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La presse annonce le rapprochement entre le PRD et la Mouvance. Même si cette annonce n'est pas la première du genre, elle vient à point nommé et interpelle l'opinion qui se demande : Est-ce un coup fumant d'une certaine presse qui, entre louange et autocensure se pique de faire du roman ? La nouvelle semble crédible parce que Me Adrien Houngbédji a par le passé donné l'image d'un homme qui fait flèche de tout bois. Mais dans le même temps, on ne peut exclure une manipulation du pouvoir, qui a réussi à dompter les médias. Dans cette affaire, il va de soi que les deux parties prennent langue. Le but du PRD étant de profiter de la popularité d'un Yayi passé maître dans l'art du populisme, tout en étant prêt à ramasser la mise en cas d'échec. Yayi Boni quant à lui souhaite faire la preuve qu'il n'y a pas d'alternative à sa politique : dans le succès il est roi, dans l'échec, Me Houngbédji est présenté comme solidaire. Baiser mortel. Dès lors la question qui se pose devient stratégique, chacune des deux parties découvrant l'usage que l'autre veut faire du rapprochement, à commencer par son annonce intempestive... |
Docteur.H2O : Vous avez entendu la dernière ?
Professeur Zonon : Quoi donc Docteur ?
Dr H2O : Eh bien la publication des bans du mariage entre le PRD et Yayi !
Professeur Zonon : C’est ce qui se dit dans la Presse…
Dr H2O : Ah la Presse, ne me parlez pas d’elle ! Il paraît qu’elle est atteinte du syndrome de la femme violée…
Professeur Zonon : Il paraît, mais a-t-elle le choix ? Passer la pommade au Pouvoir ou périr, tel est son dilemme cornélien...
Dr H2O : Du coup, pas futé de dire ce qui ne plaît pas au Pouvoir, je dirai même biologiquement risqué…
Professeur Zonon : Eh oui, l’autocensure materne la censure…
Dr H2O : Lorsque toute la presse ou presque bave de louange sur un Chef , cela finit par passer comme un bruit de fond…
Dr H2O : Oui, comme une lettre à la poste !
Professeur Zonon : Le dit passe, mais le non-dit, non !
Dr H2O : Plaît-il !
Professeur Zonon Eh oui, quand la même règle qui organise le dit du Pouvoir se pique aussi d’organiser son non-dit, alors on bascule dans la pensée unique…
Dr H2O : Quoi, voulez-vous dire... enfin que le mariage entre le PRD et le Pouvoir c’est la pensée unique ?
Professeur Zonon : Non, mais à force de coups tordus la Presse doit prendre garde à ne pas devenir une caricature d’elle-même...
Dr H2O : Quoi donc !
Professeur Zonon : En effet, que les données de sa survie l’amènent à tirer plus sur la corde du griot, que sur celle du fou du Roi peut se comprendre, mais qu’à force de jouer les griots, la Presse en arrive à vendre son âme et à ne plus faire son travail voilà qui confine à la perversion…
Dr H2O : Mais quel est donc ce travail, si ce n’est que vivre ?
Professeur Zonon : Eh bien, le travail de la Presse c’est d’informer les gens… Si la Presse en arrive au point où dans l’intérêt de sa survie, elle se refuse délibérément à informer les gens sur des faits réels, si elle ne laisse au public que l’alternative cynique de la pommade et du silence pour le bon plaisir de ses mentors alors il faut qu’elle se presse de ne plus se dire Presse !
Dr H2O : Votre indignation se comprend, Professeur, mais dans le cas de la soi-disant main tendue du PRD au Pouvoir, il ne s’agit ni de louange ni de silence, donc à mon humble avis, la Presse est dans son rôle…
Professeur Zonon : Oui, certes, il ne s’agit pas d’un silence, et en apparence, pas davantage d’une louange, mais il pourrait s’agir d’un roman de manipulation…
Dr H2O : Excusez-moi Professeur, on ne peut mettre la manip à toutes les sauces ! Personnellement je ne vous suis pas sur ce terrain-là, et je vais vous dire pourquoi.
Professeur Zonon : Dr., je ne demande qu’à être convaincu…
Dr H2O : Vous savez que le leader charismatique des choco-choco, Maître Adrien Houngbédji, a toujours brillé par ses positionnements multiples, ses va-et-vient d’un côté à l’autre, dans le seul dessein de devenir Président. Il s’est fait pour devise que la fin justifie les moyens, et comme il n’hésite pas à faire flèche de tout bois, le Peuple n’a pas été dupe ; en dépit de ses capacités, le Peuple n’a pas cru déceler en lui un idéal de stabilité morale à un moment où il était avide de changement. A mon avis, c’est cette danse de Saint-Guy qui l’a perdu. Or comme l’habitude est une seconde nature, je crains que le PRD et son chef n’aient rien fait pour changer sur ce point là…
Professeur Zonon : Quoi, vous voulez dire que Maître Adrien Houngbédji n’a pas compris que toute posture téléologique est vouée à l’échec ?
Dr H2O : Non seulement ça, cher Professeur, mais encore et surtout qu’il en a peut-être repris le bâton de pèlerin…
Professeur Zonon : Qu’est-ce qui vous fait dire cela, Docteur ?
Dr H2O : Eh bien regardez le mal que le Prd a mis pour se dire dans l’opposition, si tant est-il qu’il l’ait jamais clairement dit.
Professeur Zonon : Avouez que ce n’était pas facile, Docteur, qu’à ce qu'il parut, l’objectif du PRD n’était pas d’être forcément dans l’opposition. Il semblait que Maître Houngbédji qui, au lendemain du second tour des élections de 2006, a fait preuve d’un fair-play rare en Afrique, fût prêt à aider le nouveau pouvoir dans sa tâche de reconstruction de notre pays. Je crois que pendant un certain temps, il a laissé le temps de la clarification au nouveau pouvoir, mais celui-ci et les nouveaux opportunistes qui s’en réclamaient, à une approche pragmatique d’union nationale, préféraient le confort de l’exclusion manichéenne – les bons et les mauvais, les corrompus et les honnêtes, les nouveaux et les anciens – alors que comme dans la vie, en politique, les choses ne sont pas aussi simplistes…
Dr H2O : Mais alors Professeur quid des tergiversations ?
Professeur Zonon : Oui les tergiversations traduisent un malaise et une sorte d’injustice fatale ; le fait est que le gouvernement actuel et son Chef, Monsieur Yayi Boni, n’ont pas l’apanage du Changement. Dans leur programme présidentiel Maître Houngbédji et le PRD aussi préconisaient le changement, et ce de manière radicale et méthodique. La différence est que, et là je suis d’accord avec votre analyse, Maître Houngbédji n’était pas au clair avec cet objectif, non seulement en raison de son passé qui le rendait directement comptable de tous les gouvernements rejetés pas le peuple, mais aussi en raison de sa conception téléologique de l’action politique qui, à travers des prises de positions variables, le voyait rivé au même objectif perçu à tort ou à raison comme orienté vers l'accomplissement personnel…
Dr H2O : Vous voyez, nous convergeons vers le même point…
Professeur Zonon : Il n’empêche que pour en revenir au sujet de notre discussion, à savoir la soi-disant main tendue du PRD à Yayi, je maintiens qu'il s'agit d'une manipulation bien comprise…
Dr H2O : Ah, Professeur, vous y tenez à votre manipulation, comme à la prunelle de vos yeux ! Mais qu’elle soit bien comprise ou pas, je pense que la manipulation n’explique pas tout. En effet, si depuis plus d’une année le PRD avait voulu clarifier sa position vis-à-vis du Pouvoir, il l’aurait fait. Mon opinion est que cette affaire de main tendue est tellement récurrente et revient si régulièrement au-devant de la scène publique qu’il ne peut pas ne pas y avoir du vrai là-dedans.
Professeur Zonon : Vous croyez ?
Dr H2O : Enfin c’est mon avis, même si je peine à comprendre ce que vous entendez par manipulation bien comprise…
Professeur Zonon : Eh bien par là, Dr je veux seulement dire que ceux qui fomentent ces bruits espèrent que l’opinion y ajoutera d’autant plus foi que le PRD et son chef ont par le passé été de tous les mariages improbables et même contre-nature…
Dr H2O : Evidemment vu sous cet angle, la manipulation serait bien comprise, je vous comprends… Mais à mon avis, la manipulation est surtout croisée…
Professeur Zonon : Que voulez-vous dire par là ?
Dr H2O : Premièrement, pas de fumée sans feu : en vérité les deux parties discutent effectivement d’un rapprochement. La deuxième chose c’est que ce rapprochement est pour les uns comme pour les autres à usage stratégique. Le Pouvoir veut afficher le rapprochement comme la preuve qu’il est dans le bon sens et qu’il n’y a pas d’alternative crédible à sa politique ; le cas échéant, il souhaite faire cautionner ses erreurs par celui-là même qui est le mieux placé pour en tirer profit. Tandis que le PRD veut profiter autant que faire se peut de la popularité que confère la proximité à un pouvoir qui est moins populaire dans ses résultats tangibles que dans son parti-pris populiste…
Professeur Zonon : Mais alors si c’est le cas, pourquoi dans la Presse assistons-nous à ces publications et contre-publications de bans d’un mariage qui tarde à se concrétiser dans les faits ?
Dr H2O : Eh bien parce que chacune des parties découvre l’usage stratégique que l’autre veut faire du mariage ! Et, ceux qui l’annoncent en premier espèrent tirer tout le bénéfice pour eux ; d’où la crispation de l’autre partie...
Professeur Zonon : Votre raisonnement tient la route Docteur, et je suis obligé de le reconnaitre, mais n’empêche que la presse, elle, se prête bien au jeu...
Dr H2O : Tout à fait, Pr, pour le coup, je suis d’accord avec vous : cette presse est assez drôle, entre louanges et silence, elle a bien le temps de faire un roman…
Professeur Zonon : La loi du genre ?
Dr H2O : Eh oui, on peut le craindre ; il faudrait bien qu’on se penche un jour sur les motivations des journaux et de leurs propriétaires, leurs moyens d’existence, pour comprendre leurs tensions et leurs intentions…
Professeur Zonon : Vaste programme, peut-être que tout cela finira-t-il par "émerger" un jour…
Dr H2O : Pour l’instant, je vois autre chose émerger du tunnel…
Professeur Zonon : Oh, oui, mon train !
Dr H2O : Dommage, Professeur, la discussion était enrichissante
Professeur Zonon : Très passionnante, mais le débat est ouvert !
Dr H2O : Je ne vous le fait pas dire…
Professeur Zonon : A bientôt, Docteur !
Dr H2O : A bientôt !
Hubert ODJO
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