Dix Remarques sur Une Source de Nuisance Potentielle.
Un Sida Mental-Portable se prépare en Afrique. Mais comme toujours, personne n’y songe. On est plutôt dans la dure logique du « ventre affamé n’a point d’oreille ».
Quelques remarques s’imposent.
1. Le téléphone portable est hautement dangereux. Plusieurs études récentes mettent en évidence la possibilité d'un risque d'effet sanitaire lié à l’utilisation d'un mobile. Une étude internationale de grande ampleur, menée dans 13 pays sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), est actuellement en cours. Une vingtaine de scientifiques, essentiellement des cancérologues, viennent de lancer un appel à la prudence dans leur utilisation.
Ce danger est d’autant plus grave qu’il est euphémisé ou dénié par les lobbies du portable.
2. Aidés en cela par une publicité parfaitement raciste (mais tolérée puisqu’il s’agit de Noirs), on a conçu de cet outil en Afrique un usage frénétique, placé sous le signe de l’exacerbation de la culture orale, si ce n’est celle de l’adoption naturelle ar les Africains d’un objet qui fait échos aux dispositions infantiles que leur attribuent généreusement les Blancs.
3. Pour les dirigeants africains – et le Bénin en est un exemple – le téléphone portable est d’abord et avant tout un objet générateur de marché, de travail, de revenus et de richesse. Suivant le fort penchant mimétique qui caractérise l’éthos du Béninois, pour un si petit pays ce n’est pas un, mais quatre fournisseurs de téléphone portable qui sont agrées. Quatre empoisonneurs potentiels accueillis à bras ouverts avec une facilité de faire qu’on aurait voulu voir s’attacher à d’autres secteurs de l’économie mais qui hélas font défaut. Mais il est vrai que le marché du téléphone portable est un marché juteux.
4. Le téléphone portable est un besoin largement artificiel ; puisqu’on est passé, et on passe allègrement de l’utilité ponctuelle ou en cas de crise qui lui sied (accidents, sécurité, imprévus, urgences, isolement) à un usage de tous les instants, un mode de bavardage non-stop dans une forme de dénégation de la distance physique à la fois paradoxale et ludique.
5. En Afrique noire, suite à un déficit historique dans l'usage de l'écriture, l’oralité est revendiquée et encensée comme culture, mode de transmission de la mémoire, manière d’être et tempérament. Mais si elle a des avantages indéniables, cette valorisation de l'oralité ne saurait cacher ses faiblesses encore moins les avantages de l'écrit. Ecrire c’est représenter, analyser, conserver avec exactitude. Le manque d’écriture a un effet désastreux sur la mémoire africaine, sa conservation systématique et rigoureuse ainsi que sa transmission. L’écriture permet une distance analytique, une capacité de calculer, une habileté algébrique que n’a pas la parole. Or s’il n’y a pas de gène de l’oralité, il semble que l’instinct et la culture de l’oralité en Afrique ont un poids trop lourd, une prégnance trop agissante… Cette prégnance de la culture de l’oralité se révèle dans le dévolu que les Africains ont jeté sur les médias audiovisuels qui font appel à l'immédiat et l'émotion au détriment des médias écrits qui permettent le recul de l’analyse et un exercice de la réflexion. Parmi ces médias, l’un des plus en vogue, le téléphone portable est d'un usage qui s’est imposé à l’échelle globale. En Afrique, il a tôt fait de pallier à la carence des infrastructures d’Etat en matière de télécommunication. Très vite, il a été accessible à un nombre considérable de gens de toutes conditions, surtout dans les centres urbains. Cette appropriation et l’engouement qui le caractérise sont révélateurs de la prépondérance de la culture de l’oralité en Afrique. Mais si le téléphone portable est un outil de communication pratique, il reste que, à l’instar de la domination moderne des médias audiovisuels, son développement au détriment des média écrits n’est pas la chose la mieux indiquée pour un continent où le déficit en réflexion est d’abord et avant tout un déficit en écriture.
6. On a vu comment le fléau du sida s’est installé. Parmi les hypothèses qui expliquent l’apparition du virus, il y a l’hypothèse du soupçon ; une hypothèse pas seulement délirante qui veut que ce soit une invention de l’Occident à usage expérimental et qui est devenue une arme de régulation démographique aux conséquences imprévisibles et incontrôlables. Quoi qu’il en soit, très vite les pays riches, ont mis au point des médicaments pour se tirer d’affaire, pour corriger la part dans laquelle ce fléau peut affecter leur sécurité et leur santé. Aujourd’hui, pour eux contrôler et soigner le sida est une banalité. En revanche, dans les pays pauvres du globe, un autre euphémisme pour désigner l’Afrique, le sida se propage et constitue un grand danger démographique et social. Le sida est devenu une maladie de pauvres à laquelle on associe facilement l’image de l’Afrique ; parce que, en effet, ses conditions sociales et économiques exposent l’Afrique aux effets de cette pandémie et l’y rendent plus vulnérable qu’ailleurs, alors même qu’elle n’a pas les moyens de se soigner. Comme le soutenait le Président Thabo Mbeki, une grande part de cette vulnérabilité est la conséquence de la vulnérabilité récurrente de l’Afrique : vulnérabilité historique, sociale, morale, économique, mentale, intellectuelle. Cette façon que l’Afrique a, parce que pauvre ou appauvrie, d’être à la merci de toutes les entreprises d’exploitation, de manipulation, et de possession des tenants du monde en général, et de l’Occident en particulier. Mais en dépit de cette vulnérabilité, la responsabilité de l’Afrique et des Africains est engagée.
7. Comme pour le sida, le téléphone portable dont l’usage imprudent se généralise en Afrique avec la bénédiction de ses dirigeants et dans la frénésie infantile et ludique des Africains eux-mêmes, est gros d’un fléau terrible aux conséquences potentiellement dramatiques. Ce fléau touche le cerveau.
Historiquement, les Blancs, nos exploiteurs séculaires, nous ont toujours taxés de « race non-intelligente » au cerveau réduit, eh bien avec le téléphone portable, ils ont trouvé l’arme idoine pour nous le ramollir d’avantage, si ce n’est l’encroûter dans la réduction sans appel... de Dieu qui, comme pour le sida, sera aux abonnés absents... Et nous serons seuls face à nos responsabilités.
Pop corn et Portable : ça chauffe !
8. Pour les scientifiques à l'origine de l’appel mentionné parmi lesquels figurent, outre des médecins français, un Italien, un Néerlandais et un Américain, le mode d'utilisation des portables doit s'articuler autour de dix règles. Parmi elles:
- Ne pas autoriser les enfants de moins de 12 ans à utiliser un téléphone portable sauf en cas d’urgence
- Maintenir le téléphone à plus d'un mètre du corps lors des communications en utilisant le mode haut-parleur ou un kit mains libres ou une oreillette
- Eviter le plus possible de porter un téléphone mobile sur soi, même en veille.
- Communiquer plutôt par SMS
- Eviter d'utiliser le portable lorsque la force du signal est faible ou lors de déplacements rapides en voiture ou en train.
- Si on porte le téléphone, s'assurer que la «clavier» est dirigée vers le corps et la face «antenne» vers l'extérieur.
- Utiliser son portable pour «établir le contact. Rappeler d'un poste fixe à fil.
- En utilisation, changer régulièrement le portable d'oreille, attendre que l'interlocuteur ait décroché.
- Choisir un téléphone avec un DAS, débit d'absorption spécifique, le plus bas possible.
Or en Afrique l’observance de ces règles est sujette à caution.
9. Et la situation est d’autant plus grave que ce sont les enfants, l’avenir de l’Afrique, qui sont les plus vulnérables à la catastrophe qui se prépare... Depuis plusieurs années, nombre d'experts à travers le monde mettent en garde contre un usage immodéré par les enfants: leur système nerveux, en cours de développement, pourrait être plus sensible aux rayonnements. Au Bénin, comme en Afrique, contrairement à ce qui se passe dans les pays développés, les associations qui plaident la cause de la santé des gens ne sont pas légions ou restent inaudibles, face à l’évidence des données économiques et sociales en jeu.
10. D’une manière générale, que ce soit la question soulevée par les nuisances du mobile ou nos choix et habitudes qui sont à l'origine de multiples pollutions dans nos villes, – hélas souvent plus dans l'intérêt des autres que du nôtre – le problème qui se pose est bien celui de notre rapport à l’environnement et de notre conscience d'autonomie. Est-ce que le fait d’être pauvres nous contraint à subir les nuisances environnementales de la modernité ? Peut-on être pauvre et avoir de la conscience ou des idées ? Ne sommes-nous pas capables de résister aux modes de vie qui hypothèquent notre destin ? Quel sens donnons-nous à la notion de « développement durable » ? Ne pouvons-nous pas choisir des modes de vie plus sains ? Enfin de compte, la faim justifie-t-elle tous les moyens ?
Un sida mental-portable nous guette si nous ne prenons pas le temps de méditer ces remarques.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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