Les transports urbains – en commun ou individuels – traduisent mieux que d’autres indicateurs à caractère purement économique ou sociologique l’état d’émergence d’un pays, d’une société, et d’une économie. Les transports urbains des pays en voie de développements pour ne pas dire des pays pauvres sont caractérisés par un grouillement atomisé de services dont le fonctionnement éclaté et anarchique obéît à la rationalité d’une économie à forte composante informelle. Ceci est la traduction du fait que se répercute sur les transports l’état de non-intégration des diverses formes d’organisations de l’économie et de la vie collective. Dans la mesure où le niveau de développement ne permet pas d’assurer les conditions rationnelles et organisationnelles d’un fonctionnement intégré. D’ailleurs on peut passer d’une intégration relative et fragile à une forme de désintégration critique, comme le montre l’émergence du phénomène zémidjan qui pendant la crise des années 80 a pris naissance à Porto-Novo, ville plus économiquement vulnérable que Cotonou, avant de s’étendre à tout le Bénin et à notre sous-région. Les économies des pays en voie de développement à un stade primaire, que ce soit en Afrique ou sur d’autres continents, n’offrent pas d’autres alternatives que des formes individuelles, et apparemment anarchiques de transports. Parce que d’une maitrise plus facile, moins coûteux et d’une gestion dont le caractère individuel les met à l’abri des effets collectifs de dysfonctionnement, les moyens de transports des pays pauvres sont d’une simplicité qui est à la mesure de l’indigence organisationnelle de ces pays. Les transports en commun dans les pays développés exigent un haut degré d’organisation et de responsabilité, puisqu’ils mettent en jeu la gestion de lignes et de réseaux de transport. Alors que dans les pays pauvres, il n’y a ni ligne ni réseau dignes de ce nom mais essentiellement des chemins informels. Or lorsqu’un pays entame le processus de décollage de son économie pour aller du stade d’un pays pauvre à celui d’un pays émergent comme le sont actuellement la Chine ou l’Inde, on voit se dessiner à la surface des transports urbains, une mutation qui va de la forme atomisée et anarchique à la forme intégrée et réticulée. Cette mutation, on peut l’observer dans des grandes villes comme Pékin ou New Delhi, où l’on passe graduellement des formes individualisées de transport à une forme plus intégrée et organisée. A Pékin on passe sans crier gare de l’usage massif du vélo aux transports en commun. En Inde, le phénomène est en marche. Si les Indiens on su avec ingéniosité tirer le meilleur d’une machine aussi simple que le vélo et en faire un rickshaw, avec la même ingéniosité, ils évoluent vers le système intégré en tirant le meilleur de petits engins motorisés à trois roues, les tuc-tuc, qui symbolisent la phase intermédiaire de cette évolution des transports du type individuel vers le type commun.
Les rickshaw-wallahs roulent à la sueur de leur front et ne s’adossent pas à un pétrole facile…
Les routes sont claires, sans nids de poules et facilitent le déplacement des rickshaw-wallahs
Si le rickshaw-wallahs est à l'aise sur sa monture, c'est que la route le permet
Deux émergents et demi : l’Indien, le Chinois et le Béninois…
Quel plaisir alors de rouler en vélo !
On évolue insensiblement avec les tuc et les bus vers la forme intégrée
Emergence ou Immersion …On a encore du chemin à faire !
Tuc tuc, voitures, bus et deux roues, métro, ponts aériens, traduisent bien l’évolution
Bref, on a le sentiment que si l’Inde sait où elle va, on ne peut en dire autant du Bénin !
A voir l’art et l’ingéniosité avec laquelle les Indiens ont transformé le vélo en véritable moyens de transport autonome ; à voir comment les tuc tuc utilisent peu d’énergie pour un nombre maximum de voyageurs et une plus grande sécurité que les motos, on se rend compte que l’émergence est en marche. Et rime avec Autonomie, Responsabilité et Ingéniosité. Comme à Pékin, les gens à New Delhi ont appris à compter sur eux-mêmes, leur propre énergie ; ils se déplacent à la sueur de leur front et ne s’adossent pas à une consommation facile d’un pétrole à bon marché. De ce point de vue, les transports urbains ne révèlent pas seulement dans leur mutation l’état de l’émergence, ils montrent aussi les conditions épistémologiques, éthiques et culturelles de sa possibilité.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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