Mon Idéo va, Court, Vole et Tombe sur...:
La Volonté de Dialogue et le Coup de Pression
"Le Jeudi 4 octobre 2007, les écoliers, élèves, étudiants et enseignants reprendront le chemin de l’école. A la veille de cette rentrée, le Chef de l’Etat, dans une allocution, a souhaité une excellente rentrée scolaire et universitaire 2007-2008 à tous les acteurs du système éducatif. Après avoir rappelé les actions entreprises par son gouvernement pour réaliser l’« Education pour une nation émergente et prospère », Yayi Boni annonce la création d’un comité national de l’éducation qui aura pour mission de réfléchir sur les grandes questions touchant à l’éducation. Par la même occasion, le Chef de l’Etat demande aux syndicalistes d’être ouverts au dialogue et à la négociation pour faire aboutir leurs revendications."
Dans l'ensemble, ce résumé du Journal Le Matinal est assez juste. Sur le fond, le discours est très équilibré et montre une réelle volonté de dialogue au service d'un bien commun ; il justifie la cohérence du souci du Chef de l’état de faire de l’éducation le fer de lance de la mutation socioéconomique qu’il appelle de tous ses vœux. C’est donc un discours recommandable qu’il faut lire avec attention. Puis le Chef de l 'Etat opère une embardée lourde de pression morale et tout à coup, on a du mal à avaler certains morceaux de son discours. Ainsi, lorsque s’adressant aux syndicalistes, au lieu de les regarder droit des les yeux, le Chef de l'Etat préfère user d’une rhétorique insidieuse à forte charge culpabilisante. Voici la partie incriminée d’un discours qui jusque-là était impeccable : « Tout comme moi, dit le Chef de l’Etat, je sais que vous aimez nos enfants comme Dieu nous aime tous, surtout qu’ils n’ont commis aucun crime ni aucune faute et ils ne peuvent être tenus pour responsables des erreurs que nous adultes avons commises depuis des années. » Et Saint Thomas Yayi de questionner à propos de nos innocents petits : « Pourquoi doivent-ils alors être pénalisés par les risques de grève et de blocage des activités pédagogiques ? J’en appelle donc au sens de responsabilité et de patriotisme de chacun d’entre vous afin de n’avoir présents à l’esprit que les seuls intérêts de notre commune patrie, le Bénin. » Est-ce que la grève vise directement à pénaliser les enfants ? Est-ce que le fait fort peu souhaitable qu’il y ait grève relèverait de la seule volonté des grévistes ? Enfin, est-ce que les enseignants n’ont plus le droit de faire grève au motif qu’ils ont affaire avec des enfants innocents ?
Le raisonnement du Chef de l’Etat est assez pernicieux et intriguant ; non seulement il joue sur le registre du chantage moral mais il manie la culpabilisation symbolique mettant en jeu l’opposition manichéenne du pur et de l’impur, de l’innocent et du coupable, de l’ange et du diable, du criminel et du vertueux. Et puis il y a comme toujours dans la bouche de Yayi Boni, une invocation de Dieu qui brouille le jeu de la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans un Etat de droit ; qui plus est, s’agissant d’un discours sur l’école dont l’Etat est le garant, cette subtile invocation de Dieu, même lorsqu’elle n’a qu’une visée de manipulation des affects, est en contradiction avec la position de neutralité laïque qu’on était en droit d’attendre du Chef de l’Etat.
Enfin un tel procédé rhétorique peut bien être retourné contre son utilisateur ou en tout cas la classe politique qu’il représente. Car tous autant qu’ils sont, sachant que « Dieu » aime les Béninois comme chacun aime ses enfants, quel crime ont-ils commis ces pauvres Béninois, pour que depuis 47 ans d’indépendance, les hommes politiques de par leurs agissements, leur médiocrité, leur kleptomanie, leur immaturité, leur navigation à vue, leur prévarication, leur manie et leur mégalomanie, leurs songes et leurs mensonges, les privent du minimum vital, ou foulent au pied leur droit à vivre comme des êtres humains ?
Mais, Dieu merci, cette petite anicroche rhétorique n’en fait pas pour autant un beau discours, car, faut-il le répéter, le discours du Chef de l'Etat sur l'Etat de l'Education est un bon discours !
Eloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.