Banalisation de l’Échec de Yayi Boni
Mon Cher Pancrace,
Aussitôt reçue la nouvelle de ton retour sain et sauf au bercail, me voilà déjà aux prises à ta fougue de questionnement qui comme d’habitude interpelle. Merci pour ta confiance qui te porte à me soumettre ces questions dont je n’ai pas, à dire vrai, souvent le sentiment d’être à la hauteur de la pertinence. Mais quand tu me demandes ce que je pense de ceux qui disent que Yayi Boni n’est pas pire que ses prédécesseurs, alors je me dis que la question est plus sérieuse qu’il n’y paraît. Elle mérite une véritable mise au point, que je m’efforcerai de faire en toute sincérité et en toute rigueur.
Oui, mon Cher ami, il y a beaucoup de gens qui, pour noyer le poisson, disent que la situation politique du Bénin n’est pas pire maintenant qu’avant 2006. Bien que ceux qui parlent ainsi avancent souvent masqués, certains ne cachent pas leur sympathie sinon leur appartenance au régime de Yayi Boni. Soit pour des raisons trivialement ethniques, sociales, politiques, conjoncturelles et opportunistes. Parfois même par affinité élective, idéologique ou en toute bonne foi intellectuelle. Alors mon cher Pancrace au risque de t’étonner, qu’il soit compris une bonne fois pour toute que : Non le Bénin ne va pas infiniment plus mal que dans les décennies écoulées ; oui les mœurs politiques – le régionalisme, la corruption, le népotisme la prévarication et l’impunité – tous ces travers de notre société qui ont la vie dure ne datent pas de 2006. De ce point de vue, a priori pas de raison de jeter la pierre à Yayi Boni et à son régime. Même s’il y a certains indices idiosyncrasiques qui inspirent l’inquiétude quant à la pérennité du caractère pacifique de notre société. Mais passons, et n’offrons pas au raisonnement insidieux que nous déconstruisons matière à se redresser sur son séant. Et disons d’emblée ceci : Oui, Yayi Boni n’est pas pire que les hommes du passé, mais dans le même temps, Yayi Boni n’a pas été élu en 2006 pour conserver le statu quo. Et puis à supposer que Yayi Boni et ses challengers d’aujourd’hui fussent du même tonneau pour quoi et au nom de quoi il continuerait d’endosser l’image de la nouveauté ? Et en quoi les autres doivent-ils continuer de camper le pôle du passé et de la médiocrité par opposition à lui ? À mon avis, ce genre de clivage manichéen qui a prévalu à l’élection de Yayi Boni en 2006 a maintenant fait long feu ; une bonne fois pour toute.
Mon cher Pancrace, Yayi Boni n’a pas été élu à 75% pour qu’on accepte aujourd’hui, comme une banalité sur laquelle on n’aurait pas le droit d’insister, le fait qu’il ne soit pas pire que ceux que le peuple a rejetés en 2006. Cette comparaison négative que ses thuriféraires invoquent à sa décharge est au contraire un élément à charge d’importance capitale : et pire, il s’agit là, à n’en pas douter, d’un défaut rédhibitoire, à forte charge logique, psychologique, politique et éthique. Dès lors – et maudit soit celui qui ferait croire que le temps aurait en quelque manière refroidi les événements – on doit à l’honnêteté de reconnaître que Yayi Boni doit subir les foudres du peuple et passer par les fourches caudines de la raison critique. Et, à moins de vouloir distraire la galerie, il n’est pas sérieux de changer la question de fond. La question de fond que pose l’élan du peuple qui a élu Yayi Boni en 2006 à 75% n’est pas : “Est-ce que Yayi Boni est égal ou pire que les autres ?” On ne pense tout de même pas sérieusement que le peuple aurait élu avec tant d’espérance un homme dont il n’exigerait que d’être égal ou pas pire que ceux qui il a rejetés catégoriquement !
Donc que l’on soit ami ou ennemi de Yayi Boni, dès lors qu’on est Béninois ou ami du Bénin et surtout ami de la Raison, on doit admettre que la question procédurale ainsi posée implique un jugement sans appel : Yayi n’est pas pire que les autres, Yayi n’est pas mieux que les autres, donc à l’instar du jugement sans appel de 2006, Yayi doit partir à 75 %. Il doit céder la place pour une autre réflexion plus synthétique sur la manière de sortir notre pays de l’ornière, sociale, politique et économique dans laquelle il se trouve. Pour ce faire il y a débat sur la méthode et les moyens. Trois points de vue rivalisent de position. Il y a ceux qui derrière leur façon d’euphémiser l’échec de Yayi Boni cachent une subtile volonté de continuité dans la médiocrité ce qui ne serait rien moins qu’un accaparement du pouvoir par un homme dont la personnalité et le style ne sont pas particulièrement en phase avec les idéaux du Renouveau Démocratique. Or à médiocrité commune, nous devons privilégier l’attachement scrupuleux à ces valeurs fondatrices. Après tout si Kérékou garde une certaine sympathie aujourd’hui, c’est d’avoir fait siennes à sa manière ces valeurs. Et puis il y a ceux qui pensent qu’il faut toujours continuer à faire une fuite en avant dans le rêve de trouver l’oiseau rare technocratique et gestionnaire chevronné qui avec son savoir faire et sa bonne volonté prométhéenne hisserait à notre place le Bénin de l’abîme économique et social dans lequel il se trouve actuellement. Cette option ne fait pas cas du verdict de la réalité, du coût d’entrée de la nouveauté, des risques et déconvenues d’une mise en selle et en scène de la génération spontanée en politique. Enfin, il y a ceux qui, faisant preuve de sagesse, croient que la vérité et le progrès peuvent sortir des erreurs et errements du passé, dès lors que ceux-ci sont passés par une longue étape de prise de conscience mûrement élaborée et sous-tendue par une volonté forte.
À priori, comme Yayi est reconnu par tous y compris par ses sympathisants sérieux comme n’étant pas pire ni meilleur que les autres, en apparence on peut lui reconnaître le droit à l’amendement. Mais la validité de ce droit est fonction de sa qualité intrinsèque. De ce point de vue, force est de reconnaître que parce qu’il est dans l’action, Yayi Boni n’a pas le temps de la réflexion ni de la prise de conscience sur soi. Du coup, il lui faut passer par le purgatoire, et on ne peut pas lui donner le bon Dieu sans confession. Attention, il ne s’agit pas de renvoyer Yayi Boni dans les vestiaires sans ménagement, il peut rentrer au vestiaire sous les applaudissement du public, comme quelqu’un qui a fait ce qu’il a pu. Car la vérité sur lui, si elle est plausible, elle n’est pas toujours dans les caricatures que l’opposition à tort ou à raison en fait. Le verdict qui renvoie Yayi Boni est un verdict à la fois catégorique et, comme le dirait Kant, assertorique. Pour autant Yayi Boni, s’il n’a pas fait ce que le peuple attendait de lui dans les 75% de vote qu’il a mis en son nom, a quand même eu une utilité historique qu’il faut dire haut et fort : celle d’avoir été l’homme grâce à qui le Bénin s’est débarrassé de la teigne Kérékou. Celui-ci, en dépit des complaisances rituelles et des mièvreries émotionnelles dont certains clients ou obligés le couvrent n’a pas lieu d’être historiquement tenu pour un objet de fierté nationale. Ne pas tuer symboliquement Kérékou c’est pactiser avec le désordre, le sous-développement, la médiocrité, l’immoralité et la bêtise qui se parent insidieusement de vertu pour se frayer des voies vers l’histoire la tête haute ; et cela aussi, cela surtout fait parti des torts auxquels le politiquement correct et les contraintes de la Realpolitik béninoise ont conduit Yayi Boni pour le pire.
Pour toutes ces raisons, mon cher ami, il ne reste sérieusement au Bénin et aux Béninois qu’à se regarder en face et à cesser de chercher une solution de rêve. Il s’agit de faire la synthèse de tout ce qui a été fait jusqu’à présent et de voir les voix sérieuses qui émergent de cette synthèse, et ce sans préjugé ni parti pris ou plus exactement avec le préjugé favorable que l’être humain est libre et peut se libérer de ses démons et changer pour le meilleur. Certes, il y a ceux qui pensent que les anciens sont irrécupérables et vont fatalement rééditer la même médiocrité qu’avant. Mais dans la mesure où ce sont les sympathisants du régime actuel qui jettent cet anathème irrévocable sur le passé, il sied de dire que désormais, Yayi Boni est aussi un homme du même passé médiocre, à la différence près que lui n’a pas eu assez de temps ni d’expérience pour se sublimer, alors que les autres ont le bénéfice du doute par rapport à cette sublimation décisive.
Et cette sublimation se donne à voir dans la démarche rationnelle d’unification qu’ils nous proposent. Démarche inédite, basée sur une prise de conscience salutaire qui force le respect et l’admiration du peuple, elle embrasse aussi sa masse critique sinon majoritaire dont les luttes fratricides et la division ont servi de paradigme à la division du pays tout entier. Houngbédji avec toute son expérience d’homme politique, malgré ses hauts et ses bas, ses défauts, soutenu par Soglo et consolidant l’unité effective du sud, non pas en tant qu’il serait opposé au Nord, mais parce qu’il s’est retrouvé et donne ainsi l’exemple de l’unité nationale, ce Houngbédji qui a traversé le désert et s’est sublimé et n’a qu’un seul mandat pour rentrer dans l’histoire la tête haute ou en sortir définitivement la tête basse, ce Houngbédji-là, montrera toutes ces qualités d’homme d’État et fera un très bon Président. C’est le Président que la sagesse suggère de se donner pour mettre fin à nos errements, tirer partie du passé et enfin aller à l’essentiel : Prendre le chemin du Travail pour une Prospérité vraiment Partagée, dans une Gouvernance véritablement Transparente, débarrassée des scories de la Corruption d’État, condition sine qua non pour éradiquer la Corruption ordinaire liée à la misère et ancrée dans les mentalités.
Cela étant dit, mon Cher Pancrace, tu peux considérer ce point de vue comme un tantinet subjectif ou pire, partisan, bien qu’il ne vise que l’intérêt du Bénin, en y arrivant par les voies de la raison et de la réflexion. Et je comprendrai ta bienveillante réserve, qui n'est rien à côté de la propable suspicion ou réfutation aveugle des passionnés. Aussi, pour appuyer l’objectivité de ma réflexion, suis-je prêt à aller plus loin dans le désintéressement aux personnes, en n'ayant en vue que le seul amour du Bénin, notre cher et beau pays. Étant donné qu’il y va de la situation actuelle du pays, de la condition du peuple acculé à la misère et laissé à son propre sort depuis des décennies, de l’avenir de nos enfants et petits-enfants, il faut être brave et honnête. Le point de vue soulevé ici n’est qu’une hypothèse, tu t’en doutes. Il ne signifie pas qu’on doit s’immoler à la nécessité de privilégier des intérêts de personne ; il ne vise pas à faire de Houngbédji nécessairement Président de la République. Et on espère que les personnes concernées doivent faire preuve de suffisamment de sagesse pour épouser cette réserve qui n’est pas seulement méthodologique mais éthique. Maître Adrien Houngbédji n’a pas besoin d’être Président, mais le Bénin, nous le pensons sincèrement, a besoin de son expérience, de son énergie et de sa sagesse actuelles. Il suffit pour cela qu’il soit partie prenante d’un gouvernement futur qui prenne à bras le corps l’unité et le développement harmonieux de notre pays dans un climat de démocratie apaisée. Il y a aussi Abdoulaye Bio Tchane ou Simon Pierre Adovelandé ( dont nous espérons que, de la part de Monsieur Yayi Boni, grand emprisonneur devant l'Eternel, ses déboires actuels n’ont pas une motivation régionaliste ou ethnique, même si elles sont évidemment politiciennes) pour rester dans le schéma éculé et presque mythique des prétendants économistes au poste de Président que l’on a naturalisé au Bénin avec les conséquences calamiteuses que nous voyons. Il y a aussi Léhady Soglo et bien d’autres qui peuvent valablement faire figure d’alternative crédible.
Au total, le Bénin est un pays d’avenir et qui a toutes ses chances. Entre 2006 et maintenant il s’est passé bien des choses. Le peuple a élu massivement Yayi Boni pour qu’il éradique la corruption et le sorte de la misère. Mais, outre que la lutte contre la corruption est complexe, on a vu, on a senti que Yayi Boni est aussi corrompu que les autres ; qu’il n’est pas plus propre que la moyenne des autres. Et, le plus navrant est qu’il utilise le prétexte de la lutte contre la corruption pour procéder à une épuration politique sinon ethnique de ses ennemis politiques. Avec un sans-gêne et un cynisme ahurissants dans le deux-poids-deux-mesures, qui font douter de son sens de la justice sur terre. Quand la lutte contre la corruption touche ceux qui le supportent ou ne l’inquiètent pas, il se tait et fait le mort. Sur le plan du développement économique, il a agi dans la précipitation parce que toujours ses actions visent à se faire apprécier électoralement plutôt que d’être pensées pour l’amélioration effective, durable et décisive de la condition du peuple. Il a dépensé l’argent public de façon inconsidérée, et géré les caisses du pays de façon patrimoniale comme un mauvais banquier. Depuis le début du Renouveau démocratique de Soglo à Kérékou1 et Kérékou2 on n’a jamais vu président aussi accapareur des médias, aussi impulsif et agressif en ce qui touche aux libertés publiques, et qui a à ce point ruiné le crédit considérable dont le Bénin jouissait sur le plan de la démocratie et de la liberté d’expression. Ces défauts, mon cher Pancrace, sont trop graves pour être placés sur le seul compte de l’inexpérience ou de la volonté naïve de bien faire. Dans l’optique de l’espérance de 2006, ils sont purement et simplement rédhibitoires. Pour cela Yayi doit partir. Et dans l’ordre décroissant entre Maître Adrien Houngbédji, Abdoulaye Bio Tchané, Léhady Vinagnon Soglo ou Pierre-Simon Adovèlandé, peu importe celui qui le remplacera. Le Bénin s’en portera mieux !
Porte-toi bien, cher ami et au plaisir d’avoir de tes nouvelles
Amicalement
Binason Avèkes
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