Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur...
La Grimace de notre Échec
Depuis l’avènement en 2006 de ce qu’on appelle changement au Bénin le forum est devenu un rituel de gouvernance. Il a une place de choix dans les mœurs gouvernementales et sociales. Méthode d’auscultation des problèmes de société et de la vie socioéconomique du pays, il tient à la fois d’une manie publique et d’une compulsion politique. Le gouvernement, la classe politique et les partenaires sociaux vivent dans un véritable culte du forum. Chaque parcelle de réalité sociale, politique et économique, chaque domaine d’activité, chaque corps socioéconomique a eu, a ou aura son forum. Le forum devient le remède à tous nos maux, la panacée universelle, la baguette magique susceptible de transformer l’airain de nos maux en l’or d’une solution réelle. Or tout le monde connaît le sort classique qui est réservé au forum. Avant sa tenue, on le projette, on fixe une date, on s’enthousiasme, le gouvernement et les parties prenantes s’extasient sur l’importance capitale de l’événement. Tout le monde fait comme si le monde après forum ne sera plus le même qu’avant, comme s’il suffisait de faire forum pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. L’évènement génère comme toujours ses braves, ses pontes, ses experts et ses dévots qui le temps du talkshow font leur beurre médiatique et politique dans le vase clos du forum. Le forum lui-même se révèle un bel exercice d’accouchement autoritaire. Le plus souvent sous couvert de dialogue, d’échange de communication et de discussions ouverts, le gouvernement ou les tenants du forum font passer en contrebande le noyau dur de leur desideratum enrobé dans la chair narcissique des promotions personnelles et des opportunismes de tout poil. Le forum, comme chacun sait se conclut en recommandations d’experts et de spécialistes du sujet sur lequel il s’est tenu, sorte de résumé de ce qu’il faut faire pour changer la face du secteur concerné. Il paraît d’ailleurs qu’en la matière, les idées, suggestions, plans, rapports et recommanda-tions issus des divers forums initiés au Bénin ne manquent pas de qualité, et certains sont même repris mutatis mutandis par nos voisins, confrontés aux mêmes problèmes que nous. Puis après le forum, les recommandations sont bien vite rangées au placard, oubliées. Elles vont prendre place sur une pile d’autres recommandations qui les ont précédées en vain. Les promoteurs du forum s’égayent dans la nature sociale. Le temps passe sur l’événement comme il passe sur toute chose. Et on s’aperçoit que la montagne de promesses, de messes et de kermesses a tout simplement accouché d’une souris. Le gouvernement, lui, passe sans états d’âme d’un forum à l’autre comme une noria, ivre du faux rhume des forums. Mais en toute chose l’abus est nuisible. L’art de tirer des plans sur la comète, la culture du bavardage sur nos problèmes, ne peut remplacer le travail de résolution de nos problèmes. Les vaticinations sur les méthodes et les plans sans lendemain ne peuvent occulter le déficit de moyens ou de volonté. Au mieux, il s’agit d’une fuite en avant ; au pire on est dans l'attitude cynique du « cause toujours, tu m’intéresses. »
Depuis avril 2006, le fleuve des forums sous lequel se noie l'espérance du peuple est en crue. Jusqu'ici hélas, cette crue, si elle n'a causé aucun dégâts, n'a encore fertilisé aucune terre ferme. Le culte des forums, encouragé par le gouvernement peut signifier que le dialogue autour de nos problèmes communs est valorisé mais dans ce cas, pourquoi ne semble-t-on pas considérer que le Parlement est le premier des forums ?
La manie des forums qui s’installe dans nos mœurs politiques et sociales sous couvert d’ouverture et de rationalité apparaîtrait alors comme l’ultime grimace de notre échec...
Eloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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