Professeur Zonon : Eh oui, vous n’avez pas entendu parler de l’Affaire BAGNA ?
Dr H2O : C’est quoi encore ce BAGNA ?
Professeur Zonon : BAGNA = Brigade des Aigrefins de la Gendarmerie NAtionale…
Dr H2O : C’est vrai ?
Professeur Zonon : Ça pourrait être le cas, mais pour être sérieux, BAGNA ce sont les initiales de deux gendarmes du rang, Briston Amoussou Guénou et Narcisse Akpadji qui ont subi une injustice sans nom de la part de leur hiérarchie… Un véritable infanticide social… Vous n’avez pas entendu parler de ça ?
Dr H2O : Non, il faut dire que je ne suis pas les faits divers…
Professeur Zonon : Fait divers ? C’est tout sauf un fait divers, les deux gendarmes l'ont payé cher…
Dr H2O : Pourquoi donc ?
Professeur Zonon : Pour « excès de zèle » en quelque sorte. Il leur est reproché de ne pas caresser dans le sens du poil un grand bonnet de la pègre protégé par la haute hiérarchie de la gendarmerie, et d'avoir eu le toupet de l'arrêter.
Dr H2O : Ça alors !
Professeur Zonon : Il faut dire que cette direction de la gendarmerie est un repaire de bandits de grands chemins et de trafiquants de haut vol…
Dr H2O : Enfin dites-moi, comment en est-on arrivé là ?
Professeur Zonon : Eh bien, ces pauvres agents avaient fortuitement mis la main sur un trafic de faux billets et de drogue organisé par un escroc nigérian protégé par la Direction de la gendarmerie. Mal leur en apris : toute la corporation leur est tombée sur le dos. Alors que les trafiquants sont libérés, nos deux gendarmes, Briston Amoussou Guénou et Narcisse Akpadji sont jetés en prison et malmenés 16 mois durant !
Dr H2O : Le monde à l’envers ! C’est le Comte de Monte-Cristo ou quoi ! …
Professeur Zonon : Eh oui ; non contents de les avoir ainsi traités, leurs responsables ont juré de les radier de la corporation. Dans la foulée, après que son cas fut réglé à la sauvette, Narcisse Akpadji décède dans un banal accident de la circulation comme on dit ; mais banal enfin qui peut le croire sous nos tropiques ?
Dr H2O : Et l’autre, le Briston alors, j’espère qu’il est en vie...
Professeur Zonon : Oui il est en vie pour son malheur… Puisque l’affaire qui a commencé en 2002 sous Kérékou, continue 5 ans après avec Yayi Boni !
Dr H2O : Et qu’est-ce qu’il fait ? Est-il toujours dans la gendarmerie ? Est-ce qu’on a démantelé la mafia ?
Professeur Zonon : Oh que non, la diversion continue !
Dr H2O : Ah bon ?
Professeur Zonon : Oui, Gendarme Briston Amoussou Guénou est seul face à la meute des intrigants qui prennent plaisir à le tourner en bourricot, à l’enfermer dans les dédales kafkaïens de la justice et autres conseils disciplinaires à n’en plus finir…
Dr H2O : Technique dilatoire...
Professeur Zonon : Cette venimeuse engeance a fini par prononcer sa radiation. Le vice qui fait la nique à la vertu…
Dr H2O : C’est rageant, mais de là à parler de Dreyfus...
Professeur Zonon : Dreyfus était un militaire, ne l'oubliez pas...
Dr H2O : Oui, en effet !
Professeur Zonon : Et il a été radié lui aussi, humilié
Dr H2O : Oui, mais à l’origine c’était de l’antisémitisme bon teint, c’est-à-dire du racisme en quelque sorte…
Professeur Zonon : Justement, je vous prends au mot…
Dr H2O : Mais encore…
Professeur Zonon : Regardez un peu, l’acharnement contre le pauvre gendarme Briston frise aussi du racisme
Dr H2O : Plaît-il ! Briston-là c’est un Blanc ?
Professeur Zonon : Non, bien sûr que non, il a beau se prénommer Briston, son non est Amoussou-Guénou et il est Noir et Béninois comme vous et moi… mais ne voyez-vous pas ?
Dr H2O : Quoi donc !
Professeur Zonon : Eh bien, Gendarme Briston appartient à une race en voie de disparition au Bénin ; celle des hommes de loi qui ne sont pas corrompus, et qui se refusent à appliquer autre chose que la loi ; race minoritaire des hommes de loi qui ne sont pas en odeur de sainteté avec les hors-la-loi !
Dr H2O : Ah oui ! Vu sous cet angle ça tient la route, il s’agit bel et bien d’un harcèlement raciste, d’une oppression de la minorité qui reste droit dans ses bottes…
Professeur Zonon : Bien sûr, vous me diriez que Dreyfus, en son temps, c’était quand même un phénomène social et politique d’envergure…tous les milieux sociaux étaient concernés, il y avait les dreyfusards et les antidreyfusards …
Dr H2O : Mais là rien de tel, Professeur !
Professeur Zonon : Je suis d’accord avec vous ! Rien de tel. Pas de BAGNARD encore moins d’anti-BAGNARD…
Dr H2O : Eh oui, ça fait une sacrée différence..
Professeur Zonon : La Révolution française était passée par là, sans compter les Lumières et leur valorisation des libertés individuelles, et des Droits de l’homme. D’une certaine manière c’était cela qui était en jeu dans l’Affaire Dreyfus … Mais nous quand nous regardons derrière, nous avons quoi ? Un grand passé esclavagiste, et la Révolution du 26 octobre…
Dr H2O : Et oui, ça fait un peu court…
Professeur Zonon : Cela dit, Gendarme Briston n’est pas tout seul dans son combat. Pour l’émergence de la vérité et de la justice, il bénéficie du soutien d’un collectif d'avocats et d'Ong qui assurent sa défense. Comme ça avec leurs conseils, il évite de tomber dans les chausse-trappes du système…
Dr H2O : Ah, vous voyez, ce n’est pas le désert, y a quand même des Béninois qui se dévouent pour d’autres Béninois !
Professeur Zonon : Eh oui, même s’ils ne sont pas légion, ils ont le mérite d’exister… et ils ont fait du bon boulot, puisque la cour constitutionnelle a invalidé la radiation de Gendarme Briston
Dr H2O : Super !
Professeur Zonon : Malheureusement, la meute des intrigants ne l’entend pas de cette oreille, elle maintient la radiation de Gendarme Briston, et fait la sourde oreille …
Dr H2O : C’est une situation de non-droit ça, Professeur !
Professeur Zonon : Eh oui, je suis tout à fait d'acord avec vous ! Cette affaire est un test de la volonté du Président Yayi Boni de lutter contre la corruption sans exclusive. Sa décision en la matière fera jurisprudence, éthique et politique. La lutte contre la corruption ne doit pas faire du deux poids deux mesures ; elle ne doit pas faire la part des intouchables, et ne s'exciter que sur les menus fretins ou les voleurs de poules...
Dr H2O : Vous avez raison, Professeur ! Ce genre de chose ne doit pas continuer sous le Changement… voilà au moins une grande différence avec l’Affaire Dreyfus !
Professeur Zonon : Oui, bien qu’inspirée par le racisme, l’Affaire Dreyfus a pris la forme de l’erreur judiciaire, ce n’était pas un mépris ouvert de la constitution…
Dr H2O : Vous voyez, votre comparaison a ses limites !
Professeur Zonon : Oui, je le reconnais volontiers… mais pour moi, et j’allais y venir, la grande différence n’est pas là…
Dr H2O : Où est-elle donc ?
Professeur Zonon : Eh bien, voyez-vous Docteur, c’est que l’Affaire Dreyfus avait son Zola et son J’Accuse. Or ici, pas de Zola, pas de J’accuse ; l'Affaire BAGNA ne passionne pas nos écrivains, vous comprenez…
Dr H2O : Que font-ils donc !
Professeur Zonon : Peut-être de la dentelle…
Dr H2O : Pour qui ?
Professeur Zonon : Pour qui voulez-vous que ce fût ? Pour les gens d’en haut pardi, pas pour un gendarme d’en bas !
Dr H2O : Vous croyez ?
Professeur Zonon : Force est de le croire… Le Béninois ne fait jamais rien pour rien... Ces Messieurs considérables sont pris par ce qui en vaut la peine : ils n’ont pas le temps de J’accuser…
Dr H2O : Ah, dans ce cas, Professeur, qui va donc J’accuser pour le petit gendarme Briston ?
Professeur Zonon : Voilà une bonne question !
Dr H2O : Alors dans ce cas Professeur, moi Dr H20, je prens mes responsabilités et j’accuse ! J’accuse.... votre train t’être venu trop tôt…
Professeur Zonon : Moi, J’accuse du retard…
Dr H2O : A bientôt Professeur !
Professeur Zonon : Au Plaisir Docteur !
Hubert ODJO
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