Pour une Ethique de la Responsabilité
La chose était conçue au début pour être le tremplin géopolitique d’une politique volontariste des Grands travaux – routes, ponts et chaussés, villas présidentiels, salles de conférence, etc.– version afro-libyenne de la francophonie française. Alors qu’en soi les choix et la politique infrastructurelles du gouvernement destinés à l’étayer laissaient à désirer. En l’occurrence, se posait à juste titre la question de leur rentabilité, de leur viabilité, de leur équité sociale et de leur bien fondé économique et financier. Or voilà qu' à l'arrivée, faute de trouver réponse à ces questions
essentielles, la Censad, ou du moins sa tenue sous le Bénin du Changement, tourne en eau de boudin, et devient une gigantesque opération de vol. Soulèvant un tollé médiatico-politique sans précédent. Pourtant, quand on y regarde de près, le charivari suscité par l’Affaire Censad n’est que le revers de la médaille du mythe développementiste que l’initiative, sous la houlette obscure du guide libyen, était censé incarner. Et, faute d’éclat, faute de pertinence, faute de convaincre de sa justesse sociale et de son bien fondé économique, l’Affaire Censad étale son essence de haut-lieu de main basse sur les maigres deniers publics, et ce par ces temps de crise et de vie chère. Bref, un scandale tropical ordinaire sous la bannière tout aussi tropicale d’un Docteur-président, façon république cotonnière.
Or donc, il faut bien que la Censad ne rate pas sa chance de servir à quelque chose. Il faut bien que l’auguste semeur qui en a semé la graine dans le champ onirique des consciences citoyennes, en tire quelque moisson pour son rêve de grandeur : l’idée fixe de sa réélection.
Le navire fait-il eau de toute part ? Qu’à cela ne tienne ! Les épaves et le gréement serviront de planche de salut pour un sauvetage héroïque ; pour un autre mythe de rechange. Utiliser l’événement comme haut lieu et scénario de dénégation de la responsabilité du responsable numéro 1, voilà la bonne affaire de l’Affaire Censad ! Diriger la foudre de la colère populaire sur des victimes expiatoires désignées. Donner à cette désignation, via les élucubrations et borborygmes comateux d’une commission ad’ hoc aux ordres, les apparences de la rationalité légale, et le tour est joué ! Au-delà des soubresauts, le Président Yayi se revêtira de la gloire immaculée du guerrier blanc de la corruption, intraitable avec les pilleurs de l’économie, qui n’hésite pas à frapper, frapper fort, jusques et y compris dans son propre sein. Voilà qui accrédite le mythe de base qu’il convient de marteler dans la conscience du citoyen ordinaire : le brave docteur Boni Yayi est un Président honnête, blanc comme neige, mais entouré de méchants voleurs et corrompus. Cette première fonction du mythe ne s’arrête pas en si bon chemin ; il y a sans doute, il y a surtout une autre fonction concurrente tout aussi capitale : faire oublier la furia kleptocrate, la frénésie de gabegie, et la gouvernance viciée à laquelle le grand timonier s’est immolé dans sa folie des grandeurs présidentielles, pendant les trois premières années de son règne : dépenses somptuaires, gaspillage, cadeaux en tout genre, voyages nombreux onéreux et sans retombées mesurables, procédures budgétaires illégales et malintentionnées, déluge d’ordres de paiement, contrats de gré à gré, violations des règles de procédures économiques, etc... A ce sombre palmarès du chef, répond sur un mode mimétique une noria concertée d’actes de détournement perpétrés par les divers tenants de l’état FCBE : Ministres, Députés, Directeurs, Présidents de Sociétés d’État, etc... Tout cela au titre de l’effort concerté pour constituer le butin de guerre utile à la réélection du Président.
Ainsi, le pays était saigné à blanc. Comment saurait-il en être autrement lorsque le signal du massacre est donné au sommet de l’État, par celui-là même qui, par sa mesure et son honnêteté aurait donné l’exemple de la probité, de la décence et de la justesse en décourageant les velléités malsaines de ses subordonnées. Au lieu de quoi, d’autorité, sans vergogne ni retenue, il ouvrit le bal de la corruption dans laquelle se rua la tourbe barbare des saigneurs du peuple.
Quand on a jeté la première brindille de l’incendie sur le toit de la ville, doit-ton s’étonner ensuite que l’incendie embrase le pays ?
Qui tue par l’épée, périt par l’épée ! Alors, trêve de commission et de rouerie : la Censad, c’est maussade ! Mais, ce n’est que l’arbre qui cache la forêt de la corruption et des scandales sous Yayi. Le peuple n’en est pas dupe. Tout ce qu’il demande au Président c’est de savoir assumer sa responsabilité sans se cacher derrière son petit doigt.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008,© Bienvenu sur Babilown
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