Lettre à Pancrace sur la personnalité de Raymond Barre.
Mon cher Pancrace,
En réponse à ma dernière lettre, où je faisais allusion à Raymond Barre, tu me réponds, d’une manière un peu vive : « Qu’est-ce t’en a à foutre de la mort d’un homme politique français ! » Mais je répondrai : Raymond Barre n’est pas un homme politique français, pas un petit comme l’époque en est si friande,
mais un grand homme politique. Et lorsqu’un homme est grand, il n’est plus seulement français, mais un exemple dont l’humanité entière peut être fière. De tous les hommages qui ont été rendus à Raymond Barre qui vient de décéder, celui de François Bayrou, son « petit cousin centriste » me semble le plus vrai. Raymond Barre dit-il, était "un homme soutenu, aimé et admiré parce que c'était un homme d'Etat" c'est à dire "quelqu'un qui met l'intérêt général au-dessus des intérêts particuliers, qui met l'intérêt du pays au-dessus des intérêts de clans, de partis, des personnes. Il ne cherchait pas à séduire en entraînant les gens sur des chemins qui étaient sans lendemain. Il cherchait la vérité parce que la vérité est la seule qui permette de construire la confiance. Il faisait cela y compris avec un certain esprit de provocation, il n'hésitait pas à prendre l'opinion à rebrousse-poil, frontalement", a-t-il noté.
On peut reprocher ceci ou cela à Raymond Barre, il n’y a pas d’homme infaillible sur terre. Mais là où apparaît pour nous l’intérêt de la personnalité de Raymond barre c’est au niveau moral : sa probité, son honnêteté, son attachement à la vérité, son refus de la facilité et de la démagogie, son mépris du « microcosme politique » qui lui ont fait emprunter souvent des chemins politiques escarpés et exigeants, guettés parfois par le désert, et les aboiements des sots… Quand on considère le Changement bourdonné au Bénin, au vu de l’esprit de démagogie dans lequel les choses se passent, de la volonté de subornation de l'opinion, de la recherche de gloire narcissique idiote qui obnubile son timonier, quand on voit à quel point ce narcissisme idiot prend le pas sur l’éthique de la probité, de la retenue, de la défiance aux solutions de facilité, de la réflexion de fond, bref quand on voit comment la recherche effrénée de la gloriole peut se parer des dehors de l’hyperactivité, on ne peut que prier pour que l’esprit d’exigence et d’honnêteté intellectuelle d’un homme comme Raymond Barre éclaire le chemin du Changement.
Oui, au Bénin ou ailleurs, par les temps qui courent, je pense qu’un homme politique qui « ne cherchait pas à séduire en entraînant les gens sur des chemins qui étaient sans lendemain » est un exemple à méditer. Aussi, mon cher Pancrace, sans te faire un dessin, j’espère t’avoir fait toucher du doigt les raisons pour lesquelles, je faisais un rapprochement entre la mort de Raymond Barre et le Changement actuel au Bénin où tout se passe en dépit de l’esprit d’exigence et de probité, selon une démarche populiste concave, passablement obsédée de gloriole.
Cordialement,
Binason Avèkes
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