Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…
Échangeur et Changement : Même combat
Dans sa rhétorique de manipulation à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, l’actuel régime peaufine sa stratégie de construction infrastructurelle. Il jette son dévolu sur ce qui se voit, au détriment de ce qui se vit ou ce qui devrait se vivre par le peuple. C’est ainsi qu’après les villas présidentielles « Merci-Censad, » nous avons droit aux ponts dits supérieurs ; celui de Houéyiho et celui de Steinmetz. Mais le clou du dispositif reste l’échangeur de Godomey. Ce joyau infrastructurel bien nommé est aussi un joujou rhétorique inouï pour le pouvoir qui l’a installé dans son timing à bon escient.
Joujou rhétorique par le nom déjà : « Echangeur, » ce mot n’est-il pas de la même racine que le mantra du régime, à savoir le changement ? Par sa position aérienne n’illustre-t-il pas l’idée naïve d’émergence ? La chose saute aux yeux. Ensuite, vient la dimension temporelle du joujou. La livraison de l’échangeur de Godomey, à la construction duquel nos amis les Chinois – le plus grand peuple émergent de la planète – s’apprêtent à mettre la main à la pâte au sens figuré comme au sens propre, est prévue pour dans 30 mois ! Eh bien ! Regardons un peu le calendrier politique, pour voir en quoi ce joujou rhétorique brille aussi bien dans l’espace que dans le temps. Yayi Boni est monté sur le trône en mars/avril 2006... Il devrait formellement délivrer les Béninois de son règne chaotique en avril 2011 ; et quelques trois mois avant cette date, c’est-à-dire en février 2011, on devrait être en pleine effervescence électorale officiellement en train de mettre les petits plats dans les grands pour accueillir celui que certains ont appelé à tort ou à raison « Le Nouveau Chauffeur... » Or que sont 30 mois comptés à partir d’ici ? Dans trois mois Yayi Boni aura fait trois ans au pouvoir. Il lui restera alors deux ans pour terminer son mandat. Deux ans, c’est-à-dire 24 mois. Au total, il reste 27 mois au Président. Entre les 27 mois à venir et les 30 mois hypothétiques que devrait durer la construction de l’échangeur de Godomey, l’écart est bien mince... Et permet toutes les manipulations... Selon l’objectif médiatique visé le pouvoir peut obtenir la construction avant les élections, mettons en 25 mois au lieu des 30 annoncés. Entre temps, ce léger décalage lui permet de se protéger de toute accusation de manipulation électorale. Le cas échéant, il peut effectivement maintenir le timing actuel, et alors l’échangeur deviendra un peu comme l’appât électoral du peuple béninois : l’illusion conditionnelle vers laquelle il devrait tendre en réélisant Yayi Boni ; ou ce qu’il pourrait perdre s’il s’y refusait... Une façon aussi de mettre le peuple Béninois au pied du mur de l’échangeur pour ne pas dire du changement. « Si vous changez de chauffeur votre voiture ne passera pas sur l’échangeur ! » L’ouvrage sera alors condamné au sort des éléphants blancs, comme il en existe un peu partout en Afrique.
L’échangeur de Godomey est donc la tête de pont d’une guerre rhétorique en perspective.
Cette guerre a déjà commencé. Sans états d’âme, sous nos yeux éberlués et malgré nos ventres affamés, elle sacrifie, ce qui se vit à ce qui se voit. La structure à l’infrastructure. Mais la bataille de Godomey qui se prépare et dont l’enjeu est la réélection de Yayi Boni sera décisive. Par le passé, le Roi Béhanzin, grand maître dans l’art de la rhétorique, avait livré des batailles éclatantes et décisives dans la même zone. C’était alors un combat mémorable entre le bien et le mal. Aujourd’hui, la bataille rhétorique du pouvoir a choisi Godomey pour théâtre. Et, avec une subtilité consommée le pouvoir fourbit ses armes. Hasard de l’histoire ? Ou façon moderne de nous envoyer en l’air sans lendemain ?
Eloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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