La Stratégie de la Rodomontade
Mon cher Pancrace, j’ai bien reçu ta dernière lettre dans laquelle tu me parles de la récente communication de la RB et de ses ténors, placée, comme tu le dis « sous le signe polémique de la défiance au timonier du changement. » Et en vrai démocrate qui pense que l’opposition lorsqu’elle est intelligente et nécessaire est salutaire, tu te félicites de la prise de position claire des Soglo. Et cela te donne confiance dans la sauvegarde des acquis du Renouveau, jusque-là menacés. Pourtant, sans vouloir jouer les rabat-joie, je crois qu’il faut prendre avec des pincettes ces protestations d’opposition véhémentes au régime actuel de la part des ténors de la RB. Car de telles protestations ne sont pas nouvelles, et l’expérience a montré qu’après la houle de la défiance vient le reflux des combines, de l’ambigüité et du double jeu.
Le fait que cette proclamation de défiance aux intonations guerrières soit prononcée par Rosine en compagnie du plus zélé des pro-mouvanciers de la RB, Epiphane Quenum, en dit long sur leur réelle nature de rodomontades à visée stratégique.
La stratégie est à multiple facettes mais toutes reflètent le même but : mettre en selle Léhady Soglo ; intérieurement elle sert à ressouder entre eux les Soglo dans une formule de réconciliation au sommet de la RB, suite à l’annonce de la démission de son leader charismatique. En effet, par ses rodomontades, Rosine Soglo prend comme son mari, le parti de la méfiance à Yayi et en poussant cette méfiance au niveau d’une défiance, elle veut donner les gages de la fin de l’ère des intrigues et du double jeu dans lesquels elle est passée maîtresse depuis l’avènement au pouvoir de Yayi Boni et plus particulièrement après et malgré les nombreuses agressions politiques de ce dernier contre la RB et Nicéphore Soglo.
Mon cher Pancrace, pour tout dire, plus que la petite affaire d’exclusion de Galiou Soglo du Parti, la fin de cette ère d’ambigüité était ce qu’exigeait Nicéphore Soglo. Pour le leader charismatique de la RB, cela supposait que le candidat du parti aux élections fût le candidat du G4, dans la mesure et la seule où, comme le rêve avec force Nicéphore Soglo, Léhady serait ce candidat. Si Léhady n’était pas le candidat du G4, celui-ci aura volé en éclat, mais Léhady serait toujours le candidat de la RB. Ces arrangements soudent bien les deux têtes de la RB. Dans la mesure où ils permettent à Nicéphore de continuer à rêver de voir son fils Léhady prendre la revanche de son humiliation de 1996 en 2011 cependant que, suivie de près par Epiphane Quenum dans l’incorrigible tropisme des haines du passé, Rosine Soglo, fumante de rancune, mettrait un point d’honneur à ne pas servir de marchepied à la victoire d’un Adrien Houngbédji au nom d’une union qui lui donne de l’urticaire.
Les enchères ayant ainsi été placées haut, très haut, sachant que Yayi Boni ne reculerait devant aucun sacrifice, Rosine Soglo rêve à son tour d’un grand bénéfice pour son parti. Bien des demandes et faveurs qui sont en suspens depuis des lustres vont pouvoir être honorées ou octroyées, rêve-t-elle tout bas. Rosine Soglo tire les ficelles d’une stratégie de marchandage.
Il y a donc dans cette surenchère sur fond de rodomontade des signaux que les partis en jeu sont à même de décoder et que les rodomontades ont pour but de brouiller au regard du profane. Notamment des signaux d’entre les deux tours des présidentielles. Face à un G4 qui aura explosé en vol faute du carburant de sincérité et une RB qui serait revenue laminée de son aventure solitaire, le soutien à l’érection de Yayi Boni dans une configuration spécifique qui le justifierait pourrait alors remettre au goût du jour les intrigues de copulation politique que l’on dénonce d’autant plus véhémentement aujourd’hui pour mieux en jouir demain.
C’est alors que le tandem Epiphane Quenum-Rosine Soglo reprendrait du service en remettant au goût du jour l’ère de l’ambigüité provisoirement mis en veilleuse, pour en faire à nouveau et au grand jour un air du soutien univoque à Yayi Boni
Certes, Mon cher Pancrace, dans cette affaire tout le monde n’est pas au même niveau de manipulation, et on peut se demander qui est le vrai maître du jeu. Sachant que, en fait, chacun est obnubilé par son rêve. Et bien qu’on ne puisse savoir qui l’emporterait entre Nicéphore et Rosine, ce qui est sûr c’est que la réalisation du rêve de Nicéphore Soglo est tout bénef pour Rosine, sachant que son échec ouvre la voie à la réalisation de la sienne. Ce qui porte à croire que le vrai maître du jeu est en vérité une maîtresse : le Grand Jeu !...
Analyse extrême, négative et presque paranoïaque me diras-tu, cher ami, mais depuis Salvador Dali, on sait que la paranoïa est un allié épistémologique de la réalité. Je ne prétends pas certes détenir la clé de la réalité. Tout ce que je demande c’est qu’elle falsifie les hypothèses émises ici, et apporte la preuve qu’elles ne sont que des délires associatifs à l’état pur...
Seule certitude à laquelle je tiens : la réalité éprouvée de notre amitié que ces délires, j’espère, ne rebuteront pas. Et à cette simple idée, mon cœur est en joie !
A bientôt
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008,© Bienvenu sur Babilown
Cher ami,
Je suis vraiment touché par vos bons mots à mon endroit et sur l'intérêt que vous portez aux notes de mon Blog.
En mon nom personnel et au nom de tous ceux qui y contribuent, je vous en remercie, parce que c'est pour nous un encouragement.
Les Béninois ne valorisent pas le collectif, notamment dans la production collective de sens. Or sans cela il n'y a pas de progrès à l'horizon. Ou, pour dire les choses autrement, les pays qui ont sorti la tête de l'eau et se sont développés ont ce sens-là en partage.
Donc voir un Béninois, même et surtout à l'autre bout de cette Atlantique, si loin mais si proche de nous, reconnaître cela est signe qu'on ne doit pas désespérer de la collectivité du Béninois...
J'espère continuer à maintenir en alerte votre intérêt pour les publications de Babilown, dans leur diversité. Sachez aussi que le Blog est ouvert, et si vous avez des idées à exprimer, vous y êtes le bienvenu !
Fraternelles salutations...
Rédigé par : B. A. | 23 août 2009 à 18:42
Cher Blaise APLOGAN ,
Je ne pense pas que nous nous connaissions, du moins n’en ai-je pas le souvenir. Mais qu’importe, vous êtes souvent sur mon écran d’ordinateur et retenez mon attention à chacune de vos analyses sur notre patrimoine commun, le Bénin. J’ai plaisir à vous lire à chacune de vos sorties, car vos « Lettre à Pancrace » sont empreintes de la finesse de jugement et de la pertinence qui font d’une chronique littéraire ou politique, un moment de réflexion, de maturation des idées, et donc de joie.
Je voulais vous dire cela, en toute simplicité, de la part de quelqu’un qui vit à l’autre bout de l Atlantique, là où nos mémoires continuent à vivre et à nous... interpeller !
Bien fraternellement à vous.
Roger S. - Brésil
Rédigé par : Roger S | 23 août 2009 à 18:38