Mon cher Pancrace,
Excuse-moi de ne réagir que maintenant à ta dernière lettre, faute de temps. Tu me dis ton ras-le-bol du culte de la personnalité qui rime avec le changement au Bénin, et tu te demandes si cette appréciation est objective ou s’il s’agit d’un jugement excessif. Je ne pense pas que tu exagères. Comme toi, je pense que la planète médiatique
béninoise tourne autour de son astre unique : Yayi Boni. Au fur et à mesure que le temps passe, tout le monde se rend compte que Yayi Boni aime cultiver sa popularité. Les mauvaises langues disent même qu’il ne fait que ça. En tout cas, le Président veille à sa sécurité politique ; il est toujours à l’affût de la séduction des masses. A priori ce faible n’est pas incompatible avec le souci de bien faire. Et je ne saurais mettre en doute l’existence de ce souci chez l’actuel Président. En revanche, ce qui est inquiétant c’est que Yayi Boni trahit le fait qu’il est un adepte de la méthode Coué ; on dirait que le cas échéant, il n’attendra pas d’être jugé sur les résultats concrets de son action avant de décider de s’imposer au Peuple et de décréter ses fantasmes conformes à l’intérêt national. Pour ce faire, il compte sur le savoir-faire d’une armée de propagandistes prébendés -- à laquelle de manière subtile il n’hésite pas à incorporer l’Armée nationale. Et c’est là où le bât blesse. Ce parti pris de la propagande a ses dangers et ses travers parmi lesquels il y a le conformisme béat de la pensée unique et la surdétermination de l’information.
Juges-en au hasard des points de une ces derniers jours :
1. Yayi Boni relève la prime de revalorisation de la fonction enseignante à 10.000 FCFA
2. TOURNÉE DU CHEF DE L’ETAT DANS DES ÉCOLES DE COTONOU : Boni Yayi prône un sursaut pour l’école béninoise (L'AUTRE QUOTIDIEN 05.10.2007)
3. Rentrée effective ce jour : Pari gagné pour Yayi Boni (Le Matinal 4 octobre 2007)
4. Yayi Boni s’engage à apurer les arriérés de salaire de l’Etat béninois envers ses travailleurs
5. Rentrée scolaire et universitaire 2007-2008 : La stratégie de Boni Yayi a marché
LE MATIN 04.10.2007
6. Reprise effective des activités scolaires ce jour : Boni Yayi convainc les syndicats.
LE MATIN 04.10.2007
7. Essè Iko et ses vingt marcheurs (FRATERNITE 05.10.2007)
Tout le monde doit penser la même chose et tout s’explique par le seul point de mire du Président, érigé en Deux ex machina d'un théâtre médiatique aliéné. Au point 7. on donne même dans la raillerie contre ceux qui se refusent à inscrire leurs actes dans le sillage de l’odyssée dithyrambique du Grand Astre. Le Journal Fraternité fait ses choux gras de la volonté de ceux qui affichent leur opposition à la pensée unique du jour, parce que ces malheureux audacieux se seraient retrouvés dans une relative solitude. On fait un titre narquois sur une action qui, mesurée au nombre dérisoire de gens qu’elle a impliqués ne méritait pas le détour. De deux choses l’une : soit on reconnaît qu’en l’occurrence l’importance de l’événement, au regard de l’impérialisme du rouleau compresseur des médias à la solde, n’avait pas de commune mesure avec le nombre de gens qui y ont participé, soit on rend compte de l’événement du point de vue de son importance intrinsèque. Martin Luther King a dit que la société n'avance pas par le conformisme béat du grand nombre mais par l’audace anticonformiste de quelques-uns… Mais loin de se conformer à cette vérité limpide, nos inénarrables journalistes ont non sans cynisme choisi de donner dans le sarcasme, au risque de dénaturer le statut de l’information.
Cette ruée opportuniste vers l’or du conformisme frise parfois la surdétermination, au sens que les psychanalystes donnent à ce mot. C’est-à dire qu’actuellement dans les médias, il sied que tout se comprenne et s’explique par Yayi Boni. Le pompon de la surdétermination revient cette semaine au journal Le Matinal qui dans un article dédié au retour de Kérékou d’un voyage de santé en France dit de l’ancien Président qu’ « il a alors décidé de rentrer au pays pour apporter sa contribution à la construction du Bénin émergent si chère au président Yayi Boni. » Rien que ça ! Et alors se demande-t-on : Que faisait Mathieu Kérékou depuis qu’il a pris sa retraite de Président en Chef de la mafia qui a immergé le pays au point de nécessiter aujourd’hui son émergence à laquelle il aurait décidé d’apporter sa contribution ? Le journal ne dit mot. Silence dans l’azur.
Mon cher Pancrace, il y a un autre fait qui donne raison à ton appréciation. Dès son arrivée au pouvoir, dans une démarche autoritaire et autistique, Yayi Boni a fait raser les derniers reliefs d’autonomie qui existaient dans le paysage médiatique du Bénin ; aussi bien dans la presse papier que dans les journaux ou les espaces en ligne. Par exemple, je crois, comme tout le monde que tu te souviens de l’ambiance de diversité et de spontanéité vivante qui régnait sur un site comme L’Araignée. C’était un lieu de débat, d’échange d’opinions qui était un succès si l’on songe que les Béninois sont plus prompts à se mépriser qu’à se parler. Or depuis que le vent de Changement a soufflé sur cette toile au lieu d’être une toile de fond de l’échange ouvert entre Béninois, il est devenu une toile de forme monomaniaque et verticale, chef d’œuvre d’ennui et de billevesées qui pince sans rire se prend très au sérieux. Par chantage ou par intéressement, tout ce beau monde a été purgé ou mis au pas. Le champ médiatique, naguère vallonné, a été transformé en une plaine aride où la voix et l’image d’un seul homme s’étendent et s’entendent, déployant à perte de vue leur aveugle ubiquité. Sans vergogne, le nouveau régime a fait main basse sur les hauts-lieux nationaux d’information ; des contrats de bienveillance dans la presse audiovisuelle, écrite ou en ligne, des ronrons dithyrambiques tarifés ont remplacé l’ancienne diversité d’expression. Et le clou c’est l’organe de propagande qui, sans rougir de sa désignation surannée, est mandaté au frais de l’Etat pour chanter les louanges des haut-faits du Timonier incomparable, Monarque éclairé du Changement ; Docteur doué de science infuse capable de changer le plomb du malheur du Peuple en l’or du Bonheur. Mais le bonheur de qui ? Du peuple ? On ne demande qu’à voir.
Oui, mon cher Pancrace, je ne crains pas de renchérir. Et je dirai que le Peuple est astreint par la manipulation des média à chanter la symphonie pastorale de la gloire de son Timonier. Mais qu’à cela ne tienne, pourvu que le pays aille mieux. Malgré l’entorse au pluralisme que cela constitue, malgré le recul évident de la diversité des opinions, gage d’une pensée sociale féconde, dans l’état actuel du Bénin, ce tribut moral me semble tactiquement préférable à celui de la corruption, à condition bien sûr qu’il n’en soit le paravent commode ou le voile lénifiant.
Tu me diras, cher ami, quid de la célébration en permanence de l’égo démesuré d’un seul homme ? Tient-elle lieu de pitance à un peuple acculé à la misère ? Mais sans cynisme, je dirai : « encore heureux qu’il y ait des gens obsédés de leur égo comme Yayi Boni » ; sinon qui se serait intéressé au sort d'un pays en déshérence, et dont les nationaux sont à ce point si réalistes ? Qui aurait accepté de faire tourner la maison Bénin dans l’état où l’avait laissée la mafia de l’ancien régime ? Quand on pense que le sort de notre pays est suspendu à un sentiment – celui de gratification de l’égo d’un homme – on mesure la valeur de la psychologie dans la politique et dans l’histoire…
Comme tu le vois, mon cher Pancrace, tu n’es pas le seul à partager ce sentiment sur la dérive conformiste de l’information qui sévit au Bénin actuellement. Et au-delà des raisons objectives qui montrent que ton appréciation n’est pas excessive, je crois que le fait qu’elle relève d’un sentiment ne la diminue en rien.
Amicalement,
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
Paru dans la NOUVELLE TRIBUNE du 16/10/2007 :
Financement des activités diverses : Trop de dépenses au sommet de l’Etat ?
Les multiples activités que mène le gouvernement du Dr Boni Yayi, nécessitent parfois d’importants décaissements de fonds publics, au point où certains n’hésitent même plus à parler du gaspillage au sommet de l’Etat, au nom de la politique de l’émergence.
Parcourir tout le Bénin à moindre évènement et en un temps record : c’est le spectacle qu’on vit depuis l’avènement du gouvernement du changement. Des sorties qui paraissent parfois excessives, selon certains commentaires, eu égard aux énormes dépenses qu’elles imposent. Un calcul rapide montre par exemple, qu’il faut environ 300.000Fcfa pour couvrir les charges liées au carburant d’un véhicule 4 x 4 sur le parcours Cotonou- Natitingou – Cotonou. Lorsqu’on sait qu’une dizaine de véhicules du genre sont déployées chaque semaine par le gouvernement dans tout pays, pour telle ou telle activité, on imagine les millions de francs qui y sont consacrés. En ajoutant les divers frais de mission, restauration et autres besoins à assurer au profit des autorités et cadres de l’Etat en déplacement, le commun des béninois se préoccupe du rythme effréné des dépenses liées aux activités du changement. Dans la foulée de la dernière rentrée scolaire, les incessantes tournées organisées par les membres du gouvernement à travers tout le pays - pour informer les populations sur les mesures prises - suscitent les mêmes appréhensions. Certaines personnes s’interrogent sur leur utilité, pour autant qu’il a failli que le président Boni Yayi persuade les syndicats d’enseignants pour que ceux-ci renoncent à leur menace de boycott. La question du train de vie de l’Etat sous l’ère Boni Yayi s’était déjà posée au début de son mandat, au regard des nombreux voyages qu’il effectuait alors dans d’autres pays du monde. Location d’avion, hébergement dans des hôtels de luxe… sont des charges financières qui ont été assumées à ces occasions par la caisse de l’Etat. Si aujourd’hui, ces voyages ont quelque peu diminué, il n’est donc pas évident que les dépenses ont aussi baissé, car surplace, les nombreuses activités du gouvernement Yayi se poursuivent. Sur le plan de la communication du gouvernement de Boni Yayi, il n’est pas exclu non plus que les dépenses soient limitées, car l’homme communique beaucoup à travers les médias.
Christian Tchanou
16 Octobre 2007
Rédigé par : Samuel A. | 16 octobre 2007 à 18:39