Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur
La Source Première de notre Arriération
Donc Monsieur Kérékou et sa bande subtile pense la main sur le cœur que le Général était un homme honnête qui a gentiment aidé le Bénin à progresser, et n’a pas été le mentor politique d’une mafia qui l'a sûrement ruiné entre 1972 et 1990 et l'a appauvri au moins entre 1996 et 2006 ; une mafia qui, versée dans l'art de trafiquer les élections, se fût certainement perpétué n’eût été la vigilance active du peuple mis en alerte par quelques-uns. Ah, les effets pervers de l’autosuggestion sont terribles ! A moins que ce ne soient les conséquences de l’activisme soporifique de profiteurs zélés pour qui la défense et l’illustration de la probité de Kérékou sont encore la meilleure façon de protéger leurs crimes des lueurs de la conscience publique. Ainsi pendant que le Général se drape dans la posture de la vertu offensée, la horde de ses thuriféraires, s’en donne à cœur joie d’aboyer à cor et à cri la fallacieuse antienne de sa gloire douteuse.
Et, ainsi paré, le Saint-homme, tout de blanc vêtu devant l’éternité, pouvait se regarder dans le miroir de l’histoire sans rougir ni frémir. La paix de son esprit et le calme de sa conscience étaient entièrement réglés sur cet artefact symboliquement verrouillé. Symboliquement, c'est-à-dire officiellement pour ne pas dire institutionnellement. La conscience impénétrable de Monsieur Kérékou, la paix de son esprit n’étaient pas du tout indexées sur ce que l’esprit sain et honnête – c'est-à-dire le citoyen ordinaire – savait de lui ; ce dont n’importe qui pouvait se douter de la qualité morale de son long règne loufoque, mais de son image officielle et imaginaire, posée et affichée. Même lorsqu’existe à contrario, et étayée par des preuves solides la recension/dénonciation des crimes et abus auxquels sa gouvernance irrationnelle constitua un abri sûr et un prétexte en or. Même lorsqu’en toute logique le changement voulu par l’écrasante majorité des Béninois en 2006 ne voulait pas dire autre chose que tourner la page des années Kérékou : dans ses méthodes, son éthique, sa pratique et ses résultats calamiteux. En effet que voulait-il qu’on changeât en 2006 – et ce n’est pas dire hélas que le rêve du peuple s’est actualisé – si ce n’était ce dont Monsieur K et sa bande étaient responsables ?
Malgré ces évidences, Monsieur K. n’avait l’œil rivé que sur l’image dogmatique de sa personne. Peu importe qu’il existât d’autres versions, d’autres images, peu importait le degré de publicité ou l’autorité médiatique, intellectuelle ou morale de ceux qui les portaient, pourvu que cette image n’émanât pas des seins de l’Etat ou de la sphère officielle. Car selon K. et sa bande, la vérité est officielle ou n’est pas. Pour le reste, peu leur chaut !
Et, il a fallu que cette image complaisante de soi soit égratignée par un Ministre en activité – et peu importe qu’il s’agisse d’une midinette si vilement politisée en mission commandée – pour que l’on considère enfin du côté de Monsieur K. que la vérité était mise en cause ; que l’honneur était bafoué, et qu’il fallait sortir du bois pour la rétablir, la défendre.
Curieusement, il est apparu aussi que l’autre raison de l’affliction de Monsieur K. pour l’égratignure navrante faite à son image de soi, l’autre source discrète de son affolement était la publicité faite à sa dénonciation dans la capitale de l’ancien colonisateur. Que celui qui pendant plus d’une décennie au moins a construit sa geste politique, l’éthique de son positionnement idéologique et l’intégrité nationaliste de son image sur la dénonciation et la mise à distance de l’influence des colons d’hier en vienne à se préoccuper de ce que ceux-ci pensent aujourd’hui de lui est, avouons-le, assez troublant. Comme si un Béhanzin, digne fils du Dahomey, combattant de la liberté, se souciait moins de l’image que ses sujets, les Dahoméens, avaient de lui que de celle qu’il pouvait laisser dans l’esprit des Blancs. C’est que, pour Monsieur K., homme politique du 20ème siècle, contrairement au vrai héros de l’intégrité, tout est d’abord dans le donner à croire, le consensus frauduleux, l’image construit de soi – ce qui pour un homme politique, soit dit en passant, est un sacré pléonasme.
Or donc, voilà ce que la vérité de l’histoire veut dire pour un homme politique du Bénin ou d’Afrique. Voilà mises à nu les sources objectives de son image de soi. Résumons-nous : n’est pas vrai ce que 75% de son peuple pense ou a pu penser en silence dans les chaumières et qui a été traduit dans les urnes ; n’est pas vrai ce que des consciences éclairées et éclairantes ont exposé à la connaissance du public. Non, la vérité selon Monsieur K. émane du pouvoir et de ses représentants actuels et directs. La seule vérité que l’histoire doit retenir est la vérité symbolique des institutions, la vérité des officiers institutionnels en fonction, la vérité officielle, non-falsifiable, parce que fiable traduction d’une bonne volonté mythologique autoritairement érigée en axiome.
Pour le reste, rien que du pipi de chat !
Sincèrement entre nous cette conception de la vérité n’est-ce pas en vérité la « caractéristique fondamentale et la source première de notre arriération » ?
Eloi Goutchili
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