Place des Comptes Rendus
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Dans ta dernière lettre, tu as critiqué la banalisation de la démagogie. Et mis l'accent sur le cynisme des hommes politiques qui se font élire sur des propositions aussi alléchantes que totalement irréalisables, mais qui sont agitées devant la conscience du peuple tout juste pour le déterminer à voter pieds et poings liés pour celui qui a le génie de les avancer. "Bénin émergent" par-ci, "Fracture sociale" par là, "Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale" ailleurs, j'en passe.
Dans l'intérêt des peuples toujours floués, et pour lutter contre ce cynisme, il faudrait à mon sens continuer à peaufiner les règles et contraintes de la démocratie ; comme ça a été le cas avec le principe de la publication de la fortune des élus, au premier rang desquels le Chef de l'Etat, avant et après leur accession au pouvoir ou leur prise de fonction.
Vu que les hommes politiques font flèche de tout bois pour accéder au pouvoir, et sont près à promettre tout ce que veut entendre les Peuples ; afin de décourager cette inclination maligne à la démagogie qui de législature en législature laisse les Peuples sur leur faim, deux institutions complémentaires me paraissent indispensables à mettre en place pour lutter contre le
vice de la démagogie, fléau politique ancien ressuscité et renforcé par la toute puissance des techniques modernes de persuasion et de manipulation de masse.
La première institution est un Comité Ethique Indépendant d'Evaluation de l'Action des Elus ( CEEAE) ; le second est une Cour des Comptes Politiques (CCP) qui a pour fonction de statuer sur les avis au cas par cas du Comité d'évaluation.
A cet effet, le principe de jugement de la cour des comptes politiques serait simple : en tout état de cause, tout homme politique qui, au terme de son mandat, n'aurait pas réalisé la moitié de ses promesses fortes se verrait déchoir de ses droits civiques et écoperait d'une lourde peine d'emprisonnement assortie d'une saisie de tous ses biens et fortune au-delà même de ceux qui sont acquis frauduleusement, et ce au titre de dédommagement public. Dans les cas graves et sans circonstances atténuantes, une peine de mort serait requise ; le cas échéant, cette peine serait exécutée dans des conditions rituelles à forte charge dissuasive avec participation du Peuple.
Dans cet ordre d'idées, à l'instar des Places de la République ou de La Nation auxquelles nous sommes habitués dans l'espace politique urbain, je suggère de construire une vaste Place des Comptes Rendus au centre de laquelle se dresserait une imposante guillotine. Sur cette Place, à chaque fin de législature, à date fixe, le Peuple donnerait rendez-vous a ses dirigeants. Les meilleurs seront décorés; les intrigants seront zigouillés sans pitié.
Voilà ce qu'il faut, mon cher Pancrace, pour lutter contre la banalisation de la démagogie, et cette façon de tromper le peuple pour accéder au pouvoir, pendant que, de décennie en décennie, la misère s'enracine chez le plus grand nombre, et la même minorité de nantis se passe le témoin d'une richesse indue dans l'impunité la plus totale. Mon cher Pancrace, dans ce que je dis là, ne vois surtout pas l'ombre d'une espèce d'ironie symbolique : je n'ai jamais été aussi sérieux. Je suis persuadé que c'est dans ce sens qu'il faudrait travailler si nous voulons que la politique soit vraiment au service du plus grand nombre et aide à changer la vie, à commencer par celle des plus pauvres et des laissés pour compte.
Cordialement,
Binason Avèkes.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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