Hécatombe.
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Si Descartes devait former un gouvernement aujourd’hui, en toute logique, il placerait le sujet de l’immigration dans la case Ministère du travail et des affaires sociales. De même qu’il affecterait tout naturellement le sujet de l’identité nationale à la case Ministère de la culture. Seulement voilà, Sarkozy n’a pas une goutte de sang de Descartes dans ses veines. En proposant de créer le cas échéant – cas funeste que les mânes de Descartes écarteront pour l’honneur de la Raison – un Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, Sarkozy s’allie à une logique non-cartésienne : celle de Gobineau qui a connu son moment de gloire mais aussi sa belle mort.
La proposition de Sarkozy n’est pas seulement la preuve qu’il a échoué dans son Ministère. Sarkozy rétorque à ceux qui crient au loup que seul les Français trancheront. Or son appel du pied aux électeurs de Le Pen à des relents racistes. Mais les Français sont-ils aussi racistes que le candidat de l’UMP le croit ? Sont-ils aussi amnésiques ? Se laisseront-ils berner par une rapsodie de propositions insidieuses qui vont ainsi d’une extrême à l’autre ? Rien n’est moins sûr.
Car l’identité française est d’abord celle de la mémoire et de la fidélité aux valeurs de la République.
La banalisation extrême de l’extrême-droite n’est pas un phénomène nouveau. Compte tenu de l’arithmétique électorale, c’est devenu un passage médiatique obligé des candidats de droite à l’élection présidentielle. A droite, on a toujours caressé la bête lepénienne dans le sens du poil. C’était devenu la condition sine qua non, sinon d’une capture des électeurs potentiels du front national au premier tour, du moins celle d’une assurance de les rassembler massivement au second tour. Le Président sortant, Jacques Chirac, a lui aussi régulièrement joué dans le même registre. Mais en son temps les formules choisies aussi choquantes qu’elles fussent, restaient encore en deçà de la ligne jaune, car Le Pen n’avait pas encore accompli le miracle du 22 avril 2002.
Aujourd’hui, Le Pen est devenu un candidat potentiel de second tour ; ce qui contraint Sarkozy à un exercice dangereux pour lui-même et pour les Français. En associant dans un même ministère la thématique ambiguë de l’identité nationale et celle controversée de l’immigration, Sarkozy veut faire d’une pierre deux coups. Il adopte la posture d’un double parricide. Jadis, en la matière, Chirac restait à l’intérieur de la ligne jaune, Sarkozy la franchit et le tue du même coup. Belle manière d’illustrer la rupture avec un Président dont il a été continûment Ministre. En annexant à son compte la vision lepénienne d’un ministère chimérique en contradiction avec les valeurs républicaines et dans une formule polémique concoctée à dessein pour faire choc, Sarkozy fait mieux que Le Pen. Belle manière d’annoncer qu’il est le seul exécuteur testamentaire crédible de Le Pen. Ce qui suppose en toute logique qu’il l’ait tué.
Or donc, la résurrection de Gobineau contraint Sarkozy à tuer Descartes une deuxième fois et à faire un double parricide politique. Pourquoi verser tant de sang ? Est-ce bien raisonnable ? Oh, Descartes, sauvez-nous !
Binason Avèkes
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