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Binason Avèkes : Monsieur le Président, merci de votre réception et d’accepter de consacrer un peu de votre temps précieux à répondre à nos questions. Les élections locales et municipales viennent de prendre fin ; au vu des résultats, la FCBE a marqué son territoire et montré son envergure nationale, pour autant démographiquement parlant, nous sommes loin d’une domination sans partage. Que vous inspire cette contre-performance relative ? Est-elle délibérée, comme signe de paix ou sonne-t-elle le glas de la volonté d’hégémonie de la mouvance ? Dans ce contexte, on parle d’ouverture, quel sens donnez-vous à ce mot ?
Je vous remercie de l’occasion que vous me donnez de m’adresser à nos compatriotes, Béninoises et Béninois, du Bénin et du monde entier. Comme vous l’avez dit, les élections ont pris fin. Mes premiers mots sont de remercier notre Dieu d’avoir autorisé la tenue du scrutin. Grâce soit rendue à Dieu Tout-Puissant, il n’y a pas eu de heurts majeurs, et tout s’est passé dans la concorde. Je rends hommage à la Cena, à son Président et à tous ses démembrements pour le grand travail qu’ils ont abattu. Je ne saurais oublier les efforts du gouvernement, notamment du Ministre des Finances et de l’économie, du Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, et du Ministre de la Défense pour leur contribution à l’organisation de ces élections. Mes remerciements vont également à toutes nos institutions, à la Société Civile, et aux médias pour leur vigilance, et leur participation active. Je remercie aussi les partis politiques dans leur diversité et leurs chefs qui ont chacun joué leur partition en toute responsabilité. Enfin, mes remerciements vont à nos partenaires au développement, aux pays frères et amis, à la Société civile Africaine, ainsi qu’à l’organisation Internationale de la Francophonie pour leur implication dans la surveillance des opérations et le bon déroulement de ces élections. Que le Seigneur Tout-Puissant les bénisse pour leurs aides et les efforts qu’ils ont consentis en faveur de notre cher pays, le Bénin.
Les résultats des élections sont connus de tous. Et chaque groupe politique sait maintenant à quoi s’en tenir. Les partis politiques qui soutiennent l’action de mon gouvernement, au premier rang desquels la FCBE, ont réalisé un bon score. Ils ont confirmé leur ancrage local et leur envergure nationale. La mobilisation a été au rendez-vous. Je tiens à saluer leur combattivité, leur courage et leur succès. Grâce à eux, l’action du changement peut bénéficier d’un soutien large et d’un relai effectif dans nos villes et villages, dans nos régions et dans les localités les plus reculées de notre pays. Mais le changement a besoin du soutien le plus large possible. Les Béninois et les Béninois de bonne volonté qui veulent le Changement sont les bienvenus. Nous devons travailler ensemble la main dans la main, pour la sauvegarde de ce qui est le plus essentiel à savoir : la préservation de la paix et de la cohésion sociale et la lutte pour le développement harmonieux de toutes les régions du Bénin.
Certes, il s’agit avant tout d’un scrutin local. Mais le besoin de changement est fort dans notre pays. Et, comme je l’ai dit, nous devons travailler ensemble la main dans la main pour faire avancer notre pays, le Bénin que nous aimons tous. C’est dans cet esprit que je tends la main généreuse et sincère aux hommes et femmes de bonne volonté, épris de paix pour qu’ensemble nous avancions vers l’émergence promis. Si c’est ça que vous appelez ouverture alors, je dis oui à l’ouverture, les yeux fermés, oui pour l’émergence et le Changement...
Paulette AGBÉDRANFO : On a dramatisé l’affaire du vol de cartes électorales, au point que la Fcbe a menacé même de ne pas se présenter aux élections, ce qui le cas échéant serait une première en Afrique ; si la lutte contre la fraude est louable est-ce que le gouvernement ne devrait pas balayer devant sa porte en faisant des réformes dignes de ce nom, notamment en réalisant la lépi ?
Oui, nous le constatons tous, la fraude électorale est une réalité. Sans faire de commentaires sur une affaire qui est dans la main de la justice, je tiens à préciser que mon plus grand souhait est de travailler à réduire la fraude, et à rendre négligeable ce facteur dans les résultats de nos élections. Cela fait partie de la lutte contre la corruption engagée par mon gouvernement. Comme je l’ai déjà dit, notre démocratie, c’est vrai, est un voyage. Et nous devons en améliorer le parcours au fur et à mesure. Où en sommes-nous aujourd’hui, pourquoi devons nous soumettre notre peuple à des difficultés lorsqu’il s’agit de choisir nos dirigeants ? Je suis mû par cette volonté de faire en sorte que la volonté du peuple soit fidèlement transcrite.
Voilà ce qui me préoccupe. C’est pourquoi je prends l’engagement au nom du peuple de tout faire pour engager des réformes politiques dans notre pays, des réformes électorales, des réformes institutionnelles afin que véritablement à chaque fois qu’il y a élection et que le peuple décide de choisir ses dirigeants, il puisse le faire dans l’esprit de joie et dans la bénédiction de Dieu, Tout-Puissant. Parmi ces réformes, il y a bien sûr la Lépi, mais aussi le décret d’application de la loi portant statut de l’opposition, et bien d’autres réformes nécessaires à la consolidation de notre démocratie, et à la bonne gouvernance au Bénin.
B. A. Un bref retour sur les tensions récentes entre le G4 et le gouvernement et notamment vous-même. Que retenez-vous de ces tensions ? Qu’entendez-vous faire pour les réduire ?
La démocratie c’est comme un voyage. Parfois il arrive qu’on traverse des zones de turbulence ; nous devons serrer les coudes et nous comprendre car nous sommes dans le même bateau et nous allons vers la même destination. Des messages ont été lancés par nos alliés. Le ton a été parfois très critique des deux côtés. De graves accusations ont été lancées concernant le respect de la démocratie et des libertés publiques. Dans une démocratie, on a le droit de critiquer le gouvernement. Mais si la critique est possible, comme c’est le cas actuellement, qu’on ne vienne pas nous dire qu’elle porte sur la liberté d’expression. Ce serait une contradiction. Toute une ville ne peut rire à l’unissons dit-on, mais je ne peux rester insensibles aux préoccupations exprimées. Je suis à l’écoute, j’ai entendu et je ne vais pas rester inerte. Le changement a besoin de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté. Mais le peuple ne veut pas d’un faux changement. C’est dans cet esprit que j’ai initié des démarches visant à mettre tout le monde autour de la même table. Le Médiateur de la République a été impliqué. Il a travaillé d’arrache-pied à un rapport qui a été soumis à mon attention. Et je peux vous assurer que dans la mesure où les propositions de ce rapport conviennent aux uns et aux autres, je n’hésiterai pas à les faires miennes. Pour le reste, la démocratie a besoin de débat et de contradiction, il n’y a là rien que de très sain.
P. A. Les résultats des élections locales montrent que si les Béninois sont pour le changement, rien n’a encore concrètement changé dans leur vie quotidienne ; ou lorsque « ça change », ce n’est pas dans le sens qu’ils souhaitent : la vie chère, les délestages, l’insécurité, la politique, le sentiment de deux poids deux mesures dans la lutte contre la corruption, bref, le doute s’installe dans certains esprits. Monsieur le Président pouvez-vous assurer nos concitoyens que « ça va changer » ?
Nous avons hérité, je dois le rappeler, d’une situation économique et financière pour le moins catastrophique, caractérisée par : la baisse tendancielle depuis plusieurs années, du taux de croissance du produit intérieur brut, qui est descendu en dessous de 3% en 2005 et une plus grande paupérisation ; l’aggravation du déficit des finances publiques et l’accumulation d’importants arriérés de paiement du Trésor Public, traduisant des difficultés réelles de trésorerie de l’Etat ; la désorganisation de la filière cotonnière, dont la production a chuté de près de 75 % en tombant sous la barre des 200.000 tonnes au cours de la campagne 2005-2006 ; des dysfonctionnements au niveau des secteurs de l’énergie, de l’eau et des télécommunications, incapables de répondre convenablement aux besoins des populations et des entreprises, obérant ainsi la compétitivité de l’économie nationale ; etc.
Très vite avec énergie et détermination, mon gouvernement a travaillé à rétablir les grands équilibres. En effet, le taux de croissance est passé de 2,9% en 2005 à 5,3% en 2007 ; il devrait avoisiner 7% en 2008, soit un peu plus du double du taux enregistré en 2005. Cette évolution favorable est due notamment aux efforts d’assainissement du cadre macroéconomique et des finances publiques, à l’expansion des investissements publics. Elle s’explique également par la reprise des activités du secteur privé, grâce au climat de confiance qui s’installe certes lentement, mais sûrement.
L’effort du gouvernement a été ciblé pour soulager les plus nécessiteux. Et tout un train de mesures d’ordre social a été pris. C’est ainsi qu’a été décidée la gratuité des soins de santé pour les tout petits. De même la gratuité de l’enseignement maternel et primaire participe de ce train de mesures. Alors qu’en 2005, la part du budget consacrée à l’éducation était de 16 %, elle a été portée en 2006 à 20%. Cette année, j’ai décidé de la porter à 30 % et j’ambitionne d’atteindre 35 voire 40 % dans les toutes prochaines années. Dans ce cadre, mon Gouvernement a procédé à un recrutement massif de plus de 4.000 nouveaux enseignants, et a également pris des mesures incitatives allant dans le sens de l’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants. C’est ainsi que l’augmentation de 7% de la valeur du point indiciaire accordée aux travailleurs profite déjà aux enseignants. La seconde visite médicale gratuite est un acquis avec un contenu plus substantiel que la première. De même, la prime spécifique des enseignants est passée de 8000 francs à 10.000 FCFA cette année. Mon gouvernement a initié un vaste programme spécial de micro-crédit aux plus pauvres dont le but est de réduire la pauvreté dans notre pays et offrir à nos compatriotes les conditions d’une vie décente. Au total, 10 milliards de FCFA ont été distribués à plus de 250 000 femmes et hommes qui ont mené des activités génératrices de revenus. ..
Voilà sommairement évoquées les grandes lignes de l'action du gouvernement en vue d'apporter à nos populations un mieux-être effectif, et ancrer notre pays sur la voie de l'émergence. Certes tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant. Tout ne peut être réglé en deux ans. Notamment les problèmes d’ordre structurel comme le déficit énergétique à la résorption duquel mon gouvernement travaille d’arrache-pied. Et puis il y a bien sûr le problème de la flambée des prix. Même s’il s’agit d’un phénomène mondial lié à la conjoncture difficile que nous traversons, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Et mon gouvernement a pris des mesures d’urgence pour atténuer les effets de la flambée des prix, les maîtriser et soulager nos populations. Donc en dépit des difficultés conjoncturelles et des résistances structurelles, le Changement est sur la bonne voie. Et je voudrais rassurer les uns et les autres : ça change, ça va changer encore. Puisse le Seigneur Tout Puissant nous assister pour que grâce aux efforts de chacune et de chacun le changement puisse se confirmer dans l’intérêt de tous.
B. A. Concernant la bonne marche de nos institutions, revenons, Monsieur le Président, si vous le permettez, sur quelques points de friction dont le G13 et le G4 se sont fait l’écho. Il est question de l’immixtion du religieux dans les affaires de l’Etat, et les rumeurs vont bon train sur la supposée influence d'individus et de groupes proches des milieux évangélistes, agissant au nom de la société civile ou en votre propre nom. Ces faits, selon l’opposition, constituent une grave atteinte à la laïcité ; que répondez-vous à ces allégations ?
Depuis toujours, le Bénin, notre cher pays est un modèle de diversité et de tolérance religieuses. Dieu Merci, chez nous, toutes les religions peuvent s’exprimer librement, dès lors qu’elles existent dans le cadre de la loi et que leur pratique s’y conforme rigoureusement. L’état béninois est laïc. Mais laïcité ne veut pas dire athéisme ou contre les religions. Au contraire, comme tous ce qui peut bénéficier à nos concitoyens et à notre pays, et dans la mesure où leur existence est conforme à la constitution, toutes les religions sont considérées sur le même pied d’égalité. C’est ça la vraie laïcité ! Alors on parle des évangélistes, de groupes d’influence ou d’individus qui agiraient en mon nom ou au nom de la société civile. Vous savez, mes collaborateurs, des hommes et des femmes formidables qui font bien leur métier en toute sérénité ont une âme comme tout le monde ; et ils ont le droit d’avoir une religion, de louer Dieu qui nous a tous crées, musulmans, chrétiens, évangélistes, christianistes célestes, etc. A tort ou à raison, la critique de certains groupes religieux ou de certaines religions a toujours marqué l’histoire de l’humanité, et plus particulièrement en politique. Certains sont exclus ou ont même été persécutés par le passé en raison de leur croyance. De fait, la politique concerne la vie de la cité. Et la cité modèle est la cité de Dieu. Les élites des nations, tous les hommes politiques de premier plan, quels qu’ils soient sont des ouvriers de Dieu. En ces années agitées de guerre et de terrorisme, des Etats-Unis aux Philippines en passant par le Bénin, la critique des évangélistes est à la mode. Dans les rouages de l’état, et à son sommet, on voit partout la main invisible des évangélistes. Bientôt tout le Bénin sera évangéliste ! Je crois qu’il ne faut rien exagérer. Il faut raison garder. Je ne choisis pas mes collaborateurs en fonction de leur foi, mais je les choisis en fonction de leur compétence, et de leur bonne foi. En tant que Chef de l’état, je le dis solennellement : je suis le garant de la laïcité, et sous ma gouvernance aucune confusion ne saurait être tolérée entre les légitimes croyances des personnes et le bon fonctionnement de l’état de droit. Vous pouvez me croire, cela ne fera pas de vous un évangéliste !
P. A. Votre style est taxé de populiste par vos détracteurs. Et ceci dans tous les domaines de votre action. Ainsi dans la lutte anticorruption, l’opposition critique votre approche qu’elle qualifie d’incantatoire ; maintes voix du milieu socio-éducatif ont en leur temps relevé le caractère précipité des décisions ayant trait à la gratuité de l’enseignement de base, ou des soins de santé aux tout petits. Dans le domaine du sport, votre passion soudaine pour le foot, au détour de la CAN 2008, sans l’affirmation d’une politique sportive globale sereinement conçue, en dehors de son impact patriotique, a fait long feu. Sans parler de la mise en scène publique de votre foi religieuse, de la vision messianique de votre action et de votre personne instillée par une certaine propagande qui n’hésite pas à vous comparer à Dieu. Que répondez-vous à ce train de critiques, Monsieur le Président ?
J’ai choisi, pour concrétiser ma volonté de Changement et pour bien ancrer les actions de mon Gouvernement, d’adopter une démarche pragmatique d’écoute et de dialogue, une démarche de terrain. Quand on travaille pour le peuple, quand on veille à l’amélioration de sa condition de vie, les gens parlent de populisme ! C’est devenu la rengaine de l’opposition, qui est dans son rôle. Mais depuis des décennies c’est sans doute les populistes qui nous ont manqué pour servir le peuple et non pas se servir. Bien sûr, je ne rejette pas toutes ces critiques d’un revers de main. Je reconnais que le désir de soulager au plus vite les maux dont souffre notre peuple a pu nous conduire à tel ou tel moment à prendre certaines décisions dans l’urgence. Mais mon opinion est que quand il y a le feu on ne perd pas le temps à discuter si c’est avec l’eau de la rivière ou l’eau du marigot qu’il faut l’éteindre. Je crois qu’il faut l’éteindre et discuter après. C’est cette conviction qui m’a toujours animé, mais je prends au sérieux les critiques de ceux qui parlent de précipitation. Même s’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ; du reste, se précipiter pour rendre les soins de santé gratuits n’a jamais fait du mal aux parents et aux enfants... Dans le domaine du sport, ma passion pour le football n’est pas soudaine. Renseignez-vous, j’ai toujours aimé le foot. Et c’est vrai qu’une compétition comme la CAN se prépare de longue haleine. Lorsque la situation s’est présentée, je me suis engagé personnellement ; j’ai voulu en tant que chef de l’Etat être présent aux côtés de nos joueurs qui portent nos couleurs. Le football béninois, comme le sport en général a encore un long chemin devant lui pour s’imposer, mais il faut se préparer, jeter les bases d’une organisation, travailler sans relâche. C’est cette conviction qui m’anime. Je ne néglige aucun sport bien sûr, et d’une manière générale, tout ce qui touche à la culture que ce soit du corps ou de l’esprit est bon pour notre jeunesse, et bon pour le pays. La culture est le fer de lance du changement. Nous serons cultivés ou nous ne serons pas. Alors si servir le peuple et non se servir, être à son contact, à son écoute, c’est ça que certains appellent populisme, alors je l’assume pleinement et sans état d’âme...
B. A. Quel sens donnez-vous à une nouvelle alliance politique, purement électorale ou tactique ?
Afin de mettre tous les Béninoises et tous les Béninois au travail dans la paix, nous avons opté pour un gouvernement de large union. Dans ces conditions notre alliance n’est ni électorale, ni tactique. Le mot alliance est galvaudé de nos jours. A ses origines, ce mot est noble, il signifie paix, concorde et amour. Au Bénin, sous ma gouvernance, j’ai l’intention de revenir aux sources, et donner au mot alliance ses lettres de noblesse...
P. A. Tous les analystes et observateurs politiques, la presse en premier, soulignent à l’envi votre souci de réélection pour 2011, souci qui selon eux surdéterminent votre action. A votre avis est-ce qu’une telle focalisation est moralement saine ?
Vous savez, en toutes choses, il faut séparer l’action des commentaires. Certains sujets sont pertinents, et il y a des gens qui par passion ou par profession s’en occupent. Bien sûr, on n’hésite pas à tirer des plans sur la comète. A mon sens, la focalisation dont vous parlez, ce sont les médias et les commentateurs qui se focalisent, et ils sont d’ailleurs dans leur rôle. Mais moi je suis dans l’action, et je n’ai pas le temps de faire des commentaires...
B. A. Monsieur le Président, parlons un peu des libertés : liberté de presse et liberté syndicale. A en croire certains, jamais, les libertés n'ont été aussi menacées dans notre pays. Des arguments et des faits sont cités à l’appui de cette affirmation. Pour la presse, on parle d’ingérence, de monopolisation ou de bâillonnement ; quant à la liberté syndicale l’opposition estime que le mépris, la force ou le harcèlement se substituent au dialogue. Entre le miel de vos amis et le fiel de vos ennemis, pouvez-vous éclairer notre lanterne ?
J’ai devant mes yeux là un article écrit par un écrivain Béninois, et qui n’est pas évangéliste à ce que je sache. Et voilà ce que dit cet écrivain bien de chez nous sur la question des libertés, je cite : « Or il n’échappe à personne que le Bénin n’est pas sous régime dictatorial. Il n’échappe non plus à personne que jusqu’en 2006 l’autorité de l’Etat a été laminée au profit d’intérêts à obédience individuelle et corporatiste et que l’une des premières tâches qui incombe à un gouvernement qui prend le relais après une démission aussi patente est la restauration de cette autorité. S’essayer à présenter l’affirmation de l’autorité de l’Etat comme antinomique de la démocratie relève d’un jeu politicien dont il faut relever qu’il comporte le danger de désorienter la jeunesse qui a besoin de voir à l’œuvre des modèles de direction qui impriment des comportements responsables et bénéfiques à l’intérêt commun. Dans une démocratie à suffrage universel comme celui du Bénin, il y a certes le risque qu’un gouvernement qui exerce le pouvoir de la majorité dérive vers le pouvoir d’une personne. Mais les institutions, les lois, le pluralisme permettent, s’ils jouent leur rôle de contrer le glissement vers cette zone grise ou rouge entre les pouvoirs personnels et le pouvoir démocratique. Si l’on veut bien admettre que les coalitions étaient alors en train de jouer leurs partitions légitimes dans la préservation des acquis démocratiques, le devoir de mémoire nous fait déplorer cependant qu’elles aient omis de le faire à une époque, sous le régime précédent où il y avait des raisons patentes à exercer ce devoir. Car d’avoir gardé le silence à cette époque où leur rôle institutionnel commandait l’expression de la désapprobation peut faire douter de la sincérité des positions qu’ils prétendent défendre aujourd’hui. Cela dit, il faut réaffirmer que la démocratie n’exclut pas l’affirmation de l’autorité de l’Etat. On l’aura compris, dire que la démocratie n’exclut pas l’affirmation de l’autorité de l’Etat constitue une litote. Car plus que cela, la démocratie exige l’autorité de l’état. Et de tous les régimes de gouvernement c’est celui qui légitime le mieux l’exercice sans concession de l’autorité étatique. »
Alors après une telle plaidoirie, que dire ? Assurément, les artistes, les créateurs et les écrivains sont des gardiens de la liberté ... Entre cette pensée et mon opinion sur la question, il n’y a pas l’épaisseur d’un papier à cigarette : tout le reste n’est que fumée...
P. A. Monsieur le Président, vous avez prévu une croissance économique réelle de 6% dès 2006 puis 7% et 8% en 2007 et 2008 et qui atteindrait ensuite 9 à 10% à partir de 2009. Pensez-vous toujours pouvoir atteindre les objectifs phares de votre programme avant la fin de votre mandat : notamment, faire du Bénin une puissance agricole africaine à l’horizon 2010, et obtenir une croissance réelle à deux chiffres à partir de 2010 ?
Sous l’impulsion de mon gouvernement, le taux de croissance est passé de 2,9% en 2005 à 5,3% en 2007 ; il devrait avoisiner 7% cette année, soit exactement ce que nous avons prévu. Les défis qui nous restent à relever sont nombreux. Les ambitions que j’ai pour notre pays, sont, d’une part, de consolider et, d’autre part, de mettre en place les fondements d’une économie émergente dans un horizon de cinq ans. Et en effet, nous maintenons la volonté de faire du Bénin une puissance agricole, moderne et dynamique, compétitive et respectueuse de l’environnement, créatrice de richesses. Grâce à la maîtrise de l’eau, à la mécanisation, à l’amélioration du cadre institutionnel, financier et juridique et aux innovations technologiques. C’est pour cela que le Gouvernement a entrepris d’accélérer les réformes structurelles, en fixant à cet égard un calendrier pour la réalisation de la réforme des entreprises publiques. Au nombre de ces réformes, on peut citer notamment : • la réforme du Port Autonome de Cotonou à travers la poursuite de la réhabilitation des infrastructures portuaires, le renforcement de la capacité d’accueil du Port, la restructuration de ses services, la restauration de sa compétitivité et sa mise en concession ; • la réflexion sur la réforme globale du secteur coton ; une politique de diversification agricole en vue d’une autonomie aussi bien dans la production que dans la transformation agroalimentaire. • l’installation le 02 mars 2007 de l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications qui a déjà procédé à la mise aux normes de tous les opérateurs et à l’élaboration des textes réglementaires devant régir le secteur ; • l’assainissement de la Société Béninoise d’Energie Electrique et la réforme du secteur de l’énergie ; • la mise en place du Conseil Présidentiel de l’Investissement (CPI) pour susciter l’investissement, qui s’est réuni deux fois au cours de cette année, en février et en décembre.
L’homme propose et Dieu dispose, dit-on mais nous allons réussir, grâce aux efforts de chacun et de chacune, grâce au travail de tous les Béninois : paysans, artisans, commerçants, employés, cadres, éducateurs, enseignants, forces de sécurité, hommes et femmes d’affaire, créateur de richesse : le Changement a besoin de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté. Nous sommes sur la bonne voie. Nous tenons le cap, je peux vous l’assurer !
Par Binason Avèkes & Paulette AGBÉDRANFO
NDLR : Comme son nom l'indique, "L'Imaginaire Interview" est une fiction. Aucune reproduction, ou publication hors site, de ce texte n'est autorisée ; seuls les liens ou renvois vers Babilown sont possibles. Prochainement, seront publiées les "Imaginaire Interview" de Me Adrien Hougbédji, M. Bruno Amoussou, M Kolawolé Idji, et de l'Hon. Saka Saley. © Babilown
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
Le pouvoir personnel
Le caractère excessivement personnel du pouvoir démocratique au Bénin est tellement englobant que le courage intellectuel et politique de le penser comme un problème de société et de tenter de le résoudre semble manquer aux acteurs publics. Nul ne peut ignorer que le charisme personnel de l'homme politique est indispensable surtout en cet âge de construction médiatique des personnalités publiques. Et dans une société comme la nôtre où presque tout se joue primordialement sur la force du réseau social, il ne faut guère s'attendre à ce que la question du pouvoir personnel soit articulée ici comme dans une autre culture démocratique. Mais comme on a pu le constater encore, lors des dernières élections communales et locales, les politiciens béninois ne posent pas leurs candidatures et ne battent pas la campagne électorale sur la base de projets de société. Pire, de clubs électoraux autour de certaines personnalités politiques qu'ils ont toujours été, les partis politiques sont fragilisés et émiettés maintenant plus que jamais. Et quand on ajoute à tout cela cette utilisation systématisée des fibres ethniques au nom de laquelle les ministres et directeurs de sociétés publiques sont des agents politiques de l'Exécutif dans chacune de leur région de provenance, alors tous les excès sont à craindre.
A cet effet, l'expérience du régime actuel est particulièrement instructive. Elu à une majorité historique, sans un appareil politique réel, le président Boni Yayi apprend à ses dépens que son pouvoir personnel ne va pas loin. Avec les résultats des dernières élections communales et locales, des commentateurs de la vie politique appellent à la constitution d'un gouvernement plus élargi. Alors, les faiblesses de l'appareil exécutif actuel issu d'une coalition hétérogène de soutiens, ne feront que s'aggraver si le G13 et même le G4 font leur entrée au gouvernement. Car, d'un côté comme de l'autre, ce ne sont pas les personnes de valeur qui manquent, même si elles ne suffisent pas. Ce qui manque le plus, c'est une organisation politique solide, un système de pensée politique cohérent et une structuration de valeurs démocratiques. La démocratie béninoise ne peut plus se contenter de pouvoirs personnels. ça doit changer.
Abbé André S. Quenum
Rédigé par : Père Nicaise Zohou | 13 mai 2008 à 12:50