Je ne peux pas dire que je me sens particulièrement à mon aise dans le siècle où le hasard m'a fait naître et que la manière dont il évolue ne me donne pas à penser que, sinon moi-même, mais mes descendants s'y sentiront davantage à leur aise que moi. (...) J'ai le sentiment d'un monde qui tend à devenir surpeuplé, là même où il ne l'est pas encore ailleurs, parce que la densité même de la population se trouve démultipliée par l'accélération des moyens physiques de communication et des moyens intellectuels de communication. Enfin, nous avons tendance à devenir de plus en plus des consommateurs, et des consommateurs boulimiques, des richesses qui nous entourent, qu'il s'agisse des richesses concrètes de l'univers et que nous détruisons en les consommant, ou des richesses intellectuelles que nous absorbons avec une intensité, une rapidité beaucoup plus grandes que nous ne parvenons à les renouveler.
Nous nous posons constamment le problème d'établir de meilleures communications entre les hommes. Peut-être aussi une certaine surdité est-elle féconde du point de vue de la création véritable... Les grandes époques ont été celles où les hommes communiquaient suffisamment pour pouvoir se féconder réciproquement et où, en même temps, la communication se trouvait freinée et ralentie de manière assez substantielle pour qu'ils puissent tirer pleinement profit des avantages de la communication proprement dite. Enfin, disons, un monde où des Descartes, des Leibniz pouvaient communiquer entre eux, bien sûr, mais où les lettres mettaient plusieurs semaines à parvenir, était un monde peut-être mieux équilibré que celui où nous vivons aujourd'hui.…Dixit Claude Levi-Strauss, ORTF 1972
Œuvres, de Claude Lévi-Strauss «Bibliothèque de la Pléiade», Gallimard, 2008,2064 p. Le volume réunit Tristes tropiques, Le totémisme aujourd'hui, La pensée sauvage, La voie des masques, La potière jalouse, Histoire de Lynx et Regarder écouter lire. Plusieurs de ces textes sont également disponibles en édition de poche, chez GF, Pocket et Folio. Claude Lévi-Strauss de Catherine Clément (PUF, «Que Sais-Je?», 2002), Claude Lévi-Strauss de Denis Bertholet (Pion, 2003), Lévi-Strauss, l'homme derrière l'œuvre, d'Emilie Joulia (éd. JC Lattes, 2008), ainsi que De près et de loin, suivi de Deux ans après, recueil d'entretiens entre Lévi-Strauss et Didier Eribon (éd. Odile Jacob, 1990). |
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Vu ce matin sur le portail suisse Pnyx.com, un hommage surprenant au grand homme : sous la forme d'un sondage !
Merci, Monsieur Lévi-Strauss ! Si je ne pouvais emporter qu'une seule de vos idées …
« On ne peut rien comprendre ou juger que grâce à la mémoire »,
« Je hais les voyages et les explorateurs »,
« L'homme est un être vivant »,
« Pas plus que l’ordre du monde, l’ordre social ne se plie aux exigences de la pensée »
« Seule la musique permet l'union du sensible à l'intelligence »,
« Il ne peut exister un hiatus complet entre la pensée et la vie »,
« L’humanité … /… s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave ».
Pour voir le détail, aller à : http://www.pnyx.com/fr_fr/sondage/403 , avec, pour chacune de ces "idées", un extrait des citations dans leur contexte, permettant d'embrasser la portée de ces réflexions.
Rédigé par : OrangeOrange | 04 novembre 2009 à 18:39