La victoire frauduleuse des médias
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Le 22 Avril les Français iront aux urnes pour ce qui est constitutionnellement le 1er tour des élections présidentielles. Mais en réalité, selon une volonté machiavélique qui depuis plusieurs législatures dénature l’esprit de la constitution, il s’agit d’un 3ème tour des élections.
Le premier tour était sondagier ; pendant plusieurs mois, en faisant de Ségolène Royal la nouvelle diva des sondages, on la désigna virtuellement comme gagnante.
Puis, le second tour fut stricto sensu médiatique qui désigna Sarkozy gagnant. Ces deux premiers tours sont bien entendu liés entre eux, compte tenu du fait que les officines de sondage travaillent en cheville avec les médias dominants, toutes formes confondues. Ces deux verdicts constituent donc les deux volets d’une division du travail de manipulation des masses.
Ils ont pour but de placer les Français devant le consensus frauduleux d’une évidence indépassable. La méthode utilisée allie l’argument d’autorité à l’hypermédiatisation du candidat choisi. Des voix plus ou moins autorisées montent au créneau pour dire ce qu’il convient de faire. Souvent de manière brouillonne mais parfois avec une subtilité appuyée sur les ressources d’un savoir-faire professionnel. Lobbying désespéré mais tenace. Certains finissent même par jeter le masque. Comme un célèbre journal du soir qui, sous prétexte de faire l’éloge d’un combat frontal salutaire pour la démocratie, ne vise en réalité qu’à soutenir les conditions a priori du succès d'un scénario médiatiquement écrit d’avance, et mis en danger par le sursaut salutaire du Peuple.
On peut penser que les médias qui se sont corps et âme lancés dans cette entreprise en attendent un bénéfice sous diverses formes possibles de renvoi d’ascenseur. Avantages bien compris. Mais en vérité, les raisons de cette entente illicite vont bien au-delà de toute idée d’avantages. En fait deux raisons majeures président à cette combine politco-médiatique.
La première met à l’œuvre une logique oligarchique qui, au mépris des valeurs démocratiques, vise à asseoir le pouvoir d’une caste de nantis. La méthode consiste à jouer des apparences, en présentant comme démocratique un processus électoral dont le Peuple en réalité est finement dessaisi.
L’autre raison relève d’une espèce de perversion de la représentation de soi d’un groupe professionnel qui se veut lui aussi une sous-caste : celle des médias dominants, toutes formes confondues. Les médias dominants, qu’il ne faut pas confondre avec les médias dominés, tels des poissons dans l’eau, ont l’instinct de banc. Même lorsqu’ils se disent opposés, ils savent instinctivement où s’arrête leur opposition et où commence le territoire intouchable de leurs intérêts. Aussi, vont-ils naturellement dans la même direction sans qu’une concertation préalable ne soit nécessaire à cet effet.
Mais là où la perversion entre en jeu c’est lorsque les médias dominants prennent acte du pouvoir d’influence qu’ils ont sur les gens et se livrent sans vergogne à ce qu’on pourrait qualifier en langage juridique d’un abus de bien politique. Ivres de leur pouvoir, ils se laissent aller à la tentation grisante de jouer les faiseurs de rois. Dès lors, plus rien ne peut les arrêter.
Il y a sûrement quelque vide juridique à combler dans les institutions des démocraties les plus avancées. Si la nature a horreur du vide, les manipulations politico-médiatiques prospèrent sur le terreau du vide juridique. Tant que certains groupes professionnels ou sociaux, solidement imbus d’eux-mêmes pourront abuser de leur pouvoir en toute impunité pour interférer dans le fonctionnement normal d’un processus électoral, et donc du fonctionnement de la démocratie, il ne faut pas compter sur leur bonne foi pour s’en priver.
Le reste ne sera plus qu’artefact, beau discours, effets d’illusion bien entretenus. L’un de ces effets d’illusion est le fait que tout le monde s’entend à désigner ce qui va se passer le 22 avril sous le vocable fallacieux de « 1er tour des élections » alors qu’en réalité il s’agit d’un troisième tour.
Cette duperie est déjà une victoire : celle hélas frauduleuse de la caste des médias dominants.
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Blaise APLOGAN.
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