Chérie, on monte ?
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J’ai passé ma première nuit à l’hôtel. Très fatigué, j’ai dormi comme une bûche. Le lendemain, toute la journée, je n’ai fait que me reposer regarder la rue à travers ma fenêtre. La rue était animée et les piétons passaient sans arrêt. Je regardais surtout les jeunes qui avaient des cheveux en or. Je voulais savoir si elles étaient nées comme ça ou si c’était une fabrication. Je ne savais pas pourquoi certaines femmes avaient des cheveux couleur de jais et d’autres des cheveux en or ; je pensais que celles qui avaient des cheveux en or étaient bénies des dieux.
Au début de l’après-midi, le téléphone a sonné et quand j’ai décroché, une voix de femme me dit :
« Eh, mon petit loup ça te dirait une pipe ?
— Madame, je ne suis pas un loup, mais un dah.
— Bon, mon dah adoré, tu veux une pipe ?
— Non, Madame, je ne fume pas »
Quand j’ai dit ça, la femme a commencé à parler d’une voix méchante. Je voulais lui expliquer que je ne fumais pas vraiment, mais elle ne m’en a pas laissé le temps. D’une manière furieuse, elle a raccroché avec fracas. Après, je suis resté seul sans être dérangé pendant un certain temps. Vers le soir cependant, le téléphone a encore sonné et une voix d’homme a dit :
« Bonsoir, dah Kpossouvi ?
— Oui ?
— Monsieur Saint-Hilaire à l’appareil. Comment allez-vous ?
— Très bien Monsieur, merci.
— Est-ce que ça se passe bien ?
— Oui, très bien.
— Ah, vous m’en voyez ravi. Comment vont vos affaires ?
— Après-demain, je vais aller voir l’homme que je suis venu chercher, et dans trois jours peut-être, je serai de retour en Afrique.
— Repartir si vite ? Vous n’aimez pas Paris ?
— Oh oui, Paris est belle !
— Alors, dah restez ; la chambre est à votre disposition aussi longtemps que vous voudrez, je prends tout en charge.
— Merci beaucoup Monsieur, merci
— Je vous en prie. »
Monsieur Saint-Hilaire ne voulait pas que je le remercie. Au contraire, avant de raccrocher, il m’a encore dit : « Oh non, c’est moi.... »
Quand j’ai fini de parler à Monsieur Saint-Hilaire je ne sais pas pourquoi toute ma pensée s’est tournée vers Montcho. Peut-être parce que j’avais dit à Monsieur Saint-Hilaire que j’espérais voir Monsieur Dubosc le surlendemain à Joinville. Puisque Montcho était devenu un chien, je ne savais pas comment faire pour me rapprocher de lui. Je savais déjà son nom de chien : Joko et je pensais que si Joko vivait dans la maison de son maître, il vaudrait mieux connaître l’adresse de Monsieur Dubosc et me rendre là-bas d’une façon ou d’une autre. Ou alors, puisque Monsieur Dubosc avait besoin d’un perroquet, il serait bon d’aller chez lui en perroquet mais alors, qui m’accompagnerait ? Qui pourra parler avec lui en homme pendant que moi je joue le rôle du perroquet ?
Toutes ces pensées tournaient dans ma tête mais je ne voulais pas trop penser, alors je suis sorti de l’hôtel cependant que la nuit était déjà tombée. J’ai marché un peu dans la rue Rochechouart et je suis arrivé dans une rue nommée Lamartine. Après, j’ai continué vers une rue appelée rue des Martyrs et j’ai longé cette rue et il y avait beaucoup de voitures qui passaient et, sur le trottoir, les gens marchaient dans la nuit. Toutes les rues de Paris parlent avec leurs noms. En marchant comme ça et en regardant les gens et les vitrines éclairées, en passant beaucoup de rues, je suis arrivée sur une place appelée Place Pigale. Dans une petite rue donnant sur la Place, j’ai vu des femmes avec des cheveux noirs et des cheveux en or. Certaines étaient dans un salon faiblement éclairé, assises sur de hauts tabourets devant un comptoir ; elles portaient des jupes et des corsages très courts et je voyais leurs fesses presque nues ; leurs cuisses étaient charnues et leurs gros seins ressemblaient à des calebasses mûres. D’autres femmes étaient dans la rue, debout le long d’un mur dans un coin obscur. Il n’y avait pas de différence entre les femmes du salon et les femmes qui étaient dehors, sauf qu’on pouvait s’approcher de celles qui étaient dehors et les voir comme on voulait comme dans un marché. Des hommes dans la rue les regardaient comme on regarde les fruits mûrs au marché avant d’en acheter. Certaines femmes avaient de grosses voix d’homme qui faisaient peur quand elles s’approchaient en disant : « Chérie, on monte ? »
A suivre...
Copyright Blaise APLOGAN, 2007
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