Depuis son émergence comme candidat à la candidature démocrate, puis après sa victoire dans son camp, et jusqu’à aujourd’hui, veille de sa probable élection à la tête de l’Amérique, on nous présente Obama comme un Noir. C’est sans doute une désignation qui est conforme à la représentation du Noir en Amérique, ce pays où comme d’autres dans le Nouveau monde, ont été vendus, traités, maltraités, violés, violentés, exploités, puis opprimés des Noirs venus d’Afrique. Notamment de la Côte des Esclaves dans le Golfe du Bénin. Pendant les années noires de l’oppression des Noirs en Amérique qui allaient culminer à la mort des Martin Luther King et Malcom X, entre les exactions d’un Ku Klux Klan à l’antinégrisme délirant et les légitimes réactions des Black Panthers, le racisme anti-Noir était devenu pointilleux. Et tout se désignait négativement par rapport au blanc, selon le principe du one drop rule. En dehors des cas spécifiques (Indiens ou Asiatiques), il suffisait d’avoir une seule goutte de sang Noir dans ses veines pour être considéré, désigné, puis traité, c’est-à-dire maltraité comme un Noir en Amérique : ghetto, discrimination, chômage, lynchage, misère, prison, peine de mort, étaient le lot commun de tous ces gens magiquement désignés Noirs.
La désignation est magique en ce qu’elle ne fait pas dans la dentelle et a une fonction expresse, celle de l’oppression, de la discrimination et de l’affirmation de la suprématie du Blanc en Amérique, suprématie voulue et bénie par Dieu. La culpabilité du traitement infligé aux Noirs dans les siècles passés, sa réification, et son rabaissement au rang de pur et simple bestiau ajoute à cette fonction et attise les haines du présent. La société américaine est clivée et a besoin de ce clivage Noir/Blanc qui structure de part en part son identité, son affectivité et sa sensibilité politique. Pendant longtemps, et jusqu’à très récemment, ce qui se vivra en Afrique du Sud sous le nom d’apartheid n’aura été qu’une promenade de santé comparé à la rigueur du climat anti-noir des Etats-Unis. Ce climat invivable pour les Noirs a donné lieu à une lutte farouche pour les droits civiques qui porte aujourd’hui le nom de Martin Luther King, prix Nobel de la paix. Mais cette lutte aussi fut celle d’un Malcom X que l’on oublie trop souvent, parce que l’occident chrétien oppresseur a le chic de choisir ses contradicteurs et préfère la rondeur poétique d'un pasteur chrétien, charismatique partisan de la non-violence à la spontanéité réactive d'un musulman, rebelle et radical dont la colère ne faisait que traduire en direct et sans masque la souffrance infligée à sa race.
Or la même raison qui fait mettre Malcom X dans l’ombre et Martin Luther King au jour de la reconnaissance est celle qui préside à la désignation de Barack Obama comme Noir aujourd’hui : la dénégation du réel. Dans sa psyché profonde le Blanc déteste le Noir. L’Occident chrétien s’est désigné comme Blanc, et les autres sont Non-blancs. Notamment l’Afrique est représentée comme Noire. C’est-à-dire le contraire de l’Occident. Les Blancs représentent le pôle du paradis, de la pureté, de la vie, de la jouissance, du sujet, du bonheur, etc...tandis que les Noirs eux – c’est écrit – représentent le pôle de l’enfer, de le la saleté, de la mort, de l’objet, de la souffrance, de la passion, du malheur, etc...
C’est cela la base archétypique et symbolique du racisme, qui devient social, économique et politique. Cette structuration clivée des représentations explique tout : l’enfance du Noir, son retard, son animalité, son esclavage nécessaire, sa domination par le Blanc, sa réification, sa colonisation, sa néo-colonisation, le mépris et la haine que le Blanc lui voue passionnément. Dès lors comment entrer en rapport avec quelque chose qui est défini comme son contraire ? Lorsque et parce que les circonstances l’obligent, comment le Blanc peut-il interférer avec le Noir ?
Eh bien en faisant appel au métis. Le métis joue donc la fonction d’intermédiaire entre deux mondes clivés. Mais pour qu’il joue ce rôle, il faut le nier, et ce pour deux raisons. Il faut nier la mise en danger du clivage que représente le métis, sa négation positive. Mais il faut aussi nier la négation du Noir, le fait qu’on a du mal à entrer en rapport avec lui. Car en disant que Barack Obama est un Noir, en faisant semblant de ne pas voir qu’il est métis, on met dans l’ombre le noir lui-même. Dans le marchandage territoriale et identitaire entre les entités clivées, on dit jusqu’où on ne peut pas aller plus loin, on impartit sa limite. Pour nous, semble-t-on dire, on ne peut pas supporter plus Noir que Barack Obama ; le Noir ce n’est pas Senghor, ce n’est pas Aimé Césaire, ce n’est pas Frantz Fanon, ce n’est pas Jessy Jackson, non, c’est Obama ou rien ! Or on sait très bien que la mère de Obama est blanche ; on sait qu’il a été élevé par celle-ci et ses propres parents blancs en Amérique ; on sait qu’il y a grandi et mûri. Donc génétiquement, sociologiquement et culturellement, Obama est ¾ blanc. Et pourtant ont dit qu’il est Noir, et ça marche !
Voilà l’exemple même d’un consensus frauduleux fonctionnel. Le drame c’est que les Noirs, qu’ils soient d’Afrique ou d’ailleurs ont pris à leur compte ce consensus frauduleux que les Blancs ont conçu pour eux, et à des fins qui leurs conviennent. Sommes-nous obligés de répéter leurs conneries ? N’avons-nous pas de mot idoine pour désigner un homme comme Obama ? Ou le piège sémantique que nous tend le Blanc flatte-t-il mieux notre fierté longtemps bafouée ? Notre aveuglement à donner dans le panneau n’augure-t-il pas le cas échéant d’amères frustrations ? Non, Obama n’est pas Noir. Demandez à un des vôtres, Senghor, comment le désigner et le poète vous dira : Obama est un métis, c’est-à-dire un homme.
Binason Avèkes.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
les bouddhistes disent qu'il faut toujours partir de la réalité sans quoi on finit inévitablement par se fourvoyer.
les médias continuent d'affirmer que mr obama est noir pour, implicitement,dire:"voyez, on n'est pas racistes la preuve c'est qu'on accepte qu'un noir soit président des états-unis".ils essaient d'en tirer un bénéfice!dire de mr obama qu'il est un métis et cela sans détours ne présente aucun avantage pour eux.d'un autre coté,il y a des noirs qui ne veulent pas entendre parler de métis car l'occasion est trop belle et il faut en profiter,comme disait quelqu'un:"une tentative du vol de la victoire". bien à vous
Rédigé par : KAMENI | 23 janvier 2009 à 13:17
une analyse très juste que tous les extrémistes blancs ou noirs devraient lire et méditer du fait de leur ignorance.l'élection de mr obama les renvoit à leurs querelles ancestrales et les met dos à dos!
je suis moi meme métis blanc/noir et j'ai vécu en afrique et en europe et,j'ai connu le rejet des deux cotés.
Rédigé par : KAMENI | 23 janvier 2009 à 12:45
Merci pour ces paroles qui tranchent avec la cécité ambiante
Au plaisir
Rédigé par : Djé | 06 novembre 2008 à 13:06