II - LE THÈME DE LA RÉCONCILIATION
C'est conscient de cela que nous les organisateurs du Centenaire, descendants de GBEHANZIN, avons décidé de faire de la réconciliation le thème général de réflexion pour le Centenaire.
Et nous partons du principe que tout en étant les héritiers de nos Rois, nous ne sommes pas comptables de leurs actes.
1. La réconciliation avec nos frères Nago à l'Est et au Nord ; et nos frères Watchis à l'Ouest. Mais c'est surtout avec nos frères Nago qu'il y a les problèmes les plus coriaces. Tout le monde sait que chez le Kétois, le Fon est pire qu'un animal sauvage. Et tout le monde connaît également l'expression « Ifonkoda » qui a cours chez nos frères Idatchas. Ce sont autant de séquelles laissées dans la mémoire collective de nos voisins.
Mais on oublie souvent que la tutelle d'Oyo a duré plus de 100 ans sur Abomey qui a dû payer chaque année un lourd tribut constitué de :
41 jeunes hommes et 41 jeunes filles - 41 béliers
41 barils de poudre - 41chèvres
41 ballots de pagne - 41 coqs et
4l paniers de perles de corail - 4l poules.
Une fois même, un prince fut envoyé en otage parmi les jeunes gens (AWISSOU, futur TÉGBÉSSOU).
On oublie aussi, parce que cela remonte loin dans le temps, que la première fois que la Ville d'Abomey fut brûlée, ce fut en 1708 par les gens d'Oyo.
Evidemment l'empire d'Oyo qui était la puissance régionale du Golfe du Bénin au début du XVIIe siècle, n'a pas vu d'un bon œil la naissance et le développement du Royaume du DanxomE sur son flanc Ouest. Il tenta donc de le contrôler sinon de l'étouffer.
C'est cela qui explique fondamentalement que la plupart des guerres du DanxomE furent dirigées contre nos voisins nago ou yoruba de l'Est. Le Danxom£ s'est donc développé et a grandi dans une relation permanente d'opposition à Oyo, jusqu'à le supplanter pratiquement à la fin du XIXe siècle comme première puissance régionale du Golfe du Bénin.
Nous devons donc, entre hommes de bonne volonté et intellectuels honnêtes, organiser des colloques scientifiques pour passer au crible de la critique les relations conflictuelles qui ont existé et perduré entre nos populations. C'est la seule façon de cerner les séquelles néfastes qui ont sédimenté durant des décennies, voir des siècles, dans la mémoire collective de nos populations pour entreprendre de les expurger méthodiquement.
La réconciliation vraie, qui implique la paix des cœurs et des esprits, ne se fera pas par le biais d'accolades publiques hypocrites, pendant que les forces de l'ombre continueront à instrumentaliser nos oppositions ethniques.
La réconciliation se fera dans le cadre d'une démarche citoyenne visant le renforcement de l'unité nationale.
2. La réconciliation au sein de la Famille Royale.
C'est le second volet de notre démarche.
La succession entre les Rois GBEHANZIN et AGOLI-AGBO a été une véritable tragédie. Elle a laissé des séquelles profondes que le temps n'a pas encore effacées.
Le centenaire de la mort de leur père, le Roi GLÈLÈ, dont le thème était l'unité de la Famille Royale, nous a permis de poser le problème de la réconciliation entre les lignées royales d'Abomey en général, et entre les lignées BÉHANZIN et AGOLI-AGBO en particulier. Nous avons fait un premier pas dans cette voie en 1990 sous la direction éclairée du Professeur Maurice AHANHANZO GLÈLÈ, et de Daah Gbêgbémabou MÊLÉ. Mais force est de reconnaître que nous n'avons pas beaucoup progressé depuis 16 ans. Pis, nous avons même régressé, à cause d'incidents malheureux survenus en 1988.
Mais à quelque chose, malheur est bon : Cette expérience infructueuse, nous a permis de mieux apprécier la difficulté de la tâche ; tâche très difficile certes, mais non irréalisable. Nous les héritiers, sommes convaincus que la culture de la haine n'a pas d'avenir, et qu'une mésentente ne peut durer éternellement.
L'exemple de la France et de l'Allemagne peut nous servir de leçon. Grâce à l'intelligence historique et à la volonté politique de deux géants de l'Histoire Contemporaine (j'ai nommé le Général de GAULLE et le Chancelier ADENAUER), ces deux grands Etats européens se sont réconciliés et actuellement le couple franco-allemand sert de socle et de moteur à la construction européenne.
Reprenons notre marche vers la réconciliation en changeant de méthode. Nous proposons l'institution, au sein de la Famille Royale d'Abomey, d'une Commission Vérité et Réconciliation. Ses conclusions nous permettront de commencer à tourner les pages d'un passé de haine pour ouvrir résolument et méthodiquement les portes d'un avenir d'unité et de paix.
III - LA REPENTANCE
Mais la Famille BÉHANZIN propose un deuxième objectif à cette Commission. Elle doit explorer également les voies de la réconciliation avec nos frères de la DIASPORA, descendants des esclavages dont le Royaume de DanxomE a organisé le trafic.
Nous sommes persuadés que la responsabilité première, dans ce commerce honteux, revient à l'Europe. L'écrivain Aimé CÉSAIRE a dit des choses définitives sur cette responsabilité lorsqu'il écrit dans son « Discours sur le Colonialisme » : « le grand drame historique de l'Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c'est au moment où l'Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d'industrie les plus dénués de scrupules que l'Europe s'est « propagée » ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontrée sur notre route et que l'Europe est comptable devant la communauté humaine, du plus haut tas de cadavres de l'histoire ».
Il est évident que les victimes de l'esclavage font partie de cette comptabilité macabre.
Mais nous les héritiers du Royaume du DanxomE, devons reconnaître notre part de responsabilité, si minime soit elle, dans l'esclavage, ce crime contre l'humanité.
Assurons courageusement ce passé de honte pour établir avec nos frères de la DIASPORA, des relations nouvelles. La Commission Vérité et Réconciliation que nous suggérons à la Famille Royale peut nous proposer un calendrier et indiquer les modalités d'une repentance sincère.
Pour terminer, je voudrais renouveler les remerciements de la famille BÉHANZIN au Président Boni YAYI dont l'énergique intervention, le mercredi dernier, a sauvé cette fête.
Je remercie également tous les sponsors. Leur aide a complété celle du Gouvernement et l'apport de la famille pour nous permettre d'organiser cette célébration.
Monsieur le Président de la République,
Honorables Invités,
Chers Parents, chers Amis,
Merci d'être venus, et merci de nous avoir prêté votre attention.
Fait à Abomey, le 10 Décembre 2006. Jean Roger AHOYO,
Le Président de l'ANOC-MG.
B
HOMMAGE AU ROI GBÊHANZIN HÉROS NATIONAL
A suivre...
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