Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…:
Rive et Dérive d’un Mot
Pardonner c’est remettre à quelqu’un la punition d’un péché. Il s’agit d’un acte moral. Comme le prouve l’un des pardons les plus célèbres dans l’histoire morale et religieuse des hommes, celui de Jésus-Christ qui dit à Dieu, à propos de ses tortionnaires : “ Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font.” De fait l’initiative de Maître Houngbédji à laquelle correspond l’accord de pardon du Président Soglo se comprend et cadre avec cette démarche christique qui colle à l’étymologie de la notion de pardon. En l’occurrence on comprend clairement que Houngbédji dit à Soglo : “Nous sommes des frères, et je te demande pardon pour ne m’être pas comporté en frère…”
Jusque-là et dans l’idée originelle de pardon n’intervient aucune dimension légale. Or que fait Yayi Boni par son geste mimétique loufoque ? Il prétend demander pardon lui aussi. C’est son droit. Mais pardon de quoi et pour quoi ? Pardon pour avoir jeté en prison Monsieur Sefou Fagbohoun pendant 2 ans ! Au-delà du fait qu’il avoue au passage une violation de la constitution – la justice et ses actes ne dépendant pas du bon vouloir d’un citoyen, fût-il le Président – on est poussé vers une acception inédite de la notion du pardon. Véritable dérive sémantique. Le pardon ne relève plus d’un péché ni d’un manquement à l’éthique ni une faute morale, mais est mis en jeu le facteur légal. Yayi Boni demande pardon pour avoir appliqué la loi. Il demande pardon parce que l’application de la loi aurait affecté un citoyen. Où est le péché dans cette affaire ? À force de hanter le politique par le religieux, on finit par déraper vers une approche théologique de la loi républicaine. Et la rationalité légale en prend un coup. De fait, le caractère moral de l’acte qui nécessite pardon ici ne saute pas aux yeux. Il faudrait que Yayi Boni s’accusât des pires intentions dans cette affaire pour que la nécessité formelle du pardon apparût comme plausible. En l’occurrence qu’il sût que Sefou Fagbohoun était blanc comme neige, mais, abusant de son pouvoir, qu’il décidât d’instrumentaliser la justice pour l’abattre politiquement. Autrement dit, sous couvert de lutter contre la corruption, déjà en 2006, et en attendant de faire l’expérience de la difficulté pratique de la lutte, Yayi Boni jouait avec la crédulité des Béninois.
S’accuser de tant de forfait juste pour être dans la note du temps ! Juste pour apparaître aussi humble qu’un opposant qu’on marque à la culotte ! Décidément cette dérive sémantique du pardon façon Yayi nous éloigne des rives du Jourdain…
Éloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2009,© Bienvenu sur Babilown
Tout copier/collage de cet article sur un autre site, blog ou forum, etc.. doit en mentionner et l’origine et l’auteur sous peine d’être en infraction.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.