Mon Idéo va, court, vole et tombe sur... :
.Avoir et Vouloir
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« On ne peut pas avoir un Bénin émergent en mettant de côté la vérité »
Cette phrase étonnante n’émane pas d’un philosophe ni d’un sage – du moins pas reconnu comme tel – même si l’un et l’autre pourront à loisir la prendre à leur compte. Non, ce mot d’une grande valeur proverbiale est sorti de la bouche d’un homme politique, l’Honorable Azannaï.
Certes l’homme ne dédaigne pas les coups d’éclat et n’a pas pour habitude d’avoir sa langue dans sa poche. Parfois même ses prises de position sont marquées au coin d’une exaltation polémique dont le désintéressement proclamé cache mal des intérêts stratégiques.
Mais là, rien de tel. Le mot tombe à pic, sans excès ni fard, en toute simplicité. Il faut bien qu’on le comprenne. Monsieur Azannaï ne nous dit pas qu’ « on ne peut pas vouloir un Bénin émergent et mettre la vérité de côté. » Nous savons tous avec Pascal que la Raison a beau vouloir, elle ne paie pas souvent le prix de sa volonté.
Les êtres humains, les sociétés sont souvent enclins à vouloir une chose et dans le même élan à faire le contraire de ce qu’il faut pour réaliser leur volonté. Cette évidence n’échappe pas à l’honorable député. Monsieur Azannaï ne doute pas – même si on peut supposer que la certitude lui est pénible à penser – qu’on puisse bien vouloir un Bénin émergent et mettre la vérité de côté. Dans le même ordre d'idées, on peut bien vouloir un Bénin émergent et frauder les élections ; on peut bien vouloir un Bénin émergent et ne pas faire de quartier avec ceux qui ne pensent pas comme nous, bien qu'ils souhaitent eux aussi que le pays se porte mieux ; etc.
Non, dans son esprit, l’honorable député n’avait certes pas l’intention de décréter la fin du paradoxe de la volonté. Ce qu’il veut dire tout simplement c’est que vouloir n’est pas avoir. Vous avez le droit de vouloir ce que vous voulez ; en l’occurrence, et puisqu’il s’adresse à ses pairs en politique, un Bénin émergent. Mais pour autant, interroge-t-il, pouvez vous l’avoir ce Bénin émergent, à n'importe quel prix ? Non, dit-il, si vous mettez de côté la vérité. Voilà au moins une condition pour écarter le risque du paradoxe de la volonté.
Dans le fond, on se doute bien que la condition énoncée par l’honorable député n’est pas la seule qui assure à la volonté du nouveau gouvernement d’atteindre sa fin louable. Si on accorde que les pratiques et les politiques qui ont rendu nécessaire le changement actuel sont aux antipodes de la vérité, c’est accepter du même coup de donner toute son extension au mot vérité. Dès lors, il va sans dire que la vérité est la condition sine qua non du succès ; et la mettre de côté conduirait inexorablement à l’échec.
Depuis Voltaire, on savait que la vérité sort souvent de la bouche des candides ; par ces propos de l’honorable Azannaï, nous avons la double preuve qu’elle peut aussi sortir de la bouche d’un député, fût-il, hélas, battu aux dernières élections.
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Eloi Goutchili.
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007
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