Mon Idéo va, court, vole et tombe sur… :
L’illusionnisme performatif
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Souvent, après le verdict grandeur nature des urnes, tout le monde constate désabusé que les sondages d’opinion n’ont rien prévu. Et alors ont les accuse d’être mensongers. Mais la vérité c’est que les sondages n’ont pas la vérité infuse et surtout n’ont jamais l’intention d'en avoir pour peu qu’ils en eussent les moyens. En fait selon l’éthique et les moyens financiers du parti politique et du candidat qui les commanditent ; et selon l’éthique des officines qui concoctent ces sondages, la manipulation des biais, et le caractère tendancieux des questions permettent d’obtenir le type de résultat qu’on veut.
Rien n’est laissé au hasard dans la démarche qui va du questionnement à la publication des résultats en passant par le questionnaire, et la méthode particulière choisie. Ces hommes peu scrupuleux jouent les oracles des temps modernes et abusent d’un désir qui a toujours caractérisé les collectivités humaines, à savoir le désir de prévoir ce qui va se passer, la forme de l’avenir plus ou moins proche. De manière machiavélique et sans aucun état d’âme, l’usage qui est recherché dans les sondages d’opinion est devenu opératoire et performatif. C’est-à-dire qu’on compte sur le sondage pour suborner l’opinion, l’orienter, exploiter le cas échéant ses inclinations conformistes ou la culpabiliser dans le cas contraire. Comme s'il s'agissait d'un tiercé et qu'il y allait de l'intérêt de l'électeur de choisir le cheval gagnant, on fait peser sur lui l'autorité de la rumeur et du bon sens conformiste. Dans le cadre des prochaines élections présidentielles en France, il n’y a qu’à voir la frénésie de publication de ces sondages et le caractère farfelu sinon tendancieux de leur sujet pour s’en convaincre. Il y a au moins deux sortes de sondages d’opinion : ceux qui sont réservés à l’usage confidentiel du candidat et de son état-major de campagne ; et ceux qui sont destinés à être publiés. Si chacun des douze candidats à l'élection présidentielle d'avril et leurs partis font recours au premier type selon leurs moyens et leurs intérêts, le second type est pratiqué à outrance et mis en scène par le plus machiavélique d’entre eux ; celui-là qui entend faire flèche de tout bois ; se veut « Président d’abord et puis après, ben, on verra » ; celui-là qui, obsédé par son success story place son destin personnel avant celui de la France. Cette manière d’utiliser les sondages pour d’une part suborner l’électeur, l’orienter ou le culpabiliser, lui indiquer le bon côté de l’opinion, et d’autre part piéger ses adversaires et leurs partis a été et demeure la stratégie maîtresse de ce candidat. Mais à force de se shooter à l'opium de l'opinion, à force de brandir de manière cynique l’outil forgé du sondage d’opinion, le forgeron risque d’être dupe de sa propre forgerie. Au jour de vérité, à l’instar de ceux qu’il aura contribué à berner frénétiquement, il aura tout loisir de crier au loup du sondage et à ses nombreux mensonges. Mais la sagesse impose de reconnaître les limites de cet illusionnisme performatif.
Eloi Goutchili
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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