La Crainte et le Respect
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Dans un article publié par le Matinal le journaliste Boubacar Bio égrène la longue suite des bavures de la garde présidentielle qui mettent en danger la vie des citoyens. Il dresse un bilan consternant ; puisque constate-t-il, en six mois de séjour constant sur le territoire, Yayi Boni, de part les agissements de sa garde, a été par six fois à l’origine de la mise en danger de la vie de ses concitoyens. Ce qui fait une moyenne d’une bavure par mois !
Le journaliste, à l'instar de l’opinion, pointe l’incompétence de la garde présidentielle et de ceux qui en ont la charge. Cette incompétence est déniée par la hiérarchie politico-militaire qui préfère utiliser la langue de bois pour éluder sa responsabilité. Par comparaison à l’époque de Kérékou la différence saute
aux yeux. Nous sommes pour le coup en plein changement. De même, le journaliste souligne l’effarement qu’on peut éprouver devant le deux poids deux mesures : entre le grand tintouin qui est fait autour d’agressions plus ou moins imaginaires contre le pouvoir en place et son chef – agression politique, lorsque les propos du chef de l’Assemblée sortante, M. Kolawolé Idji sont considérés comme attentatoires à la paix civile ; agression physique lorsque sur la route de Ouessè le convoi du Président essuie des coups de feu dont l’origine indéterminée n’a pas empêché ses thuriféraires de crier au loup des ennemis du Changement – et le silence assourdissant de la société civile à la suite de la bavure de Ouidah.
Mais au-delà de l’incompétence ou de la soûlerie de ces hommes en armes qui se croient tout permis, qu’il soit permis de porter le fer au cœur même d’une intention délibérée de terroriser. En effet, on voudrait faire passer dans le pays l’image ivanesque d’un Yayi-le-Terrible qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Envoyer aux ennemis plus ou moins imaginaires du Changement des signaux d'une détermination sans faille à défendre bec et ongles son chef mérite-t-il un tel sacrifice ? Derrière l’incompétence des responsables de la garde présidentielle, il y a bien une compétence dans la mise en scène de ces bavures orchestrées de manière maîtrisée et qui sont allées crescendo. Ces six bavures qu’évoque à juste titre le journaliste du Matinal ont scandé la geste totalitaire du nouveau pouvoir. Dans sa première phase de success story où l’obsession de faire des législatives une confirmation de sa personne et de son pouvoir a marqué les faits et gestes de Monsieur Yayi Boni, jusqu’à l’apothéose des élections législatives auxquelles toutes les règles de bienséance démocratique ont été délibérément sacrifiées, dans le seul but de les gagner à tout prix. Ces bavures dont la gravité allaient crescendo, comme par hasard atteignent leur point culminant de barbarie inouïe après que la parti au pouvoir se fut accaparé de l’Assemblée nationale, réalisant le rêve totalitaire de son président. Ce hasard est fort douteux. Qu’on nous permette d’en douter. Mais hasard ou pas, voilà bien une épouvantable manière de signer son pouvoir. Le Peuple Béninois est un peuple pacifique, épris de justice, de progrès et de tolérance. Le refus de la barbarie doit se mesurer au respect de la vie humaine qui est sacrée. Ce respect impose au pouvoir en place de prendre ses responsabilités : à commencer par celle qui consiste à faire justice aux victimes. A commencer par la prise de mesures qui s’imposent pour qu’il n’y ait plus jamais ça ; pour que la peur de « mourir par hasard » dans nos rues ne provienne pas du plus haut niveau de l’Etat.
Pour un dirigeant digne de ce nom, la valeur ne se mesure pas à la crainte qu’on inspire au citoyen et celle-ci ne doit pas se faire dans le sacrifice humain, horrible pratique d’un passé révolu. Non, la valeur d’un dirigeant digne de ce nom se traduit par le respect librement consenti de ses concitoyens.
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Aminou Balogoun
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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