1. Bénin, Changements et Permanences : Délestage, Pollution, Médias, Caprices de Gbégnonvi et tutti quanti...
Le délestage ne pèse plus. Il est là qui hante la vie quotidienne, mais ne dure plus comme avant, et paraît mieux géré ; mais les pannes d'eau sont fréquentes.
La pollution est toujours là...
Les panneaux publicitaires sont plus nombreux et affichent des modèles de femmes... Modèles, le mot est peut-être un peu fort, et peut prêter à polémique sociologique, disons plutôt images féminines idéalisées... Ficèle publicitaire éculée, utilisée ici jusqu'à la corde, sans nuance ni ménagement...
Un fleuve continue d’annonces nécrologiques hante les médias audiovisuels, surtout la télévision. Les faire-part ont pris de l’épaisseur et sont confectionnés en livret... Tout cela renforce à la limite de l'impudeur cette consternante promiscuité avec la mort qu'illustrent à tous les coins de rue les étals de cercueils et autres coffres mortuaires...
L'autoroute à double voie Cotonou/Porto-Novo/Lagos en tant qu’ouvrage, je me souviens, a été construite dans une relative discrétion, sans propagande si l’on songe à tout le tintouin orchestré aujourd’hui autour des deux ou trois routes et ponts supérieurs actuels... Et pourtant, l’utilité sociale, économique et politique de cette autoroute n’est pas à démontrer... C’est que les temps ont changé...
Mais ce changement n’a pas encore touché le fléau de l’informel qui fait rage. Un changement sociologique se dessine toutefois au sein des métiers de coiffeuses et tailleurs/couturières : l’ouvrier tend à se substituer à l’antique apprenti...
Je n’ai pas pu suivre de près l’investiture du 44ème Président des États-Unis, Barack Obama. Rien blogué là-dessus, n’ayant pas les moyens d’être informé comme il se doit, soit parce que le canal précis n’était pas disponible ; soit parce que je n’étais pas sur place en temps et lieu indiqués. De plus, pour les quelques bribes d’échos que j’ai pu capter sur le sujet, la banalité des points de vue, l’insipidité prodigieuse des commentaires, le délire de fierté indue qui suintait de-ci de-là, masque commode d'une navrante médiocrité, ont tôt fait de me sauter à la gorge, de m’écœurer proprement. J’espère me rattraper mais le temps passe si vite et les événements vieillissent tout aussi vite. Si le 20 janvier 2009 est l’investiture de celui que les Africains, en un joyeux raccourci, n’hésitent pas à appeler « le premier Président noir de l’Histoire des États-Unis », le 22 est déjà un autre jour, un autre moment, une autre réalité, celui de l’après-investiture...
Le pays, venons-en au pays, puisque c’est en son cœur palpitant que l’événement triste qui m’amène me place de fait. Le pays et sa réalité, le cœur et son battement fumeux, Cotonou, une ville qui enfle et prospère, dans le vacarme des motos fumantes, sous la chape des gaz de pollution, dans le grouillement incessant des autos, dont la plupart sont éjectés par l’anus de la consommation automobile de l’Occident ; des motos dont l’inépuisable surgissement en tout temps et en tout lieu reflète l’individualisme pouilleux et antisocial des ethnies du sud, les proto-Adjas et assimilés, ce désordre motorisé, atomisé, bruyant et fumant qui tient lieu de mode de transport ; cette joie de vivre les facilités de son temps, d’épouser d’une façon étonnamment superficielle – car sans conscience – les retombés de la science aussi adaptée soit-elle à l’histoire et à la réalité socioéconomique du pays, dans la mesure où elle adhère aux travers éthiques du gros de la nation, et indépendamment de ses autres causes de nuisance, est en vérité une triste calamité. Sa facilité relative, qui correspond surtout à l’inexistence de moyens adéquats susceptibles de porter le transport public de son état atomisé actuel vers celui d’un transport en commun, est un leurre servi par un concours de circonstances pour le moins fatales. Pour ma part, à bord d’une voiture climatisée et conduite par un chauffeur, toute vitre fermée, je puis m’estimer à l’abri des nuisances de cette urbanité anarchique, irréfléchie et infantile qui meut la ville et fait battre son cœur à chaque instant.
Acheté quelques journaux aujourd’hui – le Matinal, Fraternité, Nouvelle Tribune, etc. – et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’impression de concavité sur fond de billevesées qui se dégage de leur lecture n’est pas – loin s’en faut – une vue de l’esprit. Est-ce parce qu’ils seraient pour la plupart tombés dans l’escarcelle du pouvoir ? Et pourtant, comparé à une période passée, beaucoup de progrès a été fait au niveau de la presse ; pas seulement parce qu’une proportion non négligeable de titres ou d’organes s’est laissée enfermée dans un contrat d’obligeance avec le gouvernement de celui qu’on continue d’appeler pince sans rire Docteur Yayi Boni, mais un docteur qui ne soigne rien, sinon sa seule popularité au détriment du bien-être du peuple, la forme au détriment du fond. Imbécile ! ; mais parce que ce qui est offert dans ces journaux correspond au niveau d’exigence du public ou des lecteurs potentiels. Le nombre impressionnant de ces journaux prouve si besoin était leur rôle de caisse de résonance directe des milieux, personnes, personnages et partis politiques pour qui ils constituent un lieu d’expression, et un dispositif de communication d’où l’on fait mine de lancer des attaques contre les ennemis politiques ou des bombes panégyriques à l’endroit des mécènes et autres partisans en vue ou rêvant de l’être.
Cet usage de la presse en général – audio-visuelle comprise –a été illustré par un quiproquo politico-médiatique qui a défrayé la chronique ces jours-ci ; il s’agit de la nomination par Yayi Boni – le bien nommé Docteur ! – d’un de ses ministres récemment débarqué du gouvernement pour cause d’encombrement politique – nomination dis-je au poste taillé sur mesure de « Conseiller à la bonne gouvernance ». Cette nomination, à ce que j’ai compris, faisait suite à une émission de débat télévisé au cours de laquelle l’ex-Ministre aurait évoqué la création d’un tel poste. Acteur en vue de la société civile, l’homme avait sabordé sa réputation en entrant dans un gouvernement dont par vocation il était censé surveiller la transparence ; ayant mangé le pain blanc de sa neutralité politique, gage d'une certaine positivité éthique, il quémandait à mots à peine couverts le pain noir d’une de ces voies de garage d’un Président consommateur en diable de Ministres, et "nommeur" hors pair de Conseillers. Or cette demande n’étant pas tombée dans l’oreille d’un sourd, le bon docteur Yayi, très sensible à ce qui ce dit dans les médias – surtout à la télévision – s’est empressé de l’honorer, en nommant le truculent professeur, adepte de la transparence égaré dans l’arène opaque de la politique au poste qu’il souhaitait. Mais celui-ci déclina l’offre et vint le dire haut et fort à la télévision – au détour d’une interview de circonstance dans laquelle au passage, il éreinta en finesse l’entourage du Président comme on se débarrasse de la gangue pour mieux encenser l’or. Du reste, il n’avait pas de mots assez durs contre les acteurs du régime en place – Ministres, partisans et conseillers zélateurs – qu’il qualifia ironiquement de requins, comparés à lui-même qui ne serait qu’un simple menu fretin dont ils n’hésiteraient pas, le cas échéant, à faire une bouchée. Mais, il va de soi que cette façon courtisane d’absoudre le Chef pour vilipender son entourage érigé en bouc émissaire facile n’est pas crédible : elle pose in fine le problème de la responsabilité.
Raisons pour lesquelles le sieur Gbégnonvi – puisque c’est de lui qu’il s’agit – déclina rageusement l’offre de nomination du Président. Cette histoire de désistement dans une nomination par média interposé est assez édifiante à la fois sur le mode de fonctionnement du gouvernement actuel et de son chef qui, populisme oblige, accorde une importance sourcilleuse aux médias de masse, utilisés directement comme canal et dispositif de communication officielle d’où le Président se fonde à prendre ses décisions en fonction de communiqués ou de messages émis par tel ou tel personnage de la vie publique. A l’évidence, il s’agit d’un transfert qui trahit la mainmise sur les médias et le fonctionnement autocratique du Docteur Yayi Boni. Imbécile ! A force de concevoir de tous les médias un outil de louange permanent des faits et gestes réels ou imaginaires du chef, à force de stipendier les protestations d’adhésion à son action, pour que les marches et autres manifestations à la spontanéité douteuse qui se déclenchent avec une affolante ubiquité dans le pays nourrissent à longueur de journée les programmes télévisés, comment le gouvernement et surtout son chef, pris dans ce piège narcissique, n’en viendraient-ils pas à prendre pour argent comptant sinon parole officielle ce qui se dit dans les émissions télévisées dédiées à sa gloire ? Imbécile !
Binason Avèkes
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