Après Béhanzin, Place à Glèlè
Tu me demandes ce que je pense de la décision du Président de la République de mettre Abomey à l’honneur dans le cadre de la célébration du 47ème anniversaire de l’Indépendance de notre pays. N'étant pas numérologiste, personnellement, je ne vois pas en quoi le nombre 47 entretient une relation privilégiée avec la capitale historique de notre pays pour que le choix du Président se porte sur elle maintenant.
L’idée de délocaliser la célébration du 1er août n'est pas en soi mauvaise, mais tu devines, cher ami, que je ne fais que déplorer, à l’instar d’un député célèbre natif comme moi de la cité des Houégbadjavi, la précipitation ébouriffante d’une telle décision !
A mon avis, comme toujours, Yayi Boni est à l'affût de tout ce qui peut lui créer une publicité sinon une notoriété historique susceptible d’être réinvestie dans son assise politique ; c'est pourquoi il se fait fort de s'intéresser, j'allais dire de se mêler de la séculaire sinon sempiternelle querelle entre les "rois" d'Abomey. Or l'approche exclusivement médiatique que le Président se fait de la résolution de cette question est à la mesure de la superficialité de sa connaissance du dossier, ce qui pour un Président doté d’un Ministre de l'Intérieur, et d’un autre de la Culture est tout de même préoccupant !
En fait tout chercheur modeste penché sur cette question, s’aperçoit que le vrai nœud est la place faite à Béhanzin dans l'Histoire du Dahomey ; place qui a été instrumentalisée, et dont l'instrumentalisation portée en toute sincérité sur ses fonds baptismaux par l'œuvre considérable de Jean Pliya a atteint son apogée avec l'appropriation « révolutionnaire » qu'en a faite le régime marxiste-léniniste des années 80 ; le symbole le plus proéminent de cette appropriation est le Place de Goho avec la belle statue d'un Béhanzin campé en nationaliste, fier combattant de la liberté, mettant en garde les Blancs contre tout désir de s'approcher de trop près de son pays :
Les villages dont vous parlez sont bien à moi, ils m'appartiennent et voulaient être indépendants, alors que j'ai envoyé les détruire et vous venez toujours vous plaindre. Je désirerais savoir combien de villages français indépendants ont été brisés par moi, roi du Dahomey. Veuillez rester tranquille, faire votre commerce à Porto Novo, comme cela nous resterons toujours en paix comme auparavant. Si vous voulez la guerre je suis prêt. Je ne la finirai pas quand même elle durerait cent ans et me tuerait 20 000 hommes. (Extrait d’une Lettre de Béhanzin au gouverneur Ballot)
A mon avis, si on veut véritablement résoudre ce problème, ce qui me paraît crucial pour la paix et le progrès de notre pays, dont le Royaume du Danhomey est quoi qu'on dise le cœur historique, il faudrait savoir que d'un point de vue généalogique, les membres de cette collectivité historique aujourd'hui se divisent au moins en deux. Ceux qui se réfèrent à Glélé, en tant que Père aussi bien de Béhanzin que de Agoliagbo, et ceux qui dans le feu de l'image mais aussi de la valeur historiques de la lutte de Béhanzin, prennent la référence à Béhanzin comme paradigmatique de toute référence, mais aussi ceux qui n'hésitent pas à l'opposer à Agoliagbo ; opposition manichéenne, qui est blessante et humiliante pour ceux qui, descendants ou partisans se reconnaissent dans la vie, l’œuvre et les choix politiques de Agoliagbo.
En fait, loin de reprendre naïvement à son compte la logique d'instrumentalisation de l'histoire qui a prévalu jusqu'à présent, la meilleure façon de réconcilier ces gens, est de réévaluer le règne de Glèlè, sans doute en continuité avec celle de Béhanzin, mais en lui faisant au sens symbolique comme au sens propre, une Place dans l'histoire. Construire, une Place Glèlè, aux environs d'Abomey ferait bien mieux pour réconcilier ce beau monde, plus que tout rafistolage de façade et au demeurant passablement politicien !
Avis donc à nos Ministères concernés par ce dossier !
Bien à toi,
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.