Une note précédente, (Idéogramme 87 : Dantokpa/Bombay, Toutes Proportions gardées) mettait l'accent, dans les pratiques et mentalités de notre sphère politique, sur l'absence d'une éthique du remords et en conséquence de la responsabilité. Sans parler du sens de la culpabilité. Toutes choses que l'on voit à l'oeuvre dans d'autres cultures auxquelles d'une manière superficielle nous nous en donnons à coeur joie de nous comparer. Or malheureusement le moteur du dynamisme des
collectivités humaines est dans leur mentalité et dans leur culture, pas dans les apparences, qui sont trompeuses. L'événement sur lequel réagissait la note était la démission du Ministre de l'intérieur Indien après les attentats terroristes de Mombaï qui ont fait pas moins de 188 morts et 300 blessés. Ces événements se déroulant à peu près au même moment que la descente meurtrière des bandits de grand chemin au marché International de Dantokpa à Cotonou qui a occasionné une demi douzaines de morts et autant de blessés, la question posée était de savoir pourquoi dans un cas, le Ministre de l'Intérieur indien en tire toutes les conséquences et démissionne cependant que le Ministre Béninois reste en poste et ne songe même pas à présenter ses excuses ? Evidemment, toutes considérations politiques et géopolitiques mises à part, la réponse est simple : c'est parce que nous avons affaire à deux sociétés culturellement et moralement différentes. L'une dans laquelle on a le sens du remords, et des responsabilités, et l'autre dans laquelle, surtout ceux qui nous dirigent se croient au dessus de tout et tout permis, prennent les états d'âmes des gouvernés pour quantité négligeable. C'est un travers de notre mentalité, la manière dont nous nous considérons les uns les autres, notre respect et notre amour de nous-mêmes ; mais aussi probablement quand on y réfléchit un peu la désinvolture de nos dirigeants leur surdité profonde à la souffrance du peuple, le fait qu'ils n'ont pas spontanément l'idée de rendre compte de leurs actes, découle de l'histoire de l'Etat, des mutations symboliques et politiques qu'il a connues. Bref, l'irresponsabilité atavique de nos dirigeants a donc une histoire. Cette histoire a façonné les mentalités, les sensibilités et les pratiques. Tant que nous sommes entre nous, la chose ne se voit pas beaucoup. Mais dans la mesure où nous prétendons au même succès que les autres, au même bonheur, dans la mesure où nous nous targuons de viser les mêmes objectifs qu'eux, et qu'au nom du culte indistinct de l'égalité des hommes nous prétendons qu'il n'y a pas de raison que nous ne puissions faire les mêmes choses qu'eux, alors évidemment se pose la question de la comparaison éthique et pratique. Car on ne peut pas nier que l'éthique et la pratique distinguent les sociétés et les nations. Et c'est justement à ce niveau que le bât nous blesse. Car au nom du relativisme culturel on a beau ramener chaque groupe humain à la rationalité de ses valeurs, il reste quand même que parmi celles-ci on peut statistiquement mesurer les capacités relatives à conduire leurs adhérents à un meilleur port que d'autres. Surtout si les ports sont les mêmes. Et puis comme le monde, grâce au progrès des medias, est devenu un véritable village planétaire, la matière des comparaisons et des rapprochements est fournie chaque jour à foison. Et nous ne pouvons plus nous cacher derrière notre petit doigt. La question soulevée dans la note ne manque pas de sens. On peut poser pareille question à propos d'un autre fait d'actualité qui défraie la chronique dans les médias japonais depuis quelques jours ; il s'agit du flagrant délit d'ivresse dans lequel a été pris Monsieur Soichi Nagakawa, Ministre des finances nippon. A l'issue d'une conférence de presse, samedi à Rome, Shoichi Nakagawa, le regard vague et la bouche pâteuse avait répondu aux questions de façon incohérente, se trompant pèle-mêle dans les chiffres. Connu pour son goût immodéré de la boisson, le Ministre était apparu dans un état second, et pouvait difficilement convaincre de sa bonne foi éthylique. Au Japon, la nouvelle en a choqué plus d'un et Monsieur Soïcho Nagakawa est devenu la risée des médias. La polémique s'est installée. Pour y couper cours, Monsieur Soichi Nagakawa a annoncé sa démission ce mardi. Voilà comment les gens prennent leur responsabilité dans ces pays auxquels pince sans rien et dans une joyeuse superficialité nous nous comparons au motif que nous serions tous des hommes. Or dans ces pays qui ont émergé ou qui émergent, les gens ne vont pas en prison lorsqu'on dit que le Président bat sa femme ou qu'un homme politique de haut niveau est alcoolique. Quand la chose est avérée, au lieu de s'en prendre aux autres, au lieu de noyer le poisson, les hommes politiques dans ces pays-là, prennent leur responsabilité, parce qu'ils en ont le sens, ce qui est loin d'être la cas chez nous !
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