Corruption à tous les Etages
Transparency International a publié mardi dernier son Indice de Perception de la Corruption (Ipc) 2008. D’où il ressort que les tendances de fond demeurent, en même temps qu’apparaissent des changements singuliers ou des évolutions inattendues. En effet, la persistance d’un niveau élevé de corruption dans les pays pauvres conduit à une situation humanitaire désastreuse. De même nombre de pays classés parmi les plus riches sont affectés par un nombre important de scandales mettant en cause les entreprises et des hauts responsables de l’Etat. Les mauvaises performances de certains pays industrialisés indiquent que les mécanismes de contrôle ne sont pas non plus infaillibles dans les pays riches. Les pays africains ne brillent pas par leur position dans le classement. Le premier pays africain est le Botswana avec la 36ème place, suivi par le Cap vert, 47ème, l’Afrique du sud 54ème. En dehors de ces pays qui obtiennent une note sur 10 supérieure ou égale à 5, les autres pays du continent se situent plus souvent au bas du classement. Le dernier pays du classement étant la Somalie.
Le Bénin occupe la 96ème place avec la notre de 3,1/10. Cette note et ce rang ne sont pas brillants. Surtout dans le contexte de ce qui devrait être un changement d’époque et de mœurs aussi bien dans la gouvernance à tous les niveaux que dans nos pratiques socioéconomiques. Mais il faut rappeler qu’en 2007, le Bénin occupait la 118ème place avec la note de 2,7/10. Il ne s’agit certes pas d’un sursaut spectaculaire dans le domaine de la lutte contre la corruption, mais notre pays a amélioré sa note de 15% et cela mérite d’être souligné. Toutefois, eu égard à l’immensité de l’effort à accomplir pour réduire le fléau de la corruption au Bénin, et compte tenu de l’espoir suscité par le discours d’expertise et de rigueur prôné par le « Docteur » Yayi Boni et le régime du changement, cette amélioration reste symbolique et passablement décevante.
L’article ci-dessous, paru en 2006 avant le changement de régime, est une satire contre le fléau de la corruption ; et au vu du score du Bénin dans le palmarès 2008 de Transparency International, il n’a hélas pas perdu de son actualité.
Binason Avèkes
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Avant la fin de la prochaine décennie, cinquante ans après Neil Armstrong et Buzz Aldrin, des astronautes de la Nasa fouleront à nouveau le sol lunaire. Parmi eux, il se murmure qu’il pourrait bien y avoir un ou deux Africains, dont – astronomique précision de la rumeur, – un Béninois...
Mais laissons les astres à leur céleste solitude et revenons un peu sur terre, car la NASA dont il sera question dans ces lignes n’a rien à voir avec la célèbre agence américaine. Il s’agit plutôt de l’acronyme de la Néfaste Alliance des Spoliateurs et Aigrefins. Depuis quarante ans, elle a plongé le peuple dans la misère, par son activité essentielle : la spoliation.
Cette NASA d’un autre genre soulage sans scrupule le peuple de ses ressources vitales. Avec ses fusées, elle expédie le fruit de ses rapines vers des galaxies sécurisées. Pendant ce temps, dans l’insécurité totale, le pays se meurt. L’unité nationale, mise à mal, fait place à la résignation ou à l’égoïsme. Comme dans la jungle, ce vide profite aux charognards.
Le Programme Spatial de la NASA possède au moins deux volets sombres. D’une part, avec l’idée que l’on fait la politique pour s’enrichir ou l’on peut s’enrichir en faisant de la politique, s’instaure un ethos viral. Cet ethos annihile l’action et dissout la capacité de se projeter, d’imaginer, de construire le Bénin. Le sous-développement est tenu alors pour une fatalité et le manque d’ambition une intelligence. Comment pouvons-nous utiliser notre intelligence collective si son utilité s’oppose à l’éthique de la classe qui s’est naturalisée dirigeante ?
Le deuxième volet sombre du Programme Spatial de la NASA est la banalisation du crime de spoliation. Comme une fusée, cette banalisation a plusieurs étages. Il y a le niveau logique où la spoliation apparaît au mieux comme une cause lointaine des souffrances du peuple. Il y a les justifications culturelles du détournement auquel on assigne une fonction de redistribution. Il y a enfin sa normalisation anthropologique. Au sens où E. Durkheim disait que le crime est une chose normale dans toute société. Oui la spoliation pose la question de la norme. Ainsi, pour apaiser ce qui leur tient lieu de conscience, nos subtils cosmonautes aiment noyer le poisson en accréditant l’idée que tous les pays sont égaux devant le fléau. Mais pour le dire avec un brin d’humour anglais, il va de soi que certains peuples sont plus égaux que d’autres sous ce funeste rapport. Ailleurs la spoliation fait sourire, ici elle fait mourir ; ailleurs elle est cosmétique, ici elle est cosmique. Chez nous le pillage de deniers publics est un fait culturel qui touche le cœur de la nation ; ses fins sont personnelles ; un échange de bons procédés y garantit l’impunité dans un contexte d’assujettissement du pouvoir judiciaire par le politique.
Les conséquences de ces deux volets sont terribles. D’un côté, le sentiment national se dissout et les bonnes volontés se disloquent – atmosphère propice à la réalisation du Programme Spatial de la NASA – et de l’autre côté, la nuit perfide des souffrances sans nom s’étend sur le peuple : ignorance, dénuement, insécurité, vie chère, maladies, mort précoce, bref ce qu’on appelle pudiquement sous-développement.
Avec les échéances électorales qui se profilent, mue par son instinct de survie, la NASA s’active, et fait feu de tout gaz, même des plus hilarants. Pour étourdir le peuple, elle n’hésite pas ces jours-ci, après de longues années de vœux pieux et de silence édifiant, à sacrifier un ou deux boucs émissaires, menus fretins, queue fugitive de la comète du mal. Aveu sidéral de complicité, recherche posthume de brevet de bonne volonté, gesticulation crépusculaire. Car, tout feu tout flamme, notre NASA nationale peaufine son programme spatial ; de quoi asphyxier le peuple sous des trombes de gaz, le prendre au lasso de sa crédulité, et le saigner ensuite sans merci, comme elle le fait depuis des décennies.
Dans un article intitulé « Pour une Commission Vérité », nous avons récemment suggéré qu’il appartenait au peuple de se déterminer. Au-delà des gesticulations, il est de son devoir d’exiger un plan sérieux d’éradication de la spoliation. Un tel plan passe par l’instauration d’une Commission Vérité et Remboursement. Tout candidat crédible doit inscrire cette exigence en bonne place dans son programme. Tout candidat qui y déroge est à l’évidence un sous-marin de la NASA.
Par Binason Avèkes,
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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