Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur... :
Le Jogging Présidentiel
Yayi Boni est sur un boulevard dégagé, il fait du jogging, encadré de part et d’autre par ses gardes en armes. Bien que le boulevard ait été vidé auparavant de toute intrusion inopportune, sécurité du Président oblige, de ses yeux perçants, Yayi Boni voit au loin un autre coureur, un homme-sandwich qui porte sur son dos un petit tableau noir. Comme l’intrus est très loin, Yayi Boni le scrute au moyen de ses jumelles. Il voit que l’intrus a l’air bien bâti et sûr de lui ; sur le tableau accroché à son dos est écrit l’équation suivante : « 65 + x = 70 – 1 »
Intrigué, Yayi Boni accélère sa foulée pour voir de près de quoi il retourne. Qui est cet intrus qui me nargue sur mon boulevard, en dépit des consignes de sécurité ? se demande-t-il. Mais au bout de plusieurs minutes de course, sa foulée n’y peut rien ; l’homme-sandwich est trop rapide. Yayi Boni choisit alors d’y aller en voiture. Il alerte son chauffeur qui se porte à sa hauteur, et avec ses gardes armés à bord, il prend en chasse l’homme-sandwich qui court toujours.
La poursuite se fit en deux temps ; il y eut un premier temps rationnel où, en quelques minutes la voiture de Yayi Boni remonta le coureur mystérieux et se trouva à quelques dizaines de mètres derrière lui ; puis un deuxième temps complètement irrationnel au cours duquel, bien qu’il fût à portée de voix, l’homme-sandwich était devenu imbattable à la course. Dès lors, comme si les vitesses des deux parties étaient solidaires, l’écart entre l’homme-sandwich et ses poursuivants restait constant : si le Président accélérait, le coureur accélérait d’autant, et si le Président ralentissait, le coureur ralentissait, de sorte que le Président ne pouvait le rattraper, et voir qui osait le narguer sur ce boulevard dédié à son jogging présidentiel.
Comme le manège durait, le Président finit par perdre son sang froid. De guerre lasse, à bout de nerf, il ordonne à son garde de gauche de tirer à blanc sur le tableau de l’homme sandwich ; peut-être s’arrêterait-il pour livrer le secret de son équation, pense le Président. Alors, le garde de gauche s’exécute et tire à blanc dans le dos de l’homme-sandwich. Instantanément l’équation qui hantait le Président s’efface, mais une autre hantise de taille apparaît : le portrait de Monsieur Houngbédji arborant la médaille du Commandeur de la la Légion d’Honneur avec le slogan : « Un vrai Président pour un vrai changement »
Ce coup de théâtre met Yayi Boni dans tous ses états ; furieux, il ordonne à son garde de droite de tirer à balle réelle sur le mystérieux homme-sandwich qui le nargue. Le garde de droite qui était déjà frustré de n’avoir pas versé de sang depuis la dernière bavure de Ouidah, qui coûta la vie à deux innocents, ne se gêna pas ; en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il se défoula copieusement en criblant de mitraille le dos du coureur mystérieux.
L’homme sandwich, vacilla, et s’écroula à plat ventre au milieu du boulevard. Tout à coup, le mystérieux coureur devint la source non moins mystérieuse d’un torrent de sang. Le torrent déborda sur les bas côtés du boulevard, et monta comme une mer à l’assaut de la voiture de ses assaillants. Poursuivi par la marée de sang, le chauffeur du Président se mit à faire une marche arrière d’enfer ; un sauve qui peut abracadabrantesque s’opéra ! C’est à ce moment précis que Yayi Boni se réveille. Ouf, se dit toujours le Président, à cet instant précis, ce n’est qu’un cauchemar ! Ce qui ne l’empêche pas de se mettre à échafauder à l’adresse de l’opinion maintes raisons pour justifier l’incident comme s’il eût été vrai…
D’une certaine manière le ver est dans le fruit comme on le dit ; et le récit du rêve est une réponse à la question posée. Ce qui ne dispense pas le lecteur d’en proposer une…
Eloi Goutchili
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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