Crépitement dans la nuit
Sautant de lit une nuit de janvier dernier, le Président du Dahomey Hubert Maga a téléphoné avec agitation à l’Etat-major de l’Armée pour annoncer que sa résidence était bombardée. Mais il dut retourner au lit pour se rendormir. En effet, plus de peur que de mal, l’ancien instituteur, exigeant et non moins gai, avait été réveillé par le cliquetis de noix de coco fouettées par le vent qui bombardaient le toit d'étain de son hôtel particulier.
La semaine dernière les crépitements nocturnes qui gênèrent le Président provenaient de tirs d'armes réels, conséquence d'un vent de révolte populaire qui soufflait depuis plusieurs jours sur cette ancienne colonie française de l’Afrique de l’ouest située entre le Togo et le Nigeria sur le Golfe de Guinée. A Cotonou, la capitale et à Porto-Novo, ville voisine, les foules en haillon portant des cercueils tout de noir drapés et chantant des chansons de guerre, ont pris d’assaut les bureaux, brûlé des voitures, et mis à bas les drapeaux des édifices publics en exigeant à cor et à cri la démission de Maga.
Des contre-manifestants Bariba, originaires du nord natal de Maga, prenant la défense du Président, ont provoqué une rixe en tuant deux manifestants avec des flèches. Finalement le Président a démissionné en faveur du Colonel Christophe Soglo, Chef d’Etat-major d’une armée de 800 hommes qui, sitôt devenu Chef de l’Etat a suspendu la constitution.
Gabegie, corruption et Cie
Ce coup était le dernier d’une série qui a secoué les nouvelles nations de l'Afrique, y compris le voisin du Dahomey, le Togo, où le Président Sylvanus Olympio a été assassiné en janvier dernier, et l'ancien Congo français, dont le Président Fulbert Youlou a été déposé en août (le Congo ex-belge a aussi été témoin d'une tentative de coup il y a trois semaines). De même, des complots ont été découverts au Sénégal, au Tchad et en Côte d'Ivoire.
Les sources d'ennui sont essentiellement les mêmes dans tous ces pays : économies moribondes, nombre élevé de chômeurs, et l’hostilité de syndicats forts. Au Dahomey (pays de 2, 200,000 hbts.), la situation est aggravée par le fait que naguère le pays était le réservoir de fonctionnaires de l’Afrique française et se targuait alors de faire de « l’exportation de l’intelligence » sa richesse.
Maintenant il est confronté à un chômage de lettrés car les autres nations nouvellement indépendantes de l'Afrique occidentale forment leurs propres fonctionnaires. Les émeutiers du Dahomey ont aussi dénoncé "la manie de gaspillage" du Président Maga, notamment le magnifique palais qu'il s’est construit et qui revient à 3,000,000 de $.
Sur le Sentier de la guerre. Le colonel Soglo, 54 ans, qui a passé le plus clair de sa vie professionnelle en tant que soldat dans l'armée française, a inclus son ami Maga dans son gouvernement intérimaire en tant que Ministre des Affaires Etrangères. Il essaye non sans difficulté de trouver un équilibre entre les exigences des syndicats qui ne veulent plus entendre parler de Maga et les Bariba du nord, qui sont sur le pied de guerre pour rétablir l’ancien Président dans ses fonctions
Quoique l'aide française massive ait aidé les nouvelles nations sur le plan économique et politique, le Dahomey et les autres anciennes colonies françaises vivent maintenant sous la menace de guerres tribales, un situation qui pourrait à terme embraser toute l'Afrique occidentale.
Article du Time, 8 novembre 1963
Traduit par Binason Avèkes
Leaping from his bed one night last January, Dahomey's President Hubert Maga excitedly telephoned military headquarters to report that his residence was being shelled. He soon went back to sleep. As it turned out, the tough, jolly, former schoolteacher had been aroused by the clatter of windblown coconuts pelting down on the mansion's tin roof. Last week the sounds in the night came from real gunfire as angry mobs swept through the former French West Africa colony, located between Togo and Nigeria on the Gulf of Guinea. In Cotonou, the capital, and nearby Porto-Novo, the ragged crowds carried black-draped coffins and chanted war songs as they ransacked government offices, burned cars, hauled down the green, yellow and red national flag from public buildings, and demanded Maga's ouster. Bariba tribesmen from Maga's native northern region leaped into the fray in his defense and killed two demonstrators with bows and arrows. Finally the President resigned in favor of Colonel Christophe Soglo, commander of Dahomey's 800-man army, who became head of state and promptly suspended the constitution. Squandermania. It was the latest in a series of coups that have shaken Africa's new nations, including Dahomey's neighbor, Togo, where President Sylvanus Olympic was assassinated last January, and the former French Congo, whose President Fulbert Youlou was deposed in August (the ex-Belgian Congo also witnessed a near-coup three weeks ago). Plots have been uncovered in Senegal, Chad and the Ivory Coast. The sources of trouble are essentially the same in all the countries involved: moribund economies, vast numbers of unemployed, strong and hostile labor unions. In Dahomey (pop. 2,200,000), the situation is aggravated by the fact that it once supplied civil servants for many other French colonies and boasted that "brains are our biggest export"; now it has an increasingly serious white-collar unemployment problem, for newly independent West African nations train their own government officials. The Dahomey rioters also denounced President Maga's "squander-mania," notably the magnificent palace he built himself for $3,000,000. On the Warpath. Colonel Soglo, 54, who has spent most of his adult years as a professional soldier in the French army, included his friend Maga in the interim government as Foreign Minister. He is trying hard to balance his government between the unions, which still howl for Maga's complete removal, and the northern Bariba tribesmen, who are on the warpath to win Maga's complete reinstatement. Though massive French aid helped the new nations in the area to achieve a measure of economic progress and political stability, Dahomey and the other former French colonies are now threatened with tribal and sectional wars that could spread disorder through much of West Africa. Time, 8 November 1963 |
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