Retour sur le Discours d’Accra
Dans son discours d’Accra, Barack Obama, sans renier la réalité historique des fléaux dont l’Afrique a souffert par le passé, fait remarquer par antithèse en prenant l’exemple du Zimbabwe qu’on ne pouvait pas imputer à ces fléaux la situation actuelle de ce pays, caractérisée par la mauvaise gouvernance, la corruption, le despotisme, et le chaos économique. Une critique qui, au-delà du cas Zimbabwéen recouvre d’autres semblables sur le continent et va dans le sens de la responsabilisation des Africains.
Oui, on ne saurait nier le fait qu’une venimeuse engeance de despotes et de kleptocrates, en Afrique, ont ruiné et continuent de ruiner leur peuple qu’ils soumettent sans états d’âme à la violence et au pillage énormes perpétrées sans retenue, et au-delà de toute norme et décence. Tout cela est exact et changer, comme le proclame le crédo Obamien, c’est dire cette vérité haut et fort, clairement et sans ambages.
Mais à y voir de près, les choses sont-elles si claires et si évidentes ? Robert Mugabe, pour ne rien dire des Mobutu, Eyadema, Bongo, et autres Denis Sassou Nguesso sont-ils le résultat d’une génération spontanée ? Peut-on répondre de façon univoque à cette question lorsqu’on sait que l’histoire lointaine ou récente porte ses effets pervers jusqu’au cœur du présent ?
Il n’y a pas longtemps encore, au nom d’une cause qui leur est propre – quoique humainement indéfendable dans ses effets – les grandes puissances du monde, à la tête desquelles se trouvent les États-Unis, dans l’ombre d’une sourde violence ne s’activaient-elles pas à éliminer comme des pestiférés, des dirigeants africains épris de liberté, de dignité, d’amour et des intérêts de leurs peuples ? Comme le reconnaît Scott Shane dans un article paru récemment dans le New York Times, cette lutte barbare fait partie de celles au nom desquelles une grande démocratie comme les États-Unis, apparemment sans implication historique directe en Afrique, a pu programmer d’éliminer physiquement Patrice Lumumba, un homme qui, contrairement à Ben Laden, n’avait commis aucun crime contre l’Amérique, en dehors de défendre les intérêts et la liberté de son peuple. Sans compter les centaines d’assassinats plus ou moins commandités par les milieux économiques et politiques des anciennes puissances coloniales, on voit que cette prédation inhumaine et cynique basée sur l’élimination implacable des résistants et la gratification de la servilité n’a pas manqué d’exercer une orientation décisive sur la génération, la qualité et la nature même de la classe politique africaine. Le résultat de cette prédation barbare et hypocrite pourrait avoir été l’effet d’une sorte de darwinisme de la médiocrité par l’action duquel seuls auraient survécu dans la classe politique africaine les dirigeants tyranniques, médiocres, et kleptocrates. Autrement dit, il se pourrait bien que l’homme politique africain que nous connaissons aujourd’hui est celui-là même qui a survécu à cette pression prédatrice instaurée par l’Occident : qu’il ait nom Robert Mugabe, Mobutu, Eyadema ou Bongo, il ressortit de ce même darwinisme de la médiocrité !
Dans ces conditions, peut-on dire comme Obama le dit un peu facilement que l’Occident n’a rien à voir dans la situation du Zimbabwe d’aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. C’est comme si un proxénète qui a tenu une femme sous sa coupe pendant un certain temps, la violant elle et sa fillette avant de rompre soi-disant tout rapport avec elle, prétend n’y être pour rien dans le fait que la fille à peine sortie de l’adolescence, embrasse à son tout le métier de prostituée ! Même si le proxénète a pris ses distances depuis un certain temps peut-il se laver de toute responsabilité dans le devenir scabreux de cette jeune femme ? Rien n’est moins sûr...
Pour autant, le fait qu’il ne saurait y avoir de réponse péremptoire à ce genre de questions n’enlève rien au bien fondé de l’idée de responsabilisation des Africains qui est au principe de la remarque du Président Obama.
Binason Avèkes
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