Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe Sur...
Théâtre bestial
Il y a tout de même quelque chose d’étonnant au Bénin : c’est le fait qu’à la surface de la réalité sociale totale – interventions, discours, actes et personnages – ont voit s’étaler une variété de médiocres qui forme système. La chose est d’autant plus choquante que ce pays, qui n’est pas qualifié de « quartier latin » pour rien, regorge de représentants qualifiés dans tous les domaines (poétique et pratique.) D’où vient donc ce paradoxe que la médiocrité chez nous supplante l’excellence à la surface du réel social. Est-ce parce que les excellents sont égoïstes et s’estiment autosuffisants ? Est-ce parce qu’ils méprisent la chose publique ? Est-ce par une qualité déplorable du lien social que l’égoïsme des uns et la cupidité bestiale des autres contribuent à dévaloriser ? C’est sans doute un peu de tout cela.
Déjà dans le domaine politique, un gros problème se pose. Depuis 50 ans notre pays reste pauvre, guetté par la misère de masse. Ses structures économiques sont fragiles. Donc les gens qui ont managé tout ça pendant ces décennies devraient reconnaître leur échec ; et disparaître à jamais de la surface de la réalité sociale selon un esprit de sacrifice salutaire. Mais sous prétexte que ceux qui vont se substituer à eux ont des défauts, ou qu’ils auraient enfin trouvé la pierre philosophale, ils refusent de passer la main, ils font de la résistance.
Dans le domaine de la connaissance se trouve un subtil quiproquo. Le Béninois a intériorisé le complexe du quartier latin. Partout et en tout temps, il tend à justifier cette valeur. Mais dans le fond, son rapport à la connaissance n’est même pas livresque mais purement scolaire. Une sorte d’aptitude au copier/coller docile pour se voir affubler de beaux diplômes : CEPE, BREVET, BACCALAUREAT, LICENCE, MAITRISE et, nec plus ultra, le DOCTORAT ! Le théorème implicite à cette manie du diplôme est : « ne regardez pas ce que je fais ou ce que je ferai mais regardez mon diplôme. » Ces parchemins, notamment le doctorat sont de véritables gris-gris sociaux ; loin de se mesurer à une hypothétique effectivité, ils sont surtout acquis pour être affichés, brandis, exhibés, d’une façon objectivement puérile. Le Béninois a la docilité espiègle et le mimétisme suffisant pour réussir tous les diplômes du monde ! Mais en lui, la survivance de la pulsion épistémologique, le souverain Savoir, est sujet à caution.
Tous ces travers conjugués renforcent l’égoïsme idiot, le tchédjinnanbisme qui dévalorise dans notre pays le lien social. Dans un tel contexte règne le cynisme bestial qui fait qu’en se glorifiant au détriment de l’excellence, la médiocrité se naturalise. Avec la complicité de l’égoïsme des excellents qui se replient sur leur excellence ou sont incapables de le propager au peuple, de le partager avec lui. Le jour où nous serions dans une société où la reconnaissance du titre de Docteur, Maître, ou Professeur sera indexée sur les actes concrets a posteriori et socialement efficients de ceux qui aiment à ce réclamer de ces titres, nous verrons que leur nombre fondra comme neige au soleil de la vérité. On pourra alors séparer le bon grain de l’ivraie, les mystificateurs attifés et les acteurs attitrés.
Pour l’instant dans le contexte de notre mentalité sociale acquise, chacun pense : l’Etat c’est moi ; la loi c’est moi, et le cas échéant mes amis ; la prise de parole c’est moi ; la vérité c’est moi, ce n’est pas la vérité en soi mais c’est ma vérité ou celle de mon groupe ; la connaissance ce n’est pas la connaissance en soi mais ma connaissance ou celle de mes amis, de mon clan. On est là à la croisée d’une culture de l’incantation.
C’est par ce mécanisme subtil qui consacre l’anarchie des egos que se met en place le théâtre bestial des médiocres, leur politique c’est-à-dire au sens propre leur prise de pouvoir. Et de fait la chose saute aux yeux dans le domaine politique, qui chez nous conditionne tout le reste.
Eloi Goutchili.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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