Coût des élections : Au-delà des "Plus" et des "Moins"
«Consultations Électorales d’Avril Prochain
Moins de 8 milliards pour organiser les communales »
Tel est le titre qu’on pouvait lire dans les journaux, au sujet de l’interminable feuilleton des élections communales cette semaine. Ainsi annoncé le tribut à la Démocratie reçoit l’onction d’un euphémisme arithmétique qui allège son poids spécifique et du même coup psychologique. Mais en quoi le chiffre 8 constitue-t-il ici un seuil psychologique pertinent ? se demande le néophyte. Et ne trouvant pas réponse à sa question, il reste à la fois intrigué et sur sa faim. Mais plus loin, dans les lignes introduites par ce titre sibyllin, il peut lire : « la
Commission nationale Autonome a adopté son projet de budget qui s’élève à un peu moins de huit milliards de francs CFA, soit exactement 7 milliards 319 millions de francs Cfa. » Or cette précision ne fait que raviver son étonnement et sa curiosité, surtout s’il a la particularité de n’avoir pas jeté aux oubliettes certaines notions mathématiques. En effet, les règles de détermination des valeurs approchées d’un nombre font partie des notions de base de l’arithmétique. En l’occurrence ici, le montant du budget des élections en milliards, correspond au nombre décimal 7,319. Son arrondi à l’unité est 7, pour la simple raison que la partie décimale est inférieure à 0,5. Règle bien connue des collégiens, et à plus forte raison d’un journaliste. Certes, malgré son usage standard, l'arrondi n'est pas la seule valeur approchée d'un nombre. Il y a aussi les valeurs approchées par défaut ou par excès. Et la question du coup prend un ton à la fois épistémologique et éthique : pourquoi avoir privilégié ici une valeur par excès que l'on prendra un plaisir rhétorique à diminuer au lieu tout naturellement de prendre une valeur approchée par défaut, qu'il faudra alors augmenter ? Donc en toute honnêteté arithmétique, le titre de l’annonce, pour autant qu’elle ne soit pas mue par une intention cachée, devrait être : «Consultations Électorales d’Avril Prochain : Plus de 7 milliards pour organiser les communales»
C’est justement dans ce « plus » que se cache l’intention cachée. Car selon que l’on choisisse de respecter les règles arithmétiques ou de sacrifier aux exigences de l’intention rhétorique, le message véhiculé change du tout au tout. En effet le premier titre renferme une manière d’hommage à peine voilé à l’effort d’économie du Gouvernement soucieux de ramener à de justes proportions le lourd tribut payé à la démocratie dans un budget globale déjà fort limité, au regard des nécessités vitales ; alors que la seconde formulation, celle qui ne fait pas fi des convenances mathématiques, débouche sur une critique d’ordre politique et éthique, qui n’est pas sans rappeler les arguments des partisans les plus sincères du couplage des élections.
Mais cette opposition, et donc la subtilité du premier titre n’est qu’apparente. En effet, vouloir rendre hommage à l’effort d’économie du gouvernement en matière de dépense pour l’organisation des élections, c’est reconnaître du même coup que la démocratie à un coût, et que celui-ci peut être ressenti comme très lourd au regard des moyens d’un petit pays comme le nôtre. En effet, entre mars 2006 et mars 2008, le Bénin aura organisé trois élections : trois élections en deux ans, ce n’est pas rien ! Au regard de la fatalité des irrégularités qui entachent l’organisation de ces élections, en dépit des satisfecits des organisateurs et de leurs acolytes, on est en droit de se demander s’il est indispensable dans un pays pauvre comme le nôtre de dépenser plus de 7 milliards, ou, même si l’on veut, moins de 8 milliards pour des élections dont les résultats sont souvent transparents ?
Au-delà de l’euphémisme inducteur du titre, et peut-être du doute éthique quant à l’objectivité de l’information, se pose un problème sérieux : celui du coût de la démocratie et de la nécessité d’une gestion intelligente de celui-ci. Il incombe à la représentation nationale de le considérer à bon escient, avec objectivité et en toute sérénité dans l’intérêt bien compris de notre Démocratie.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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