Du côté de la Gendarmerie
Feuilleton littéraire par :
Thomas C. Nouatin
Au sortir de notre domicile, si vous choisissez d’aller à droite en direction de l’ouest, tournant ainsi dos à Adogblamè et ses mystères, vous passez devant l’étalage de ma mère, presqu’à hauteur du poteau électrique de la SDEE*. Jusqu’à ma dixième année, Dame initiée y exposait quotidiennement des articles manufacturés de consommation courante et l’incontournable Gari*. Si vous continuez plus loin dans cette direction vous respirez au passage les mille parfums émanant de la maison des fruits greffés avant de laisser sur votre gauche la maison de la famille de Petit Obel, cette demeure où l’on faisait de la fête de Noël, une véritable féerie. Elle est contiguë à la maison de Maman Sourou, la rebouteuse. Tout le quartier courait après Maman Sourou pour remettre en état les membres endoloris. Quelques mètres plus loin, après avoir monté trois ou quatre marches et poussé le lourd battant vous entrez dans la maison de El-Hadj Kabar. J’y allais plutôt de temps à autre que souvent rendre visite à mon ami Janot. Une cour immense dont l’étendue et le nombre de dépendances locatives vous laissent pantois pendant que de toutes les directions accourent des bêtes dont les aboiements faisaient flageoler mes jambes, les empêchant d’obéir à l’injonction de tout mon être : une retraite instantanée et fulgurante vers le portail. Souvent, Janot, venait me tirer de ma mauvaise posture. C’était un garçon de constitution malingre et au caractère calme, le visage arborant en permanence un sourire, presque un rire qui ouvrait sur l’interstice laissée par une incisive manquante. Il arrivait à la rescousse en courant, donnait de la voix et battait des mains pour disperser la meute menaçante qui me clouait sur place. Souvent, par les après-midi de chaleur torride, à l’heure où les oiseaux descendaient prendre le frais parmi les buissons à l’ombre des arbres, nous sortions pour
pénétrer dans une enceinte déserte, elle aussi propriété d’El-Hadj Kabar et située presque en face de sa demeure, de l’autre côté de la rue. Les jeunes hommes de la maison avaient désherbé l’aire centrale pour s’y adonner à des parties endiablées de football. Une étendue sablonneuse, du sable gris teinté d’humus, vestige du champ cultivé que fut naguère ce terrain. A la périphérie, subsistaient une végétation de chiendents et d’épineux et quelques arbres derrière lesquels nous nous cachions pour suivre les évolutions gracieuses des tourterelles, rêvassant de les voir bientôt rôtir sur la braise. Mais ces oiseaux malicieux et méfiants, comme avertis par un sens mystérieux, picoraient tout autour sans jamais déclencher les pièges que nous avions camouflés sous le sable. En outre, plus d’une fois, un raclement de gorge, une toux intempestive, un mouvement involontaire m’échappaient, stoppant l’avancée fatale d’un oiseau vers une zone piégée, provoquant son envol immédiat. Et je me demandais si au fond de moi, je n’éprouvais pas une répulsion à l’idée de voir un de ces oiseaux se débattre entre les griffes métalliques du traquenard. Des volontés contraires me tiraillaient sans doute. C’était si distrayant d’observer les déplacements vifs et gracieux des tourterelles, de les voir s’élever très haut au-dessus des grands arbres, puis planer majestueusement dans le ciel ensoleillé. Peut-être me disais-je, Janot, caché derrière un buisson à mes côtés éprouvait le même tiraillement sans l’avouer. Au bout de quelques heures, lassés d’être nargués par les bestioles en plumes et peut-être secrètement soulagés par notre insuccès, nous sortions dans la rue nous asseoir sur des maçonneries faisant usage de banc, érigées le long de la demeure d’El-Hadj Kabar, à l’ombre des avancées de toits. Là, nous rejoignaient d’autres enfants du quartier et nous devisions en regardant les passants qui arpentaient la rue dans les deux sens.
C’était cette rue de la gendarmerie qu’empruntait la marchande ambulante de Manyin-Manyin*. Sur les coups de 15 heures, elle s’annonçait avec son appel lançé d’une voie fine et perçante « Manyin-Manyin Ekpo ! Manyin-Manyin Eledé* ». L’on pouvait déjà l’entendre dès qu’elle se trouvait tout en haut de la rue à hauteur de la station d’essence Agip. Sollicitée d’une maison à l’autre, ses délicats beignets de haricots farcis aux crevettes, transpirant l’huile de palme dans leur robe de feuille de bananier passée à la vapeur, faisaient le bonheur de tous, grands et petits. Peu après passait la vendeuse d’Adovlo* avec son cri débité d’un ton plus bas « Adovlonnon wa djéï ». A moins d’y dépenser une petite fortune l’on ne pouvait prétendre assouvir sa faim avec la précieuse purée de haricot ointe d’huile de coco. Il fallait la saupoudrer de Gari ou l’accompagner d’une portion de pain de manioc à cause de la parcimonie des quantités dispensées. C’était aussi par là que venait GboDjromi, l’homme-orchestre. Tout le long de son trajet qui devait le mener jusqu’au grand marché, il s’arrêtait devant chaque étalage ou chaque échoppe, chantant et exécutant des pas de danse ponctués de sauts acrobatiques. Les gamins applaudissaient en hurlant de concert : « Encore ! Gbodjromi, Oh Gbodjromi ô Houa ! Encore !» A cette exhortation, l’homme orchestre s’élançait en l’air, tournoyait sur lui-même et atterrissait sur ses pieds, faisant gicler le sable tout autour. Sa démonstration achevée, Il apostrophait la marchande en chantant :
Edjro ma non gbè bo koué…..Yé mlon wa mon
nan mè, Gari non wè wa mon nan mi, Adjo
Félélélé
Entendez : « Elle voudrait que je meure vivant. Elle voudrait que je sois un mort-vivant, la vendeuse de Gari veut que je sois un mort-vivant. L’on ne fait point ça à un humain. C’est la vendeuse de Gari qui veut faire ça de moi, Adjo Félélélé… »
Dénouant son Adjakin*, la vendeuse en extirpait une pièce de monnaie qu’elle donnait à Gbojromi. Il se répandait en une bénédiction chantante puis reprenait sa route, fonçant en direction d’Adogblamè, escorté par la ribambelle.
Peu après le passage de Gbodjromi arrivait le vieil homme avec des lunettes noires, coiffé d’un Gobi*, s’appuyant d’une main sur une canne et tenant de l’autre le bras du jeune garçon qui le guidait par toute la ville. Le duo s’arrêtait devant chaque étalage et l’homme ânonnait d’une voix éplorée et cependant pleine de dignité : « Min mon ndé mi bo na mi ma du toli djéwé utu » (« Si vous avez un petit quelque chose, faites m’en don au nom de Dieu afin que je le mange »)
Ma mère ne restait jamais sourde à cet appel. Dame initiée découpait un rectangle de papier, en faisait un cornet dans lequel elle versait deux ou trois poignées de Gari, refermait le récipient de fortune et le tendait au jeune guide. Il l’enfouissait dans une besace en toile de jute qu’il portait suspendu à l’épaule et le duo reprenait sa marche en direction du prochain étalage.
C’était aussi de ce côté que nous venait à Noël la troupe de kaletas* la plus talentueuse de la ville. Une demi-douzaine de garçons doués, pleins d’entregents au nombre desquels figurait Heniri, qui deviendra vers l’âge de huit ans un condisciple de l’école Saint-Joseph. D’aussi loin que les autres troupes de Kaletas reconnaissaient le grondement caractéristique de leur musique, elles se pressaient de terminer la séquence de danse en cours, sollicitaient la récompense auprès de la marchande et se dépêchaient de quitter les lieux avant d’être pris à partie par les moqueries des tambours bavards de la troupe de Heniri.
Car aussitôt qu’Heniri et les siens apercevaient à l’horizon la moindre troupe concurrente, automatiquement leur rythme changeait et leurs batteurs se mettaient à exécuter un refrain bien à eux : « Yé ma gnon nou dé ho, Gadagoudou wê yé non ho *» (« Que savent-ils jouer, que savent-ils donc jouer ! Rien que de la cacophonie… ».) Honte à la troupe qui se faisait surprendre en action par eux. Le volume et la maîtrise de leur rythme subjuguaient les spectateurs, paralysaient pour ainsi dire les batteurs adverses, forçant leurs tambours au silence, faisait immédiatement d’eux des spectateurs penauds qui attendaient là, tenant à bout de bras leurs instruments devenus désormais encombrants.
Et je retrouvais un autre Heniri que celui que je côtoyais sur les bancs de l’école Saint-Joseph. Ce garçon qui à l’école, bégayait, s’enfermait dans un silence timide, aux prises avec des difficultés d’assimilation des enseignements de Maître Evariste, se muait en un chef d’orchestre sûr de lui, donnait de la voie avec une énergie gouailleuse pour stimuler ses compagnons, déroulait sur son tambour Sacla* des sons envoûtants qui faisaient virevolter le petit bonhomme masqué au milieu du cercle des spectateurs dont le nombre s’accroissait à un rythme effréné.
Deux ou trois fois, dans les environs du grand marché la bande d’Heniri avait mis en déroute la troupe de mes compagnons. Et je voyais Heniri qui me regardait du coin de l’œil avec un sourire ironique et l’air de dire « C’est toi la vedette lors des compositions de Maître Evariste. Voilà, maintenant, ici, au milieu de cette assemblée, à côté de moi, tu es un nul » Et de ses mains, il haussait la voix de son sacla « Yé ma gnon nou dé ho, Gadagoudou wê yé non ho *»
Mais c’était avant tout l’un des itinéraires favoris des gendarmes qui cherchaient à joindre les quartiers des marchés en coupant court par Adogblamè. Un groupe de ses hommes en uniforme avaient par un concours de circonstances mémorable, institué l’habitude de descendre recevoir la bénédiction presque quotidienne de ma grand-mère. Ils arrivaient souvent par groupe de cinq à sept, bien davantage certains jours. Mais le grand Benseni était toujours en tête de la cohorte, dominant de sa haute stature ses compagnons tel le fétiche du culte gounouko* au milieu de sa troupe. Lorsqu’ils étaient à hauteur de la station Agip, l’on pouvait déjà les identifier à la silhouette longiligne de Benseni. Mais souvent, bien avant de les apercevoir, leur arrivée nous était déjà annoncée par un cycliste qui les avait dépassés plus haut dans la rue, presque au niveau de la route goudronnée qui passait devant la gendarmerie. « Ils arrivent ! » lançait-il en klaxonnant tout le long de son passage.
Du plus loin que nous les enfants nous les apercevions, nous courions annoncer à la ronde: « Ils arrivent ». Lorsqu’ils parvenaient à hauteur de la maison d’El-Hadj Kabar, nous pouvions entendre les jurons dont il ponctuait ses admonestations à l’endroit des cyclistes qui frôlaient de trop près sa petite troupe ou roulaient un peu trop vite à son goût. « Andouilles, Souangni* » tonnait Benseni. Aussitôt une fièvre s’emparait de la maisonnée. C’était un branle-bas pour mettre de l’ordre. Un coup de balai par-ci, un coup de râteau par-là. Une course pour ramasser un tas d’ordures qui traînait dans la cour. Un rush pour vider l’eau sale d’une bassine qui rameutait des nuées de mouches et moustiques. Ma grand-mère à cette annonce appelait les apprentis à la rescousse pour sortir les fauteuils en bambou et les disposer à l’ombre du manguier. Pendant que nous nous affairions ainsi, du dehors nous parvenait la voix de Benseni lançant à la ronde aux quelques personnes qui étaient dans les environs : « Gaarda-vous ! ». Cette injonction qui pouvait bien s’entendre jusque sur les quais de la gare, figeait les plus jeunes sur place. Nous entendions les voix des grandes personnes qui répondaient par un « Salut Commandant » mi-craintif, mi-amusé. Le battant du portail s’ouvrait livrant passage d’abord au grand Benseni. La démesure de sa taille m’impressionnait. Et je crois qu’elle n’impressionnait pas seulement les enfants. Sa stature en imposait à tous, petits et grands. Aujourd’hui encore, la vue d’un être ou d’une chose très haute fait resurgir dans ma mémoire la silhouette de Benseni. Il se pliait presque en deux pour franchir le seuil du portail. Puis il rentrait l’une après l’autre ses jambes qui n’en finissaient pas de s’allonger hors de sa culotte kaki. Dès qu’il se redressait, il lançait un bonjour de tonnerre, jetait un regard circulaire dans toute la maison, inspectant chaque coin et recoin. Parfois un vélo appuyé contre un mur retenait son attention :
- A qui est ce vélo ? tonnait-il en pointant du doigt la bicyclette
Une demi-douzaine de regards présents dans la cour se tournait vers le vélo pour constater que l’engin était effectivement dénué d’éclairage.
L’engin appartenait le plus souvent à un visiteur. Généralement une relation d’un de mes jeunes oncles. L’homme ainsi interpellé sortait d’où qu’il était, s’avançait embarrassé, presque craintif devant Benseni :
- Ainsi vous roulez sans phare dans la ville. Lui lançait Benseni.
L’homme bredouillait quelques mots d’explication que Benseni interrompait d’une voix péremptoire:
- Gaaaarda-vous ! Nous emportons le vélo à la fourrière !
- Commandant, je ne roule pas la nuit balbutiait l’homme
- Tu ne roules pas la nuit ! Pourquoi ne roules-tu pas la nuit ! Es-tu un homme ou un bébé encore sur les genoux de ses mères, pour prétendre ne pas rouler la nuit ? Ou as-tu peur des Zangbeto* ou des Oro* ?
L’homme ne répondait pas.
- Tu vas te faire shooter comme un ballon par un camion, une de ces nuits et après les tiens diront que c’est tel de tes oncles ou tel rival qui t’a planté un mauvais sort. Bon ! je ferme les yeux cette fois-ci mais gare à toi! Nous gardons les yeux sur toi. Où que nous te rencontrions la prochaine fois avec un vélo sans phare, c’est la fourrière d’office. Et je te fais enfermer, garde cela en tête.
L’homme remerciait en inclinant le buste.
- Entendu commandant.
- Rooooompez-les rangs, tonnait Benseni.
L’homme tournait les talons, s’emparait immédiatement de son engin, le traînait jusqu’au portail, l’enfourchait et filait sans demander son reste. La prochaine fois qu’il réapparaissait dans notre maison, si jamais il réapparaissait, son vélo arborait une lampe flambant neuve.
Ma grand-mère, sortait sur le pas de sa porte. Benseni, suivi de ses hommes marchait rapidement à sa rencontre et s’inclinait devant elle:
- Emawolè*, travailleurs d’Ogou*. Que Dieu vous assiste, bénissait ma grand-mère. Comment vont les vôtres ?
Les salutations d’usage échangées, les hommes s’installaient sur les fauteuils à l’ombre du manguier.
Un silence inaccoutumé s’installait dans la maison. Les voix se faisaient plus basses, presque murmurées. Ma grand-mère ressortait de sa dépendance avec de petits verres et une bouteille enrobée de raphia tressé, avec un goulot serti d’un collier de cauris.
Elle distribuait les verres à la ronde, s’asseyait, et d’une voix basse, presque un murmure récitait en langue Nago à Benseni et sa troupe la bénédiction qu’ils étaient venus chercher auprès d’elle.
« E ma lo, E ma dé, Eri o ni fo è ! Inoun ko ni houn è !,……. Onan ebin kpa ko ni riè layé layé… »
(« Vous irez, vous reviendrez ! La tête ne vous fera point mal, le ventre ne vous fera point mal, Vous n’emprunterez jamais la route affamée…, »)
Sa bénédiction achevée, elle devisait un moment avec les gendarmes avant de se retirer dans sa dépendance. Les soldats continuaient leurs libations en conversant à voix retenue. Au fur et à mesure que la liqueur les échauffait, leurs voix montaient crescendo. Leurs discussions prenaient un ton passionné. Parfois un éclat de voix de Benseni nous faisait sursauter mais le ton baissait rapidement car la proximité de ma gand-mère commandait une certaine retenue à petits et grands fussent-ils commandants de l’armée mondiale.
Dès que Benseni commençait à remercier ma grand-mère pour son accueil, nous courions discrètement annoncer aux gens à l’extérieur de la maison : « Il arrive ». Le message colporté de bouches à oreilles circulait le long de la rue jusqu’à la station d’essence Agip, provoquant de nouveau une fièvre de remise en ordre chez les riverains. Telle vendeuse s’empressait de recouvrir les articles en vente de toile cirée, telle autre de reculer de quelques mètres son étalage qui rognait un peu trop sur la voie publique. Peu après, les longues enjambées de Benseni attaquaient la rue. Je le suivais des yeux jusqu’à ce que sa troupe et lui parvinssent au loin, presque au bout de la rue, à hauteur de la maison de la vendeuse de « lio* ». Ils accordaient quelques secondes d’attention aux deux demoiselles à la peau de lune qui prenaient le frais au seuil de la maison en face, leur lançant probablement des mots galants dont seuls les hommes en uniforme avaient le secret disait alors mon oncle Robert. Puis Ils faisaient un crochet à droite, s’arrêtaient un petit moment devant l’étalage de la vendeuse d’arachide grillée pour goûter quelques poignées de graines encore fumantes toutes saupoudrées de cendre chaude. Finalement, ils obliquaient à gauche et disparaissaient à mes yeux, happés par un petit raccourci qui sinuait derrière la station Agip. Je les voyais en imagination, traverser l’aire de la station Mobile Oil qui jouxtait Agip, verbalisant au passage pour la forme quelques automobilistes arrêtés devant les distributeurs d’essence, avant de monter d’un pas autoritaire sur la route goudronnée, martelant le macadam de leurs bottes, immobilisant du coup la circulation. En quelques enjambées ils s’engouffraient dans l’immense enceinte de la Gendarmerie Nationale non sans avoir reçu les saluts de déférence des gardes postés à la guérite. Et mon imagination volait vers cette enceinte que nul dans toute la ville n’évoquait sans un sentiment de crainte et je me disais :
« Tunde, dépêche-toi de grandir afin de recevoir de Dame initiée l’autorisation de franchir enfin la limite de la route goudronnée pour voir ce qui se passe entre les murs de la redoutable maison des gendarmes. » Souvent pendant que ma curiosité anticipait ainsi sur le présent, la vue d’une silhouette féminine au loin, tenant à bout de bras un petit seau, avec en équilibre sur la tête une grosse timbale, ramenait mon imagination à des réalités bien plus douces. Car peu après le départ des gendarmes, arrivait de ce côté ma tante Mayissè, la sœur cadette de mon père, reconnaissable à son physique tout en longueur, une réplique presque conforme de celui de ma grand-mère. Venant de l’orée de la ville où elle habitait avec sa famille, elle faisait une pause devant notre maison, nous octroyant à nous les enfants quelques portions de ce nectar qu’elle vendait à travers toute la ville, la délicieuse bouillie de tapioca relevée au lait concentré Nestlé. Elle faisait dégouliner une louchée peut-être une et demie, guère plus, dans le petit bol que chacun de nous tendait avidement. Une perle de lait versée directement de la boîte cylindrique venait auréoler la bouillie de tapioca. De son index droit, Tante Mayissè stoppait la coulée du lait, léchait le petit filet resté sur son doigt et passait au bol suivant. Bien après son passage sur les coups de 17 h, l’arôme des feuilles de laurier et de clous de girofle qui agrémentaient ce breuvage divin continuait de chatouiller mon odorat, comme un prélude aux saveurs du soir.
Thomas C. Nouatin
SDEE : Société Dahoméenne d’électricité et d’eau
Gari : Farine de manioc, aliment très prisé
Adovlo : Purée de haricot
Adjakin : Bourse en tissu que les femmes attachent comme une ceinture
Kaletas : Festival qui a lieu en fin d’année. Des troupes d’enfants parcourent la ville en faisant danser un personnage masqué
Sacla : Percussion de 20 à 30 cm de diamètre faite d’une couronne d’argile cuite recouverte de peau
Gobi : Chapeau d’apparat
Souangni : Beignet de blé.
Gounouko : Culte dont le fétiche a comme représentation une forme cylindrique de plusieurs mètres de haut
Zangbeto : Fétiche de la société secrète du même nom sortant la nuit. Le Zangbeto est le gardien de la nuit
Oro : Fétiche de la société secrète du même nom pouvant sortir de jour comme de nuit
Emawolè : Bienvenue en langue Yorouba
Ogou : Divinité des métaux, des forgerons, des armées
Lio : Pâte à base de farine de mais fermentée
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
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