Avec Yayi Boni, la confiscation de la démocratie est en acte. Elle prend toutes les formes de violation de la constitution décriées depuis l’avènement du régime dit du changement : violation de la liberté d’expression, refus de la pensée plurielle, des libertés politiques, instrumentalisation des institutions de la République, violation du droit à la sécurité, monopolisation des médias, etc.
Le but de la manœuvre est simple : court-circuiter les instances normales de la démocratie, la claire représentation du peuple et en dernier ressort sa volonté.
Nous avons affaire à une dérive extra-démocratique comme on parle d’exécution extrajudiciaire. Elle consiste à se passer des instances constituées pour naturaliser à travers des relais médiatiques incarnés une conception despotique du pouvoir.
Comme on a pu le constater, sa mise en œuvre est allée de pair avec la difficulté du pouvoir à consolider une majorité devenue volatile. Le danger de perdre à la fois la face et la majorité a conduit le pouvoir à procéder à une manipulation frauduleuse de légitimité en substituant la légitimité charismatique – tribale, culturelle, religieuse ou médiatique – à la légitimité constitutionnelle. D’où l’ouverture de la boîte de pandore des Têtes couronnées, Rois, et autres Chefs religieux. Tout cela dans un climat surréel de résurrection des démons du tribalisme.
Mais le surinvestissement médiatique de Yayi Boni aidant, c’est sur ces nouveaux représentants médiatiques que le pouvoir a jeté son dévolu ; c’est eux qui sont devenus les agents de son insémination politique. Pour un autocrate comme Yayi Boni qui considère la démocratie à la fois comme une entrave et un écran à sa personne, la représentation du peuple n’est plus démocratique mais médiatique. En dehors de la kyrielle de conseillers à la communication qui se piétinent les uns les autres autour d’un président sans charisme personnel et dont ils sont censés porter la voix, il s’agit de positionner ces nouveaux relais. Espèces de Tolègba médiatiques qui quadrillent l’espace politico-médiatique construit à dessein et cerné de toute part par le pouvoir FCBE et ses affidés.
Et, de même que les Tolègba ont leur rationalité propre, l’efficacité politique de ces Tolègba d’un autre âge est tout entier enracinée dans une irrationalité déconcertante. A l’irrationalité de leur substitution à la représentation constitutionnelle, se superpose l’irrationalité du choix, de la représentativité, du mode opératoire, de la qualité éthique et intellectuelle et de la valeur intrinsèque de ces représentants farfelus qui ne représentent qu'eux-mêmes.
Qu’ils s’appellent, Èlègbé, Gbadamassi, Sassif, Azonhiho, Azannaï, Houssou Guèdè, et j’en passe, bref tous ces tenants et ténors de la féodalité médiatique frauduleuse instituée par le pouvoir Yayi et dont la tombée dans son giron devraient par l’effet d’un syllogisme douteux signifier ipso facto sa victoire en 2011 ; bref tout ce cirque crapuleux participe d’une politique de confiscation médiatique, qui ne fait que prolonger les autres formes déjà connues de confiscation de la démocratie. Parce que la confiscation médiatique est symbolique, elle est probablement la plus dangereuse de toutes. Et lutter contre ce danger revient d’abord à lutter pour une définition ouverte des cadres de vision et de division de l’espace médiatique. Combat a priori. Lutte transcendantale pour un enjeu qui nous transcende : la survie de notre Démocratie.
Aminou Balogoun
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