Un Western Constitutionnel
Yayi Boni est obsédé par sa réélection. Comme si cela ne devrait pas être la conséquence des résultats tangibles de sa politique, il essaie de rendre cette réélection rêvée absolument indépendante de son bilan. Un aspect de sa méthode consiste à visiter la mémoire politique et à y puiser des archétypes de décisions et d'action. Par rapport à la longévité politique qui le fait baver, Kérékou est son
modèle de rêve. A la faveur du fait qu'il était un militaire, Kérékou a, bon an mal an, tiré la légitimation politique vers le côté militaire. D'abord à l'issue d'un coup d'Etat qui a été transformé en Révolution et tutti quanti avec les résultats catastrophiques que l'on sait. Puis avec le soutien de gens comme A.Tevoèdjrè, qui nargue aujourd'hui la Raison en passant pour Médiateur, il est revenu au pouvoir dans des habits de civil, mais en bénéficiant des effets de stabilité que confère la légitimation militaire. C'est pour cela qu'au regard de son obsession de durer, Yayi Boni pense que les Militaires ça a du bon. Et on a intérêt lorsqu'on veut durer à les avoir de son côté. Comme un chien de garde. Si bien qu'il fait un signal ostensible et clair en direction de ce corps. La politique ne sert donc qu'à bouffer ? Les militaires veulent leur place au râtelier. Leurs hurlements politiques seront entendus. Depuis les gardes Présidentielles qui se croient tout permis et qui conjuguent zèle et fantasmes de carrière au tragique, jusqu'à la Loi sur le Service militaire qui est une résurrection sans nuance d'une de ces idées douteuses, simplistes et corporatistes de la période Kérékou. Sans oublier bien sûr l'implication des militaires dans la logistique des dernières élections et la nomination d'un Général au Poste de Ministre de l'Intérieur, au mépris de l'esprit démocratique. Ce dévolu qui est jeté sur les militaires, dans la mesure où les raisons que nous lui imputons ne sont pas totalement imaginaires, signifie implicitement que Yayi Boni essaie, à l'instar de son Modèle, Kérékou, de tirer la légitimation de son pouvoir du côté de l'Armée. Au détriment de la source légale de son pouvoir : la Constitution et l'Autorité chargée de veiller à son respect strict, la Cour Constitutionnelle. Ce choix peut être troublant venant d'un homme qui a été élu par le Peuple à une large majorité. Elle dénote d'une préférence pour un fonctionnement autistique et autoritariste dont les signes ont souvent été trahis par le Président, dans ses décisions aussi spontanées que très peu concertées ; un mépris pour le dialogue démocratique sous prétexte d'une volonté d'efficacité, sous-entendu que la fin justifie les moyens ou que les règles et leur respect valent moins que des résultats tangibles. Dans cette option, le volontarisme et le populisme servent de masque à l'autoritarisme. In fine, on en arrive à une question de fond qui n'est pas dérisoire : la Démocratie est-elle un luxe pour les pays pauvres ? Au Pérou on a vu la réponse donnée par Fujimori et là où a conduit son autoritarisme bien pensant. De même en Thaïlande, la complaisance envers l'Armée a été fatale à la démocratie. Mais comparaison n'est pas raison. L'option du Renouveau Démocratique est une option bien réfléchie qui répond à notre histoire. Ce qui est sûr, la Démocratie ne saurait être un frein au développement. La politique est l'affaire du Peuple. C'est le Peuple qui élit ses dirigeants. L'apolitisme de l'Armée, inscrit dans la Constitution, doit être respecté.
La décision d'invalidation de la loi sur le Service Militaire par la Cour constitutionnelle met en jeu la question de la légitimité du Pouvoir politique. En jetant son dévolu sur l'Armée, en proposant à la va-vite une loi qui coûterait 7 Milliards au budget de l'Etat, Yayi Boni enfonce un clou dans le déplacement subreptice de la légitimation du Pouvoir du côté de l'Armée. En Invalidant la loi, la Cour Suprême ramène la légitimité à son centre de gravité !
C'est une version politique de "Le Bon la Brute et le Truand", western constitutionnel, tout à l'honneur de notre Démocratie.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
Voici un Article paru tans la Tribune qui met en exergue la compulsion marquée du Chef de l'Etat à prendre des distances vis à vis de la stricte observance des règles et lois établies par la constitution :
Le record inquiétant de Yayi en seize mois
Plusieurs cas d’irrecevabilité des requêtes adressées par le chef de l’Etat à l’assemblée nationale ont été enregistrés depuis environ seize (16) mois que le président Boni Yayi est aux affaires.
Après le cas de l’honorable Issa Salifou sous la précédente mandature parlementaire, le cas récent d’une prétendue suspension des députés Célestine Adjanonhoun et Luc da Matha de la présente mandature et beaucoup d’autres cas, la plénière de l’Assemblée nationale n’a pas donner suite cette semaine à une requête du chef de l’Etat pour non respect de procédure. Il s’agit d’une requête relative à une de deuxième lecture de la proposition de loi portant organisation du service militaire et patriotique introduite par le député Fcbe, Chabi Sika. Dès la soumission de ladite requête à la plénière des députés, l’honorable Tidjani Serpos du Prd est intervenu pour dénoncer un vice de procédure et la violation d’une série de dispositions aussi bien de la Constitution du 11 décembre 1990 que du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. A en croire le développement de ce dernier qui a fini par convaincre ses collègues mêmes ceux qui étaient condamnés à soutenir l’examen de la requête, le chef de l’Etat ne devrait jamais demander aux députés la seconde lecture d’une loi votée qui n’est pas encore à l’étape de la promulgation. Et dans le cas d’espèce, la loi sur le service militaire est en examen à la Cour constitutionnelle saisie par un groupe de députés sur des irrégularités relevées dans sa rédaction. Aussi, certains observateurs reprochent-ils au président de la République d’avoir attendu que l’ordre du jour de la session en cours soit adopté avant de formuler sa demande de deuxième lecture à inscrire au titre des travaux de cette même session extraordinaire. Des critiques qui se rapprochent bien de celles formulées par la majorité des députés de la quatrième législature au moment où le président Boni Yayi a demandé la démission d’office du député Salifou. Le record ainsi réalisé par le leader du Bénin émergent sur le plan de l’irrecevabilité de ses requêtes à l’Assemblée nationale même sous le contrôle de sa majorité amène à s’interroger sur sa connaissance des règles et procédures d’usage en République du Bénin mais aussi sur la qualité de l’assistance juridique et technique dont il bénéficie sur ce plan.
Défaillance des conseillers juridiques ou non prise en compte de leurs propositions ?
Comment peut-on apprécier la prestation des cadres chargés de conseiller le président de la République sur le plan juridique avec, en seize (16) mois, un tel record de requêtes infructueuses pour non respect de procédure ? L’exercice paraît un peu difficile en ce sens que le chef de l’Etat pourrait avoir l’excuse de n’être pas un homme de droit et qu’il revient à ses conseillers techniques juridiques de veiller à la conformité de ses actes avec les lois de la République. En revanche, les conseillers ne peuvent que faire des propositions et il revient au chef de l’Etat, seul responsable devant son serment et devant ses actes de juger l’opportunité de les suivre dans leurs propositions ou de passer outre. Cette liberté dont dispose le président de la République fait qu’il est difficile de situer les responsabilités liées à ces errances constatées depuis seize mois où des actes pris par le premier magistrat lui-même, violent la Constitution dont il est le garant. Le malaise est si profond que selon certaines indiscrétions, les actes du chef de l’Etat qui violent les textes sont souvent fomentés dans d’autres cercles auxquels n’accèdent pas forcément les conseillers juridiques.
Ludovic D. Guédénon
Rédigé par : Aminou | 10 août 2007 à 08:19